
Paris, le jeudi 5 janvier 2017 – L'utilisation de produits stupéfiants dans les milieux aisés est loin d’être un fait nouveau. Avantagée financièrement, la jeunesse dorée jouit de plus de facilités que d’autres milieux pour se procurer en quantité certains produits. Cependant, un éloignement avec les dealers et une protection accrue vis-à-vis de certaines pratiques à risque ont longtemps constitué des freins à une trop grande progression de la toxicomanie. Aujourd’hui, si les messages de prévention demeurent plus influents dans les catégories socioprofessionnelles supérieures, l’absence de proximité n’est depuis plusieurs années plus un obstacle. Internet a en effet aboli les distances et permet désormais à tout un chacun de se procurer facilement des produits sans avoir à se rendre dans des quartiers "mal famés" et même sans avoir à se déplacer. Par ailleurs, dans l’esprit de certains jeunes à haut revenu, les substances qu’ils privilégient ne sont pas celles représentant le plus de danger. Quand l’héroïne est associée à une image mortifère, l’ecstasy est considérée comme un instrument de fête.
L’ensemble de ces phénomènes a fait le lit ces dernières années d’une évolution du profil des victimes d’overdose à Paris.
Des produits à la dangerosité méconnue
Il y a près de trente ans, une cinquantaine de personnes mourraient d’overdose chaque année à Paris. Les victimes étaient principalement des marginaux et l’héroïne le coupable numéro un. Le nombre a été quasiment divisé par deux ces dernières années. Et si les exclus comptent encore parmi ceux que l’on retrouve morts un jour d’excès, les jeunes gens des beaux quartiers, bien insérés dans la société sont désormais majoritaires.
C’est le constat établi par la Brigade des stupéfiants, et son groupe "surdose" spécifiquement dédié à l’analyse de ces décès. Ici l’héroïne n’est plus la substance la plus fréquemment incriminée : MDMA et cocaïne figurent également en bonne place, chez des consommateurs inconscients des risques. « Ces produits stimulants sont associés à la fête, on en soupçonne moins les effets néfastes, Il n’existe pas de dose standard pour les substances illicites. Tout dépend de la vulnérabilité individuelle. J’ai vu un homme survivre à l’ingestion de cinquante pilules d’ecstasy (il s’agissait d’une tentative de suicide) et un autre mourir pour en avoir avalé une seule. A l’exception des opioïdes, comme l’héroïne ou la méthadone, les quantités consommées sont rarement les seuls déterminants. La cocaïne, même à petite dose, peut entraîner un décès par troubles cardiaques, tout comme la MDMA par hyperthermie et défaillance multiviscérale » fait remarquer dans les colonnes du Monde le professeur Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation médicale et toxicologique à l’hôpital Lariboisière, à Paris. Face à cette nouvelle sociologie, les spécialistes plaident pour une adaptation des messages de prévention et une présence plus importante sur le net.
Léa Crébat