
Les hémorragies intraventriculaires [HIV] qui débutent dans la zone germinative sont l’une des complications de la grande prématurité. Il est habituel d’opposer le pronostic des HIV localisées à la zone germinative ou débordant dans les ventricules latéraux (grades 1 et 2) à celui des HIV qui s’accompagnent d’une dilatation ventriculaire et/ou s’étendent dans le parenchyme cérébral (grades 3 et 4). Une étude de cohorte rétrospective précise le devenir à moyen terme de très grands prématurés victimes d’une HIV de bas grade.
La population de cette étude est constituée par les 1 472 prématurés de 23 à 28 semaines nés dans une région d’Australie entre 1998 et 2004, qui ont survécu et n’ont pas été perdus de vue jusqu’à 2-3 ans, ce qui permet de disposer de 4 échographies transfontanellaires en période néonatale (à J1-J4, J10-J14, 4-8 sem. de vie et 36-40 sem. de terme corrigé) et d’une évaluation comportant des tests mentaux à l’âge corrigé de 2-3 ans pour chacun des sujets. Un retard mental de -2 à -3 DS, une paralysie cérébrale permettant la marche avec aide, et une surdité bilatérale appareillée ont été considérés comme des séquelles modérées ; un retard mental ≥ -3 DS, une paralysie cérébrale ne permettant pas la marche et une cécité bilatérale, comme des séquelles sévères.
La prévalence des HIV était de 29 % (429/1472). La majorité était de grade 1 (232) ou 2 (104) ; 28 % étaient accompagnées par d’autres lésions à l’échographie de 4-8 semaines : une leucomalacie périventriculaire, une porencéphalie et/ou une hydrocéphalie.
A 2-3 ans d’âge corrigé, des séquelles neurodéveloppementales modérées à sévères affectaient 12 % des enfants sans HIV, 21 % des enfants avec une HIV de grade 1, 24 % des enfants avec une HIV 2, 41 % des enfants avec une HIV 3, et 46 % des enfants avec une HIV 4. Dans les HIV 1 et 2 réunies, ou de bas grade, le taux global des séquelles était environ le double de celui des enfants sans HIV (22 % versus 12 %, p <0,001) et la moitié de celui des HIV 3 et 4 réunies (22 % vs 41 %). Les prévalences des retards mentaux, des paralysies cérébrales et des surdités s’élevaient à 7,8 %, 10,4 % et 6,0 %, respectivement.
Après exclusion des HIV combinées à d’autres lésions cérébrales, la prévalence des séquelles dans les HIV de bas grade isolées restait supérieure de 7 % à celle des enfants sans HIV (19 % vs 12 %, p <0,01). Après ajustement sur des variables périnatales, cette prévalence restait encore supérieure de 5 % à celle des enfants sans HIV. Une HIV de bas grade isolée multipliait par 1,7 le risque de séquelles neurodéveloppementales modérées à sévères (Odds Ratio ajusté = 1,73 ; Intervalle de Confiance 95 % : 1,22-2,46). L’accroissement de 5 % de la prévalence des séquelles liées à une HIV de bas grade s’observait aussi bien chez les prématurés de 23-25 semaines que chez les prématurés de 26-28 semaines.
Les résultats ci-dessus peuvent susciter des réserves : l’étude est rétrospective, les lésions éventuelles de la fosse cérébrale postérieure sont ignorées, et il y a eu 25 % de perdus de vue. On notera surtout qu’ils ne concernent que le devenir à moyen terme et n’intègrent pas les séquelles dites légères.
Au total, une HIV de bas grade isolée n’est pas aussi bénigne qu’on le pense souvent chez les très grands prématurés. Ce fait, déjà établi par des études antérieures, notamment l’enquête EPIPAGE 1, est peut-être occulté par la prévalence de base élevée des séquelles chez ces enfants. Pourtant, il est logique puisque le saignement se produit dans ce qui subsiste de la zone germinative entre 24 et 28 semaines de gestation, au niveau de la tête du noyau caudé.
Dr Jean-Marc Retbi