
Paris, le vendredi 19 février 2016 – Après la présentation ce mercredi par l’Assurance maladie et les mutuelles des aspects techniques du tiers payant, la majorité des professionnels de santé, médecins en tête, n’ont sans doute pas regretté la censure partielle de la loi de santé par le Conseil constitutionnel le 21 janvier dernier. Le fonctionnement du tiers payant, tel qu’il est prévu par l’Assurance maladie et les mutuelles, en dépit de leur promesse de simplicité, laisse en effet augurer certaines complications et confirme que cette démarche ne sera sans doute pas de tout repos. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a ainsi estimé que la présentation la confortait dans l’idée que le tiers payant représenterait une « véritable usine à gaz ».
Le tiers payant regretté par... 10 % des professionnels de santé
Cependant, débarrassés de l’obligation de pratiquer un tiers payant intégral pour tous leurs patients, comprenant la part prise en charge par les organismes complémentaires, les praticiens devront néanmoins mettre en œuvre le tiers payant pour leurs patients bénéficiant d’une prise en charge à 100 % à partir de la fin 2016 et devront assurer une dispense d’avance de frais sur la part remboursée par l’Assurance maladie à tous leurs patients à partir du 30 novembre 2017. Or, cette perspective, même si elle permet de limiter les contacts avec les nombreuses mutuelles qui risquaient d’être les plus complexes, est loin d’enthousiasmer les professionnels de santé.
Ainsi, un sondage réalisé sur notre site du 26 janvier au 7 février révèle que 61 % d’entre eux auraient souhaité que le principe du tiers payant obligatoire soit totalement censuré par le Conseil constitutionnel. Ils ne sont que 27 % à se satisfaire de la situation intermédiaire créée par les sages, et sont encore moins nombreux, 10 % seulement, à regretter cette censure !
Sondage réalisé du 26 janvier au 8 février
Cheval de Troie caché derrière les centimes
Ces résultats confirment que l’hostilité des professionnels de santé vis-à-vis du tiers payant n’était pas uniquement liée à des considérations techniques, mais constitue un refus plus profond de l’entremise de certaines entités "administratives" dans leur relation avec le patient et d’un rejet du principe de non paiement par le malade (qui crée un sentiment trompeur de gratuité). Par ailleurs, ce souhait d’une censure totale marque la défiance des praticiens à l’égard de l’Assurance maladie : beaucoup, échaudés par leur expérience, sont convaincus que les retards de paiement et les situations de conflit seront également nombreux avec elle, en dépit de son caractère officiel et de son unicité. Enfin, la situation créée par le Conseil constitutionnel où le praticien n’aura plus à percevoir que la part non remboursée par la Sécurité sociale risque de créer quelques confusions génératrices de conflits pour le médecin comme pour le malade. Le tiers payant limité à la seule part Sécurité sociale pourrait fonctionner comme un Cheval de Troie pour l’élargissement du dispositif à l’ensemble du tarif de la consultation.
Cause passée ?
Face à cette situation, les attitudes des syndicats semblent diverger. Ainsi, MG France apparaît enclin à accorder un préjugé favorable à l’Assurance maladie, comme en témoigne son communiqué publié au lendemain de la présentation des aspects techniques du tiers payant. D’autres n’ont pas cette magnanimité et continuent à militer pour une suppression totale du tiers payant. Cependant, alors que seront très bientôt connues les revendications communes des syndicats dans le cadre des futures négociations conventionnelles, il est probable que cette cause soit effacée par d’autres.
Aurélie Haroche