Grippe : la vaccination obligatoire des soignants en débat

Paris, le lundi 16 janvier 2017 –Selon le ministère de la Santé, la fin de la semaine passée a été moins difficile que les jours précédents dans les hôpitaux confrontés à un afflux de patients liés à l’épidémie de grippe. Cependant le week-end a été l’occasion de nouvelles tensions dans certains établissements. Toutes les équipes se préparent en outre à une semaine délicate, la vague de froid annoncée risque en effet d’accroître le nombre d’admissions chez les sujets les plus âgés. Il y a deux ans, la surmortalité enregistrée avait été le résultat d’une conjonction entre des conditions météorologiques "extrêmes" et des épidémies saisonnières d’une virulence marquée.

Aussi, les établissements se préparent-ils à affronter une nouvelle période d’engorgement.

Des taux de vaccination des professionnels de santé très insuffisants

Le week-end a également été l’occasion d’approfondir le débat autour de la pertinence de rendre obligatoire la vaccination contre la grippe des professionnels de santé.

Dès la semaine dernière, le ministre de la Santé, Marisol Touraine a pointé du doigt la faible couverture vaccinale des soignants. Le taux de protection des professionnels de santé varie entre 25 et 35 % et est plus élevé chez les médecins que chez les infirmiers. A l’hôpital, le réflexe vaccination n’est pas plus élevé qu’en ville. Selon le patron de l’Assistance publique/hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux de protection des médecins atteint 25 % dans les établissements franciliens et à peine 10 % chez les infirmières. La généralisation n’est pas plus au rendez-vous dans les Etablissements hébergeant des personnes âgées (EHPAD), où le taux de vaccination des soignants varie également entre 20 et 30 %.

Pas de preuve claire

Différentes études semblent confirmer le bénéfice de la vaccination des professionnels de santé. Une étude récemment réalisée en France dans vingt centres accueillant des personnes âgées a ainsi mis en évidence que dans les établissements où était combinée vaccination des soignants et professionnels de santé, les taux de mortalité associés à la grippe étaient moindres ainsi que les taux d’infections. Cependant au-delà de ces travaux, les chiffres disponibles manquent parfois de solidité. « La vaccination des soignants ne peut que contribuer à réduire la mortalité et la morbidité des personnes âgées dans les services de long séjour, à diminuer le nombre d'infections grippales et dans une moindre mesure l'absentéisme » a récemment observé le Haut conseil pour la santé publique (HCSP) tout en reconnaissant que la littérature disponible ne permet pas d'apporter une « preuve claire de ces avantages ». 

Changer l’état d’esprit des soignants

En dépit de la fragilité de certaines données, des voix s'élèvent de plus en plus nombreuses pour plaider en faveur de la vaccination obligatoire des soignants, en écho avec l'épidémie actuelle de grippe. Ainsi, dans le sillage de l'Ordre des médecins au début de la semaine dernière, l'Ordre des infirmiers a également manifesté son adhésion à une protection obligatoire dans les EHPAD, tout en estimant que la voie de l'obligation ne serait peut-être pas nécessairement la plus efficace. En tout état de cause, il appelle les infirmiers à faire preuve d' « exemplarité ». Le patron de l'AP-HP a de son côté indiqué qu'il serait prêt à appliquer une telle mesure.

Au sein des syndicats, les opinions sont un peu plus réservées, mais l'idée fait également son chemin. Ainsi Christophe Prudhomme de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) ne rejetterait pas une vaccination obligatoire mais souhaite également que ceux qui contracteraient tout de même la grippe puisse sans difficulté cesser immédiatement leur activité. Le représentant des urgentistes soulève ici un autre enjeu associé à la grippe : le refus des professionnels de santé de diminuer leur activité en cas d'infection. Une enquête réalisée sur notre site en août 2015 avait révélé que 75 % des professionnels de santé bien qu’atteints d’une infection respiratoire saisonnière, ne s’arrêtent pas de travailler. Plus encore, ils n'étaient que 1 % à affirmer cesser systématiquement leur activité dans le but de ne pas contaminer leurs patients. Sans doute, outre le réflexe de vaccination, c'est sur ce terrain également qu'il faut œuvrer. D'abord, il s'agit d'ancrer la lutte contre les infectons nosocomiales comme priorité pour l'ensemble des professionnels de santé (d’ailleurs Christophe Prudhomme note que les professionnels qui refusent de se vacciner devraient être contraints de porter un masque, comme cela existe dans certains hôpitaux américains). D’autre part, en ville et dans les établissements privés, il serait nécessaire de garantir aux professionnels de santé qu’un arrêt de courte durée ne coïncidera pas avec une perte d’argent. A l’hôpital, les agents ne doivent pas plus éviter quelques jours de repos de peur de désorganiser plus encore des services déjà en proie à d’importantes difficultés.

Si on le voit, les esprits accueillent sans hostilité l’idée d’une vaccination obligatoire, on le sait l’obligation vaccinale est aujourd’hui l’objet de nombreuses discussions philosophiques et éthiques (quand elles échappent aux controverses douteuses pseudo-scientifiques), qui risquent de freiner un tel projet.


Aurélie Haroche

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Vos réactions (6)

  • Pour pratiquement toute la population française

    Le 16 janvier 2017

    On devrait élargir cette vaccination, si elle devait devenir obligatoire, à pratiquement toute la population française :
    - à toutes les personnes travaillant au sein d'une structure hospitalière;
    - à toutes les personnes se rendant dans une structure hospitalière (familles de malades, chauffeurs de V.S.L., etc...)
    -à toutes les personnes en contact avec des personnes de plus de 60 ans (familles, enfants, scolaires, étudiants, etc...).

    Enfin bref, tout le monde devrait subir la vaccination ou recevoir un vaccin "efficace", ce qui n'a pas été le cas cette année...

    Dr F. Guillet

  • Venir travailler grippé est irrecevable

    Le 17 janvier 2017

    Evidement les professionnels de santé devraient se vacciner.Venir travailler grippé est irrecevable. Pour ne pas perdre d'argent (cela ne concerne que les libéraux, donc une minorité) au risque de contaminer les patients montrerait un mépris grave des soignants pour les soignés ! Ce manque de solidarité disparait lorsque le grippé doit acheter des médicaments ou s'arréter de travailler ! Au demeurant les enquêtes sont essentiellement faites dans les hôpitaux Publics (selon l'article) où l'absentéÏsme est en moyenne de 30 jours /an en France !

    Dr Lucien Duclaud

  • Que le lavage des mains soit fait correctement

    Le 17 janvier 2017

    Travaillant en milieu hospitalier (réa) , il faudrait déjà que le lavage des mains soit fait correctement par tous les intervenants extérieurs, ainsi que le port de masque obligatoire. Que la vaccination soit laissée au choix du soignant. Pour ceux qui refusent : port du masque obligatoire cela se fait déjà dans de tels service de soins. Il faut plutôt instaurer ces préventions dans des ehpads ou autres structures où les gens sont beaucoup plus fragilisés.

    Une IDE

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