
L’utilisation des cigarettes électroniques (e-cig) se répand et provoque discussions et spéculations dans les médias et parmi les professionnels de santé. Les avantages et les inconvénients potentiels de la e-cig sont débattus alors qu’il existe encore assez peu de données scientifiques sur les effets physiologiques du vapotage.
On sait que les fumeurs de cigarettes classiques (en bonne santé) ont une toux diminuée par rapport aux non-fumeurs, car, vraisemblablement, la fumée de cigarette induit une désensibilisation des récepteurs de la toux. Cette hypothèse est renforcée par l’augmentation ou la réapparition de la toux dans les 2 semaines suivant la cessation du tabagisme. Le patient fait alors souvent la remarque, dépité ou inquiet, que depuis qu’il a arrêté de fumer, il tousse de nouveau ou encore plus !
Des auteurs se sont intéressés au réflexe de la toux et à sa modulation éventuelle par la e-cig. L'objectif était d'évaluer chez l’homme l'effet d'une exposition unique à la vapeur d’une e-cig sur la sensibilité de ce réflexe.
Trente sujets non-fumeurs volontaires sains ont été testés en utilisant un test de provocation classique de la toux par la capsaïcine (composé chimique présent notamment dans le piment) à l’état basal, puis 15 minutes et 24 heures après un vapotage (30 bouffées espacées de 30 secondes). L’évaluation se faisait sur la concentration en capsaïcine induisant 5 accès de toux ou plus (C5). Le nombre d’accès de toux immédiate induite par la e-cig a également été compté. Un sous-groupe de sujets (n = 8) a subi un second challenge mais avec une e-cig ne contenant pas de nicotine.
Toux immédiate puis inhibition 15 minutes après
Immédiatement, au moment de l'inhalation des 30 bouffées de l'e-cig, 26 des 30 sujets toussent, avec un nombre médian d’accès de toux de 15,5 (variations extrêmes de 0 à 114). Il n'y a pas de corrélation entre l’intensité de la toux induite directement par l’inhalation de la e-cig et les modifications ultérieures de la sensibilité du réflexe tussif. Les résultats montrent que ce réflexe est significativement inhibée 15 min après le vapotage (diminution du réflexe de 0,29 point ; intervalle de confiance à 95 % de -0,43 à -0,15 ; p<0,0001). Cet effet est transitoire, et 24 h plus tard, la concentration nécessaire de capsaïcine pour induire la toux est revenue à la normale. En termes de réponse individuelle, 23 sujets sur les 30 testés ont une diminution significative du réflexe de toux après un vapotage. Dans le sous-groupe des huit sujets avec e-cigarette sans nicotine, les auteurs ne mettent pas en évidence de diminution du réflexe tussigène.
L’utilisation unique d’une e-cig induit donc une inhibition significative de la sensibilité du réflexe de la toux. L’analyse d'un sous-groupe de sujets suggère que la nicotine est responsable de cette observation. Ces données sont compatibles avec les études précédentes des effets de la nicotine, avec un double effet : une action immédiate, protussive, impliquant des récepteurs périphériques et puis un effet retardé, antitussif, central.
Dr Béatrice Jourdain