
Mais qui ?
Plus nourris, les cortèges français de ce week-end ont été une nouvelle fois parsemés de références nauséabondes au traitement des juifs pendant la seconde guerre mondiale. Outre le port désormais habituel d’étoiles jaunes détournées, à Metz une pancarte listant des noms de médecins, de responsables publics et autres personnalités dont plusieurs dites « d’origine » juive (tel le philosophe Bernard-Henri Lévy qui a pourtant à plusieurs reprises émis des réserves sur les mesures prises contre l’épidémie) a soulevé l’émotion. La pancarte était barrée de la question « Mais qui ? », faisant allusion aux déclarations d’un des militaires auteurs d’une tribune évoquant le « délitement » de la France et qui interrogé d’un « mais qui » concernant les personnes contrôlant selon lui « la meute médiatique » avait répondu « la communauté que vous connaissez bien ». Aussi, pour le ministre de l’Intérieur, comme pour la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), le caractère antisémite de cette pancarte ne fait guère de doute. Alors qu’une enquête a été ouverte par le parquet de Metz et que la Licra devrait déposer une plainte, Gérard Darmanin a sévèrement rappelé « l’antisémitisme n’est pas une opinion ».L’obscénité sans frontières
Las, ces dérives antisémites et notamment ces références obscènes à l’extermination des juifs ne sont pas observables qu’en France. Ainsi, même l’Allemagne, où de telles comparaisons sont extrêmement rares et toujours le plus vivement condamnées, des étoiles jaunes ont été observées sur les pancartes de certains manifestants. En Grande-Bretagne, également, les comparaisons entre le National Health Service et le parti Nazi n’ont pas pu être évitées. Confirmant s’il en était nécessaire que l’ignorance et l’indécence n’ont pas de frontières, ces mêmes inepties signent également que partout dans les pays européens, une partie importante des manifestants se rangent à l’extrême droite de l’échiquier politique. C’est ce que constatent les journalistes français présents dans les capitales européennes. Paolo Levi, correspondant à Paris pour l’agence de presse italienne Ansa décrit ainsi : « Même si d’un côté les anti-Green Pass bénéficient du soutien de Matteo Salvini, dont le parti est membre de la coalition gouvernementale, on trouve aussi des ‘NoVax’ soutenus par les néofascistes de Forza Nuova ».Une hétérogénéité peu visible
Cependant, les défilés scrutés à l’étranger sont comme en France hétérogènes, avec une mobilisation moins visible de certains groupes d’extrême gauche et de mouvements moins politisés, se revendiquant comme « libertaires ». Les particularités des positions de ces manifestants, qui essayent de garder leur distance avec les protestations les plus radicales, peinent à se faire entendre, notamment en raison d’une médiatisation moindre (ce qui tend à offrir une vision parcellaire des mobilisations). Pascal Thibaut à Berlin, cité par France Inter, décrypte : « On trouve également des personnes situées à gauche, des personnes simplement sceptiques, des groupes un peu plus ésotériques. Mais ces gens sont moins visibles car ils se mobilisent de façon individuelle. Le mouvement des 'libres-penseurs' se revendique apolitique et joue sur cet aspect pour mobiliser davantage ». Les discours de ces protestataires alternatifs, qui insistent notamment sur la crainte que le pass sanitaire ne dérive vers une société encore plus contrôlée et verrouillée, qui met l’accent sur le refus des discriminations entre citoyens, sont également assourdis par la virulence des groupes anti vaccin. Ainsi, même si parmi les manifestants, d’aucuns essayent de rappeler qu’ils sont vaccinés tout en prônant le libre choix, les anti vaccins, parfois complotistes, constituent souvent le noyau dur des cortèges. Le professeur de sociologie, Michel Wieviorka analyse sur France Inter : « C'est un mouvement qui, très paradoxalement, a besoin des anti vaccination purs et durs, tout en n'étant pas réductible, loin de là, à la contestation du principe de la vaccination en général ou de cette vaccination. Autrement dit, peut-être que les anti vaccination ne sont pas si nombreux dans les cortèges, mais sans eux, ce mouvement retomberait très vite. D'autre part, ce mouvement réunit de plus en plus des gens qui non seulement se disent anti-vaccins, et veulent 'la liberté', mais qui disent aussi 'je veux l'égalité, je ne veux pas de discrimination'. J'entends aussi une petite voix qui dit 'Je veux de la dignité, je veux du respect'. Et ça, on le percevait moins avant ».Une tendance française séculaire attisée par la haine anti Macron
A.H.