
Paris, le lundi 19 octobre 2015 – Les bulletins de vote aux élections des représentants des médecins libéraux aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) ont été dépouillés vendredi ; les résultats ont été publiés officiellement dès le lendemain par le ministère de la Santé.
Première constatation : la participation est de nouveau en baisse, ne dépassant pas les 40 % (et pas même les 35 % chez les spécialistes médicaux), alors qu’elle atteignait encore 52,7 % en 2000. Cette désaffection très nette des médecins libéraux trouve sans doute son origine dans une perte de confiance de plus en plus marquée : beaucoup notamment considèrent que les syndicats ont été totalement impuissants dans les discussions autour de la loi de santé.
Recul significatif pour la CSMF
Au-delà de ce constat, le scrutin est marqué par un ébranlement de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) qui si elle conserva sa position de leader est fortement concurrencée : elle perd ainsi en pourcentage total de voix huit points (de 33,46 % à 25,40 %) payant sans doute son refus d’une action d’éclat contre le projet de loi de santé ces derniers mois et sanctionnée pour une action jugée trop peu efficace. A contrario, la Fédération des médecins de France (FMF) fait la plus belle percée du scrutin (avec une augmentation de plus de six points de 16,17 % à 22,69 %), tandis que le Bloc progresse de plus de trois points (7,58 % à 10,92 %).
La guerre entre généralistes et spécialistes réactivée
Collège par collège, cette perte de vitesse de la CSMF se confirme. Ainsi, chez les généralistes, c’est désormais la FMF (27,62 % contre 18,45 % en 2010) qui challenge MG France (31,29 %) qui connaît une légère progression (29,73 % en 2010) contredisant ainsi certains de ses adversaires qui l’accusaient d’être à l’origine de la volonté gouvernementale de généraliser le tiers payant. On constate une diminution des organisations dont les discours concernent plus certainement les spécialistes (la CSMF passe de 26,90 % à 20,25 % et le SML de 18,97 % à 16,49 %), les électeurs semblant avoir été conquis par le discours notamment tenu par MG France martelant que ces syndicats sont grandement responsables de la différence de traitement entre généralistes et spécialistes.
L’action sous marine de l’UFML
Chez les spécialistes de bloc opératoire, le Bloc qui avait déjà ravi la tête de ce collège à la CSMF confirme son hégémonie, avec 66,79 % de voix (contre 58,24 % en 2010). La CSMF n’occupe désormais d’ailleurs que la troisième place (comme chez les généralistes) avec 12,37 % (contre 19,09 % en 2010 !) talonnant de très près le SML en très légère baisse (12,95 % contre 13,31 %) et qui d’une manière générale ne bénéfice nullement de l’engouement observé pour les syndicats plus contestataires, la FMF et le Bloc. Il n’est donc qu’au sein du troisième collège (les autres spécialistes) que la CSMF demeure en tête, non sans accuser un très net recul avec dix points de moins par rapport à 2010 (de 50,89 % à 40,65 %). C’est une fois encore la FMF qui bénéficie de ce revers avec une percée de cinq points (de 16,05 % à 21,77 %), tandis que le Bloc qui n’était pas représenté dans ce collège il y a cinq ans, ravit sans doute 4,41 % de voix à la CSMF. On relèvera enfin que l’activisme de l’Union française pour une médecine libre (UFML), dont de nombreux membres étaient présents sur les listes de la FMF, du Bloc et du SML a sans doute participé au beau succès des deux premiers syndicats. L’UFML affirme ainsi qu’elle a fait « progresser les listes partout où [elle] était présente ».
Black Friday
La publication de ces résultats s’est accompagnée tout le week-end de commentaires de la part des principaux intéressés. Du côté du ministère de la Santé, on « prend acte », en souhaitant dans une formule où l’hypocrisie se dispute à l’aveuglément que « les prochains mois permettent de poursuivre au niveau national, avec les syndicats, les actions en faveur de la modernisation de la médecine libérale et faciliter l’installation des jeunes médecins » ! La CSMF, de son côté, s’est refusée à toute auto critique en dépit d’une véritable contre performance et a préféré se concentrer sur le fait qu’elle demeure « le premier syndicat de médecins libéraux en voix et en élus » et regrette que le « vote contestataire » ait « favorisé les syndicats poujadistes sans propositions ». S’estimant, sans doute à raison, visé, la FMF n’a pas tardé à répliquer : « La FMF et ses alliés ont un programme qui n’est ni poujadiste ni populiste mais un programme basée sur l’expérience de terrain des médecins en exercice » a assuré Jean-Claude Hamon, qui a prévenu dores et déjà que les négociations à venir risquaient d’être musclées : « Les Autorités régionales de santé qui ont tous les pouvoirs vont sentir la différence de gouvernance ».
MG France, qui peut se féliciter de n’avoir pas accompagné la CSMF dans sa chute, fait également ce diagnostic : « Cela va être très compliqué de construire une majorité de gestion et de propositions » confiait Claude Leicher au Figaro. Enfin, l’UFML, heureuse d’avoir écarté « la CSMF de toute gouvernance dans dix régions sur douze* » et d’une manière générale du recul du grand syndicat estime que désormais le temps est à l’union contre le projet de loi de santé. Elle propose l’organisation d’un Black Friday, le 13 novembre, avec fermeture des cabinets, mais également un blocage de la capitale, qui pourrait être suivi durant le week-end d’actions à Paris et en province, avant un « rassemblement global et total » devant l’Assemblée nationale le 16 novembre, tandis que ce mouvement pourrait être reconductible jusqu’au 21 novembre. L’UFML espère une participation massive pouvant aller jusqu’aux internes et aux chefs de clinique.
Pour certains, les élections aux URPS sont déjà loin.
Aurélie Haroche
*Remarquons que le découpage régional de ces élections ne manque pas d’originalité. Si la France ne comptera bientôt plus que 13 régions (et non plus 22), le scrutin était pour sa part organisé dans 17 « zones » : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/CP_URPS_171015_.pdf
Aurélie Haroche