Grossesse après chirurgie bariatrique : des conséquences balancées

Le surpoids et l'obésité qui ont pris une proportion épidémique aux Etats-Unis et dans certains pays européens posent des problèmes importants en obstétrique. Aux Etats-Unis on estime par exemple que 36 % des femmes adultes sont obèses (IMC supérieur à 30) avec un pourcentage de patientes souffrant d'obésité morbide (IMC entre 40 et 50) ou de super-obésité (IMC supérieur à 50) en progression. 

Les études épidémiologiques ont montré que l'obésité lors d'une grossesse augmente significativement la fréquence du diabète gestationnel, des macrosomies, des complications lors de l'accouchement, de la prématurité, des mort-nés et de certaines malformations congénitales sans parler de l'augmentation des risques à plus long terme de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires chez la mère et d'obésité dans la descendance.

Qu'on le veuille ou non, pour faire face à l'obésité chez la femme jeune, le traitement le plus efficace actuellement est la chirurgie bariatrique.

Mais faute d'études de grande envergure on ne connaît pas toutes les conséquences (positives ou négatives) de ce type d'intervention sur le déroulement de la grossesse.

670 grossesses après chirurgie bariatrique

C'est pourquoi une équipe suédoise a entrepris la plus importante étude observationnelle jamais réalisée sur le sujet. Kari Johansson et coll. se sont appuyés sur un outil épidémiologique exceptionnel, le Swedish Medical Birth Register qui collige les données de 98 % des naissances survenues en Suède depuis 1973.

Entre 2006 et 2011, 627 693 grossesses aboutissant à la naissance d'un enfant unique ont été enregistrées dont 670 concernaient des femmes ayant préalablement bénéficié d'une chirurgie bariatrique et pour lesquelles on connaissait le poids avant l'intervention. Chacune de ces 670 grossesses a été appariée par l'IMC (avant la gestation), l'âge, la parité, la consommation de tabac, le niveau d'éducation et l'année de l'accouchement à 5 grossesses contrôles survenues chez des femmes obèses non opérées.

Moins de diabète gestationnel mais peut-être plus de mort-nés et de mortalité néonatale

Il est apparu que la chirurgie bariatrique avant la grossesse étaient associée à une réduction significative du risque de diabète  gestationnel (1,9 % contre 6,8 %; p<0,001) et de donner naissance à un nouveau-né de poids élevé pour l'âge gestationnel (8,6 % contre 22,4 %; p<0,001).

De façon moins attendue, la chirurgie bariatrique préalable à la grossesse était associée à une augmentation significative du risque de petit poids de naissance pour l'âge gestationnel  (15,6 % contre 7,6 %; p < 0,001) et à une gestation plus courte (273 jours en moyenne contre 277,5 jours ; p < 0,001) sans toutefois d'accroissement significatif de la fréquence de la prématurité (10 % contre 7,5 % ; p = 0,15). Mort-nés et décès néonataux étaient plus fréquents (1,7 % contre 0,7 %) sans que la différence atteigne le seuil de significativité statistique (p = 0,06) sans doute du fait de la relative rareté de ces événements. 

Ces associations ont été confirmées quel que soit l'IMC avant l'intervention, l'amplitude de la réduction de poids après chirurgie ou la parité.

Informer les femmes des avantages et des inconvénients obstétricaux

Bien que d'ampleur exceptionnelle cette étude a bien sûr des limites comme tous les travaux observationnels en raison notamment des nombreux facteurs de confusion possibles qui n'ont pu être tous éliminés malgré le soins des appariements et des ajustements réalisés. De plus, les auteurs n'ont pas tenu compte des antécédents de complications lors de grossesses précédentes et surtout n'ont pas pu prendre en considération les éventuelles différences entre les femmes obèses qui, à IMC égal, optent ou non pour une chirurgie bariatrique.

Ces réserves étant émises, il semble que l'on puisse conclure, faute de pouvoir réaliser un essai randomisé sur ce thème, que la chirurgie bariatrique réduit bien le risque de diabète gestationnel et de macrosomie fœtale ce que suggérait déjà la littérature sur le sujet. Revers de la médaille, ces résultats vont également dans le sens d'une réduction de la durée de la gestation, d'un accroissement du risque de naissance d'enfants de petit poids pour l'âge gestationnel et d'une augmentation à la limite de la significativité de la fréquence des mort-nés et de la mortalité néonatale. Cette tendance à la surmortalité pour les enfants de femmes opérées, mériterait d'être confirmée ou infirmée par d'autres études. Si elle était avérée, elle pourrait être liée aux risques accrus de carences en protéines, en fer, en vitamines D et B12 et en calcium qui peuvent s'observer après court-circuit intestinal. D'autres explications ne sont bien sûr pas exclues.

En pratique, pour l'éditorialiste du New England Journal of Medicine, à la suite de cette publication et des recommandations de l'American College of Obstetricians and Gynecologists, il convient de conseiller un délai de 12 à 24 mois après l'intervention pour débuter une grossesse afin d'éviter la période où la perte de poids est la plus rapide et de rechercher systématiquement les carences qui peuvent être induites par les court-circuits intestinaux afin de les compenser.

L'ensemble de ces avantages et inconvénients obstétricaux devrait naturellement être porté à la connaissance des femmes obèses envisageant une chirurgie bariatrique.

Dr Céline Dupin

Références
1) Johansson K et coll.: Outcomes of pregnancy after bariatric surgery. N Engl J Med 2015; 372: 814-824.
2) Caughey A : Bariatric surgery before pregnancy — Is this a solution to a big problem? N Engl J Med 2015; 372:877-878.

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