
Paris, le lundi 8 février 2016 – Santé Canada a, la semaine dernière, indiqué qu’un délai de 21 jours serait imposé aux candidats au don du sang revenant d’un pays touché par le virus Zika. Cette mesure de précaution a été dans la foulée imitée par les autorités sanitaires britanniques. Hier, c’était au tour de Marisol Touraine d’indiquer à l’occasion de son intervention dans l’émission Le Grand-rendez-vous Europe1-Le Monde-i Télé, que les personnes en provenance d’un état concerné par le Zika devront observer un délai de 28 jours avant de pouvoir donner leur sang. Dans les territoires français d’Amérique, tous les prélèvements seront testés.
Virus du West Nile
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle-même a considéré « appropriée » de telles mesures. Les adaptations des critères de sécurité du don du sang en fonction de l’actualité épidémiologique ne sont pas rares. Des fenêtres de latence, voire des interdictions, sont déjà ainsi observés pour les voyageurs de retour de nombreux pays, tandis qu’à ces règles générales des restrictions temporaires peuvent être ajoutées. Ainsi, en 2014, le signalement de cas d’infection par le virus du West Nile en Italie avait conduit à exclure pour quelques temps les vacanciers de retour de ce pays de la liste des donneurs de sang.
Conseils aux voyageurs : des différences piquantes ?
Dès lors, cette recommandation des autorités sanitaires et de l’OMS s’inscrit dans la lignée des précautions habituelles, même s’il est plus rare qu’elle soit ainsi médiatisée. Cette grande attention fait le lit de quelques interrogations sur le caractère peut-être exagéré de certaines mesures de prévention. Ainsi, l’OMS a la semaine dernière appelé les personnes en voyage d’affaires dans les zones infestées à la plus grande prudence. Cette préconisation pourrait contraster avec les messages diffusés pendant l’épidémie d’Ebola. Certes les appels à la vigilance étaient multipliés, mais ils étaient également doublés d’invitation à ne pas bouder les pays frappés afin qu’ils ne pâtissent pas d’une double peine que serait l’exclusion économique. Face à un virus bien moins létal (même si ses modes de transmission assurent une diffusion plus large), les messages moins nuancés de l’OMS pourraient troubler (même si l’Amérique du Sud est sans doute moins vulnérable économiquement que la Guinée, le Liberia ou la Sierra-Leone).
Femmes enceintes, prenez vos distances avec les personnes infectées (et pas seulement sexuelles)
C’est encore une fois les risques de complications neurologiques chez l’ensemble des personnes infectées et plus encore chez les fœtus qui expliquent cette prudence appuyée, même si pour l’heure les corrélations ne sont pas parfaitement établies. La confirmation par des experts de l’institut Fiocruz de Rio de Janeiro de la détection du virus Zika sous sa forme active dans la salive et l’urine ne devrait que renforcer cette attitude. En effet, si cette identification n’implique pas que le virus pourrait se transmettre massivement par ces fluides, la vigilance s’impose. « Sachant que la possibilité de cette forme de transmission existe, les femmes enceintes doivent prendre des mesures de précaution comme éviter d’embrasser ou de partager les couverts » d’une personne suspectée d’être atteinte estiment les chercheurs.
Plaidoyers pour la contraception et l’avortement
Les menaces qui pèsent sur les femmes enceintes réveillent également, nous l’avons déjà souligné, les discours favorables à un assouplissement des interdictions souvent très strictes de l’avortement dans les pays d’Amérique du Sud, ainsi que les plaidoyers en faveur d’un plus large accès à la contraception. La semaine dernière, c’est l’ONU qui s’est exprimée dans ce sens. « Le conseil adressé aux femmes de retarder la grossesse ignore le fait que beaucoup d’entre elles n’ont tout simplement pas le pouvoir de décider si ou quand elles veulent tomber enceinte dans un environnement où la violence sexuelle est monnaie courante » a ainsi dénoncé Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut commissaire des nations unies au droit de l’homme. De son côté, Cécile Pouilly, porte-parole de l’institution observait : «
Comment peuvent-ils demander à ces femmes de ne pas tomber enceintes mais ne pas leur offrir la possibilité d’empêcher la grossesse ? ».
Moustiques génétiquement modifiés
Pour l’heure, les autorités des pays concernés n’ont pas répondu frontalement à ces interpellations. Elles préfèrent se concentrer sur la guerre ouverte contre les moustiques, qui a entraîné une explosion de la vente des répulsifs au Brésil avec une augmentation de 32,5 % entre 2014 et 2015. Parallèlement à l’utilisation des insecticides, la crise relance les recherches et les initiatives visant à l’introduction de moustiques génétiquement modifiés pour transformer ou éliminer les populations actuelles d'Aedes.
Aurélie Haroche