
Paris, le jeudi 16 juin 2016 – " L’affaire" Vincent Lambert s’enrichit aujourd’hui d’un énième épisode judiciaire, qui pourrait ne pas être le dernier. On se souvient que le 7 juillet 2015, le docteur Daniela Simon, désormais en charge du service de soins palliatifs du CHU de Reims où est hospitalisé Vincent Lambert (depuis un accident de moto survenu il y a huit ans) décidait d’engager une nouvelle procédure collégiale en vue d’un éventuel arrêt des soins. Le praticien choisissait donc de ne pas poursuivre la procédure engagée un an et demi plus tôt par son prédécesseur le docteur Eric Kariger, dont la légitimité avait pourtant été validée par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme après une nouvelle expertise médicale, confirmant le caractère irréversible des lésions subies par Vincent Lambert. Ce choix d'une nouvelle procédure était contesté par les membres de la famille souhaitant l’arrêt des soins, qui redoutaient notamment qu'elle puisse donner lieu à de nouvelles actions judiciaires formées par les proches du patient qui refusent pour leur part de le laisser mourir.
Deuxième coup de théâtre, le 23 juillet, après avoir entendu les membres de la famille de Vincent, Daniela Simon indiquait qu’elle suspendait la procédure collégiale en raison de l’absence de sérénité autour du patient. A l’époque, le CHU avait en effet été l’objet de multiples menaces. Parallèlement, une demande de désignation d’un tuteur pour Vincent Lambert était engagée qui suit encore son cours : le 8 juillet, la cour d’appel doit se prononcer sur la décision des juges de première instance de confier la tutelle à l’épouse de Vincent Lambert.
Un médecin ne peut reprendre la procédure collégiale entamée par un autre
Les décisions prises par le CHU les 7 et 23 juillet 2015 ont fait l’objet d’un recours devant la cour administrative par François Lambert, neveu de Vincent, dont l’intérêt à agir en tant que membre du conseil de famille a été reconnu. En première instance, les juges administratifs ont considéré que la décision d’engager une nouvelle procédure collégiale puis celle de la suspendre ne contrevenaient nullement aux textes en vigueur. Aujourd’hui, la cour d’appel de Nancy propose une interprétation quelque peu différente. Le choix de Daniela Simon de ne pas poursuivre la procédure entamée par son prédécesseur et d’en débuter une nouvelle est encore une fois jugé non seulement légal mais également comme probablement la meilleure des options. « La cour juge que la décision du 11 janvier 2014 a été prise par le précédent médecin, sous sa seule responsabilité. N’étant plus en charge de M. Vincent Lambert, sa décision est nécessairement devenue caduque et ne pouvait plus être exécutée. Elle n’a créé aucun droit ».
Le CHU enjoint de permettre au médecin de mener sereinement la procédure collégiale
La situation est différente en ce qui concerne l’interruption
sine die de la procédure collégiale. Les juges de Nancy estiment
que « l’existence d’éventuelles menaces pour la sécurité de M.
Vincent Lambert et de l’équipe soignante n’est pas un motif légal
pour justifier l’interruption de la procédure ». Par ailleurs
« la recherche d’un climat apaisé autour de M. Vincent Lambert
ne permet pas de suspendre, sans fixer de délai, le cours de la
procédure collégiale ». Dès lors, la cour d’appel
administrative, qui rappelle qu’une « injonction ne peut être
adressée à un médecin, personne privée » ordonne au CHU de Reins de
donner au médecin actuellement en charge de Vincent Lambert ou à
son successeur « les moyens » permettant au patient de «
bénéficier des droits garantis par le code de la santé
publique ». La procédure collégiale doit donc être reprise,
précisent les juges qui soulignent que leur décision ne préjuge
cependant en rien son issue.
Marisol Touraine suspectée d’être favorable à la suspension de la procédure collégiale
François Lambert ose une lecture très personnelle de cette décision en estimant que le « docteur Simon a été condamnée (sic) pour avoir accepté de jouer un rôle dans un scénario co-écrit par le Chu et les parents de Vincent, avec l’accord au moins tacite de Marisol Touraine ! ». Au-delà de cette interprétation discutable, il est fort probable que cette nouvelle étape judiciaire ne soit pas la dernière.
Les parents de Vincent Lambert si prompts à dénoncer l’acharnement judiciaire de François Lambert pourraient ne pas hésiter à attaquer la nouvelle procédure collégiale si son issue était une décision d’arrêt des soins. Celle-ci n’est pas assurée en raison de l’absence très certaine de consensus familial. Or celui-ci, selon François Lambert, serait privilégié par le professeur Novella, chef de pôle au sein du CHU de Reims.
Toujours à suivre...
Aurélie Haroche