Greffe de pénis et du scrotum : l’itinéraire d’un succès

Reconstruction tomodensitométrique préopératoire de l'étendue des lésions avant la greffe. Un petit moignon pénien est visible, avec perte de la paroi abdominale inférieure, de la totalité de l'axe pénien, du scrotum et des testicules.
L’on ne souhaite à personne l’épreuve qu’a subie ce soldat américain. En patrouille sur une zone en guerre, il mettait le pied sur une mine, perdant, au cours de l’explosion, ses deux jambes, ses organes génitaux et une partie substantielle de sa paroi abdominale basse.

Après l’accident et la cicatrisation des lésions initiales, le patient conservait un tissu pénien de 1,5 cm de long avec l’urètre. Le tissu scrotal était inexistant ainsi que les testicules. L’imagerie montrait des artères épigastriques inférieures, iliaques et fémorales intactes, mais les artères péniennes dorsales et caverneuses étaient insuffisantes pour supporter une greffe.

Pris en charge quelque temps plus tard par une équipe de l’Hôpital John Hopkins de Baltimore, le patient a bénéficié d’une intervention chirurgicale hors du commun, consistant en une greffe en une seule pièce d’une partie de la paroi abdominale basse, du pénis et du scrotum (sans les testicules), prélevés chez un patient décédé.

Une technique chirurgicale « individualisée »

Une technique chirurgicale a été développée pour ce patient, au cours de laquelle les artères épigastriques profondes ont été utilisées pour revasculariser les artères péniennes dorsales et la greffe, avec les artères pudendales externes pour contribuer à l’irrigation des tissus de l’aine, de l’abdomen, du scrotum et de la partie proximale du pénis. La transplantation a commencé par l’urétroplastie et l’anastomose du pénis.

Le patient a reçu un traitement d’induction avec de l’alemtuzumab et des glucocorticoïdes, puis un traitement d’entretien par tacrolimus en monothérapie. Une perfusion de moelle osseuse du donneur a aussi été pratiquée.

A plus d’un an de l’intervention, les nouvelles sont bonnes. Une lettre de l’équipe chirurgicale au New England Journal of Medicine nous apprend que le patient a des érections quasi-normales et peut obtenir des orgasmes, ses sensations au niveau du pénis sont normales. Il peut uriner debout, sans forcer, à une fréquence normale et avec un jet normal. Il mène une vie indépendante, se déplaçant grâce à ses prothèses de jambes.

Il est inutile de rappeler que la perte des organes génitaux est une expérience très traumatisante chez l’homme. Les reconstructions conventionnelles sont insuffisantes pour restaurer totalement les fonctions péniennes. Jusqu’à présent, seules 4 greffes de pénis ont été décrites dans le monde. Celle reportée ici est la seule incluant aussi la greffe du scrotum et d’une partie de la paroi abdominale.

Dr Roseline Péluchon

Références
Redett RJ and coll. : Total Penis, Scrotum, and Lower Abdominal Wall Transplantation. N Engl J Med ., 2019; 381(19): 1876-1878. DOI: 10.1056/NEJMc1907956

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article