
Paris, le vendredi 21 septembre 2018 - La cour d’appel de
Paris a accepté la demande d’adoption plénière de l’époux du père
biologique de deux enfants nés par gestation pour autrui (GPA) au
Canada. Une étape supplémentaire vers la reconnaissance complète de
l’effet des GPA réalisées à l’étranger.
C’est un paradoxe juridique qui risque d’être de plus en plus
difficile à soutenir : alors qu’il est toujours interdit de faire
appel à une mère porteuse en France, une GPA réalisée à l’étranger
a quasiment plein effet juridique dans notre pays. La cour d’appel
de Paris, dans un arrêt rendu ce mardi, a en effet accepté la
demande d’adoption plénière de l’époux du "parent d’intention" de
deux enfants nés par GPA au Canada, où une telle pratique est
autorisée. Le demandeur est l’époux du père biologique des enfants.
Sa demande d’adoption plénière, qui, à la différence d’une adoption
simple, est irrévocable et rompt tout lien de filiation entre les
enfants et la mère porteuse, a été jugée conforme à l’ « intérêt
de l’enfant ». Une notion floue mais qui doit guider toute
décision judiciaire concernant des mineurs.
Une jurisprudence profondément modifiée
La jurisprudence française a fortement évolué sur la question
de la reconnaissance des effets des GPA réalisées à l’étranger ces
dernières années. Pendant longtemps, la Cour de Cassation refusait
la transcription à l’état civil français des actes d’état civil
d’enfants nés à l’étranger par GPA. Mais à la suite de la
condamnation de la France par la Cour Européenne des droits de
l’Homme (CEDH), les juges avaient finalement accepté cette
transcription dans un arrêt du 3 juillet 2015. La Cour de Cassation
avait ensuite précisé sa position dans une série d’arrêts du 5
juillet 2017. Selon les juges, la transcription à l’état civil
français n’est possible que si l’acte d’état civil étranger indique
comme parents le parent biologique et la mère porteuse, mais pas le
"parent d’intention" (le conjoint du père biologique). En
compensation, le parent d’intention peut réaliser une adoption
simple de l’enfant, mais pas une adoption plénière. En effet, selon
le droit français, la mère de l’enfant est celle qui accouche et il
n’est donc pas possible d’effacer ce lien de filiation par une
adoption plénière.
En confirmant le jugement du Tribunal de grande instance de
Paris et en acceptant la demande d’adoption plénière du père
d’intention, la Cour d’appel de Paris est donc allée au-delà de la
jurisprudence de la Cour de Cassation. Les juges du quai de
l’Horloge devront donc très certainement se prononcer sur cette
question dans un avenir proche. En faisant bien attention de ne pas
s’attirer les foudres de la CEDH.
Quentin Haroche