
Paris, le mercredi 28 septembre 2016 – L'affaire de la thalidomide a mis en évidence la nécessité d’une surveillance rigoureuse des anomalies congénitales. C’est dans le sillage de la révélation du rôle du médicament dans l’apparition de différentes anomalies qu’ont été mis en place des registres spécifiques dans de nombreux pays, dont la France. Les six registres déployés dans l’hexagone « couvrent 19 % des naissances et les maternités de 19 départements. Chacun a des caractéristiques propres en rapport avec le moment de sa création et son lieu d’implantation » précise Santé publique France. Les investigations conduites à partir de ces données ont pu contribuer ces dernières années à la mise en évidence du lien entre exposition in utero au valproate de sodium et risque accru de spina bifida.
Trois groupes de cas
Cependant, toutes les études n’offrent pas des résultats aussi tranchées. L’analyse de plusieurs cas groupés d’agénésies des membres supérieurs isolées dans différentes localités françaises n’a ainsi toujours pas trouvé de réponses. Trois « clusters » ont été mis en évidence comme l’ont rappelé les experts de Santé publique France lors d’une récente réunion, dont les détails ont été révélés par le Monde. Trois cas ont d’abord été rapportés entre 2012 et 2014 dans la même commune du Morbihan. En Loire Atlantique, c’est en 2013 qu’un médecin rééducateur donne l’alerte à propos de trois enfants inscrits dans la même école maternelle et nés entre 2007 et 2008. Enfin, dans l’Ain, six enfants dont les parents résidaient dans le même périmètre de 17 kilomètres pendant la grossesse, ont été concernés par une agénésie des membres supérieurs entre 2009 et 2014.
Hors norme ou pas : une question difficile à trancher
Face à ces trois « clusters », les investigations ont d’abord pour objectif de déterminer si les cas groupés s’éloignent de la norme statistique. Un excès de cas semble se confirmer dans le Morbihan mais probablement pas en Loire Atlantique. Dans l'Ain, les interprétations divergent. "Le nombre de cas dans l’Ain n’est pas supérieur au nombre de cas attendus" considère ainsi le docteur Véronique Goulet, épidémiologiste au programme Santé périnatale de Santé publique France, quand la conclusion du Registre des malformations de Rhône-Alpes (Remara) avait été totalement différente. Ces divergences d'interprétation s'expliquent par des méthodes d'analyse diverses, ce qui suggère la nécessité d'une harmonisation des protocoles de calcul.
Des veaux également touchés dans l'Ain
Outre la difficulté de déterminer les situations d'excès de cas, les investigations se heurtent souvent à l'identification d'un agent causal possible. Les recherches conduites autour de ces groupes de cas n'ont ainsi pas permis de mettre en évidence de cause environnementale commune. Cependant, dans l'Ain, une piste est creusée concernant l'exposition à une substance "utilisée en agriculture ou en médecine vétérinaire" note Emmanuelle Amar, directrice générale du Remera. Une hypothèse exploitée avec d'autant plus de sérieux que des cas de malformations de veaux ont été rapportés dans la même région au cours de la même période.
Le casse-tête épidémiologique par excellence
La complexité de ces analyses confirme que l'investigation des clusters "fait partie des plus grandes difficultés de l’investigation épidémiologique" comme le relève le professeur d'épidémiologie William Dab, cité par Le Monde. L'incertitude qui demeure le plus souvent autour d'eux ne peut en outre que conforter l'inquiétude des populations.
Aurélie Haroche