
Paris, le lundi 31 août 2015 – La semaine dernière, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a tenu sa conférence de presse de rentrée qui a été l’occasion pour elle de rappeler son hostilité sans nuance au projet de loi de santé et notamment à la généralisation du tiers payant. Cependant, l’organisation n’a évoqué aucune action massive pour manifester sa colère, tout au plus a-t-elle réitéré ses appels à la désobéissance concernant l’application du tiers payant. De son côté, MG France prépare une journée de grève le 5 octobre, mais veut croire que le débat au Sénat contribuera à faire évoluer favorablement le texte.
Rassembler au-delà de la seule sphère libérale ?
Parallèlement à cette attitude attentiste, voire même pacifique, un front constitué par la Fédération des médecins de France (FMF), l’Union française pour une médecine libre (UFML), le Syndicat des médecins libéraux (SML) et le Bloc n’a guère d’espoir dans les travaux du Sénat, n’ignorant pas que la commission mixte paritaire viendra de toute manière défaire ce qui pourrait être amendé par les pensionnaires du Palais du Luxembourg. Aussi ces organisations plaident-elles depuis plusieurs mois pour une action forte. Cependant, les formes de cette dernière ont longtemps été sujettes à discussion, tandis que les mouvements locaux, tout en se multipliant, peinaient à avoir un véritable impact. Vendredi, les syndicats ont finalement dévoilé leurs cartes : installés à La Rochelle à quelques mètres des universités d’été du Parti socialiste, les représentants de ces organisations ont annoncé un appel à la grève illimité à partir du 3 octobre, en l’absence d’un retrait total du projet. Ils espèrent pouvoir créer un très large mouvement, dépassant les seuls médecins libéraux en s’appuyant également sur les médecins hospitaliers (qui pour l’heure se sont pourtant montrés plutôt favorables au projet de loi) et sur les patients. Dans cette fronde, les chirurgiens et spécialistes des blocs opératoires pourraient être en première ligne, comme l’ont affirmé les responsables du Bloc, cités par le Quotidien du médecin.
Menace sur le secret médical
Pour parvenir à cette union et à un blocage total des soins et pour justifier une telle action, les quatre syndicats ne se contentent plus de concentrer leur discours sur le tiers payant généralisé. Ils s’intéressent également de manière de plus en plus prégnante aux dangers représentés par certaines dispositions sur le secret médical. « Le tiers-payant généralisé fonctionnera avec le dossier médical partagé, qui sera aux mains de l'Assurance-maladie. Or l'article 47 de la loi indique qu'il sera ‘partagé avec l'ensemble des acteurs professionnels de santé et non-professionnels de santé’ intervenant directement dans la prise en charge du patient. Cela ouvre la porte à la levée du secret médical et à la commercialisation des données du patient » redoute ainsi Patrick Guenebeaud, porte-parole de la coordination des médecins généralistes des Hautes-Pyrénées. Cette préoccupation croissante des médecins est également partagée par certains patients qui cet été sur les réseaux sociaux ont vu croître la popularité du "Collectif médecins, patients et autres soignants unis contre le projet de loi de santé".
Les syndicats bientôt rattrapés par des considérations électorales ?
Le tiers payant généralisé cependant continue à cristalliser la colère des professionnels de santé et notamment des médecins. Le front qui s’est installé vendredi à la Rochelle en a rappelé les différents dangers et probables dysfonctionnements, avant de s’intéresser à son coût. « Le tiers-payant généralisé sera financé par l'augmentation des cotisations d'assurance-maladie et des complémentaires de santé » affirme ainsi le patron de l’UFML Jérôme Marty. Reste à connaître désormais le succès d’un tel mouvement, alors que se profilent les élections aux unions régionales des professions de santé, sur lesquelles compte sans doute Marisol Touraine pour étouffer les mouvements contre son projet. Si l’UFML a tôt fait d’affirmer que ces élections représentent une « manipulation » et si elle ne présente pas de listes indépendantes, les autres syndicats, qui multiplieront cette semaine les conférences de rentrée pourraient ne pas adopter longtemps un tel discours.
Aurélie Haroche