Traitement du diabète de type 2 par sitagliptine, TECOS rassure

Parmi la myriade d'études présentées à la dernière session de l'American Diabetes Association qui s'est tenue du 5 au 9 juin 2015 à Boston deux d'entre elles, VADT et TECOS qui concernaient le risque cardiovasculaire (RCV) chez les diabétiques de type 2, ont particulièrement suscité l'intérêt des congressistes et ont donné lieu à une publication simultanée de leurs résultats par le New England Journal of Medicine.

Le JIM a déjà fait état de la poursuite de l'essai VADT qui évaluaient les effets cardiovasculaires d'une prise en charge intensive du diabète (voir le lien ci-dessous). En substance, après environ 10 ans de surveillance, les patients qui avaient été traités de façon intensive pendant les 5,6 premières années de l'essai, ont bénéficié d'une réduction de 17 % du risque d'événements cardiovasculaires majeurs (sans toutefois de baisse significative de la mortalité cardiovasculaire). La baisse de la glycémie, contrairement à ce que pouvaient laisser penser certains résultats négatifs, a donc, au delà de son intérêt sur les complications micro-vasculaires, un impact positif sur le RCV. 

De grandes études de tolérance randomisées demandées par les autorités de tutelle

TECOS pour sa part avait un tout autre objectif puisqu'il s'agissait, à la demande des autorités de tutelle américaine et européenne, d'évaluer la tolérance cardiovasculaire d'un inhibiteur de la dipéptidylpeptidase 4 (DPP-4) (ou glyptine), la sitagliptine, largement prescrit dans le diabète de type 2. Cette exigence de la FDA et de l'EMEA, valable pour tous les produits de la classe des inhibiteurs de la DPP-4, faisait suite à des publications mettant en évidence une augmentation du risque cardiovasculaire avec certains hypoglycémiants de la classe des glitazones.

Les études en double aveugle concernant la saxagliptine (SAVOR-TIMI 53) et l'algogliptine (EXAMINE) ont déjà été publiées en 2013 dans le New England journal of Medicine. Elles ont montré de façon concordante que l'adjonction d'une de ces deux gliptines lors de la prise en charge du diabète de type 2, ne semblait pas modifier, dans un sens ou dans l'autre, la fréquence des événements cardiovasculaires majeurs comparativement à une stratégie utilisant d'autres hypoglycémiants (avec les mêmes objectifs en terme d'hémoglobine glyquée).
Toutefois on relevait dans SAVOR un signal négatif inattendu : une augmentation significative de 27 % du risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque tandis que dans EXAMINE un accroissement non significatif de cette complication était retrouvé.

Un objectif inhabituel pour un essai multicentrique international

Les résultats de TECOS (pour Trial Evaluating Cardiovascular Outcomes with Sitagliptin) conduit avec un "design" proche mais sur une plus longue durée (médiane de 3 ans) étaient donc particulièrement attendus des diabétologues. 

Au total, 14 671 diabétiques de type 2 âgés de plus de 50 ans, déjà atteints d'une pathologie cardiovasculaire et dont l'hémoglobine glyquée était entre 6,5 et 8 %  ont été inclus dans TECOS dans 613 centres répartis dans 38 pays. Ces malades ont été randomisés entre une adjonction de sitagliptine à leur traitement ou un placebo, la modification des autres traitements hypoglycémiants étant laissée à la discrétion des praticiens avec les mêmes objectifs en terme d'hémoglobine glyquée dans les deux groupes (car rappelons-le l'objectif n'était pas, contrairement à ce qui est habituel dans un essai sponsorisé par un laboratoire, d'évaluer l'efficacité du produit mais uniquement sa tolérance). 

Le critère de jugement principal était un indice composite regroupant les décès de causes cardiovasculaires, les infarctus du myocarde non mortels, les AVC non mortels et les hospitalisations pour angor instable. 

Une tolérance cardiovasculaire identique à celle du placebo

En termes d'équilibre glycémique, comme souhaité dans le schéma de l'étude, les différences ont été limitées entre les deux groupes (hémoglobine glyquée inférieure en moyenne de 0,29 % dans le groupe sitagliptine). Ces résultats proches sur la glycémie s'expliquent par le fait que, pour les patients du groupe sitagliptine moins d'hypoglycémiants supplémentaires, ont été prescrit au cours de la surveillance. 
Sur le critère principal de jugement aucune différence significative n'a été constatée entre les deux groupes (839 événements en intention de traiter dans le groupe sitagliptine contre 851 dans le groupe placebo ;  hazard ratio [HR] 0,98 avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 0,89 et 1,08).  Il en était de même en per protocole. A hémoglobine glyquée similaire, la sitagliptine n'a donc pas d'effets cardiovasculaires défavorables.
Les données concernant le risque d'insuffisance cardiaque étaient bien sûr spécialement attendues : elles sont tout à fait rassurantes pour cette molécule puisque le pourcentage  d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque était strictement identique dans les deux groupes (3,1 % ; HR = 1). Il est à noter de plus que si quelques pancréatites aiguës supplémentaires (23 vs 12) ont été dénombrées dans le groupe sitagliptine et un peu moins de cancer du pancréas (9 vs 14), ces différences n'atteignaient pas le seuil de significativité statistique. Aucune autre différence notable n'a été constatée entre les deux groupes.

Au total ces résultats sont globalement en phase avec ceux de SAVOR et d'EXAMINE et montrent qu'il n y a pas d'augmentation du risque cardiovasculaire avec la classe des gliptines (ce qui était la question posée dans ces trois études). En ce qui concerne la différence constatée de fréquence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et  à l'absence de tout signal défavorable avec la sitagliptine (contrairement à la saxagliptine) plusieurs hypothèses peuvent être émises : une différence dans les populations incluses (peu probable), des variations dans l'adjudication de ce type d'événements entre les études, une différence réelle de tolérance CV ou enfin le rôle du hasard dans les résultats négatifs constatés précédemment.

Il reste que malgré les résultats très rassurants en termes d'effets secondaires de cette étude tentaculaire, nous ne savons toujours pas répondre avec certitude à une question essentielle : quel est le meilleur traitement hypoglycémiant à prescrire dans le diabète de type 2 pour réduire les risques macro et microvasculaires...

Dr Céline Dupin

Référence
Green J et coll.: Effect of sitagliptin on cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015; publication avancée en ligne le 8 juin (DOI: 10.1056/NEJMoa1501352).

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Vos réactions (1)

  • Cette conclusion de Prescrire

    Le 18 juin 2015

    J'aimerais exposer cette conclusion à la suite d'un article paru dans Prescrire le 1er Mai 2015.
    En l'absence d'efficacité clinique démontrée et en raison d'un effet hypoglycémiant modeste, les effets indésirables de l'alogliptine pèsent lourd dans la balance bénéfices-risques.
    Dans l'intérêt des patients atteints de diabète de type 2, quand le contrôle glycémique est difficile à obtenir, mieux vaut choisir une stratégie thérapeutique éprouvée, sans gliptine.

    Dr Mohamed Fouali

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