Toujours ignorées, les infirmières descendent à nouveau dans la rue

Paris, le mardi 24 janvier 2017 – Si elles avaient eu besoin d’une raison supplémentaire de manifester cet après-midi dans les rues de Paris, les infirmières n’auraient eu qu’à lire l’ordonnance publiée le 20 janvier au Journal officiel. En dépit de l’opposition de l’ensemble des représentants de la profession mais aussi des commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, le gouvernement a choisi de transposer la directive européenne 2013/55/UE du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Or ce texte suscite depuis plusieurs semaines l’inquiète d’une très grande partie des infirmiers qui redoute la possibilité d’un « accès partiel à la profession infirmière », selon l’expression de l’Ordre des infirmiers dans un communiqué publié aujourd’hui. Avec ce texte, affirme l’instance, « une professionnelle qui serait dénommée "infirmière" dans son pays pourrait venir exercer en France comme "infirmière" alors qu’elle n’aurait potentiellement pas la formation requise pour réaliser certains des actes infirmiers reconnus en France dans le cadre réglementaire de compétences » écrit l’Ordre. Cette colère est partagée par la plupart des syndicats, dont le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) qui redoute un « séquençage d’activité ». « Ce texte autorise en effet des ressortissants de l’UE détenteurs d’un diplôme de soins non compensables de réaliser tout ou partie des activités infirmières » explique l’organisation qui voit dans la publication de cette ordonnance une nouvelle menace pour la profession mais également une marque supplémentaire du mépris du ministère de la Santé. Autant de raisons supplémentaires de jeter les infirmières dans les rues aujourd’hui.

Un noyau dur de syndicats et d’associations toujours mobilisé

Avant même la promulgation de cette ordonnance, quinze organisations associatives et syndicats d’infirmières avaient appelé à la grève et à la mobilisation ce 24 janvier 2017. Seuls la Fédération nationale infirmière (FNI), le Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux (SNIIL) et la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) qui avaient pris part au mouvement national le 8 novembre dernier n’ont pas réitéré leur appel à manifester. Par ailleurs, à la différence du mois de novembre, le mouvement est dissocié de l’appel lancé par les grandes centrales syndicales. Ces défections pourraient entraîner une mobilisation moins importante qu’il y a deux mois, d’autant plus, comme le rappellent les représentants des syndicats, que les infirmières demeurent toujours difficiles à convaincre de participer à une grève. Néanmoins, la détermination à se faire entendre ne cesse de croître. « Le nombre que nous sommes dans la rue ne reflète pas la colère des établissements, l’exaspération, le dégoût que nous avons. Aujourd’hui, c’est tous les jours qu’on risque des vies humaines, chez les soignants comme chez les usagers » insiste Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI) citée par LCI. Aussi, sera-t-elle présente aujourd’hui au point de rassemblement situé Gare Montparnasse à Paris à 13 heures.

Sus aux diktats économiques, reconnaissance de la souffrance et élargissement des compétences : toujours le même credo

Cette nouvelle marche est une réponse aux insuffisances de Marisol Touraine. Les annonces faites par le ministre de la Santé concernant l’accès élargi à la vaccination, la revalorisation des bourses pour les infirmières ou encore le déploiement d’une stratégie nationale pour améliorer les conditions de travail sont jugées impropres à répondre au malaise des infirmières et à la dégradation de leur situation, notamment dans les hôpitaux. Ainsi, concernant les 30 millions d’euros débloqués pour mieux prévenir et lutter contre la souffrance des soignants, Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI ironise dans le Figaro : « C’est comme si la ministre nous disait : "Je vais vous amputer un bras, mais je paye le pansement"».

Moins sévère, Nathalie Depoire juge que les avancées promises ne sont pas suffisantes. Aussi, brandissant toujours les mêmes mots d’ordre, les infirmières se mobilisent à nouveau. Elles dénoncent encore une fois le manque de moyens matériels et humains dans de nombreux établissements de santé. Un moratoire sur les suppressions de postes ou les fermetures de lit est défendue par de nombreux représentants infirmiers. L’idée d’imposer un ratio d’infirmiers au lit du patient, fait également son chemin. Elle est par exemple soutenue par Anne Papas, auteur de Astreintes, chronique d’une vie d’infirmière. Au-delà, c’est le refus de devoir d’abord se concentrer sur les économies à réaliser avant de se consacrer au patient qui affleure dans de nombreuses déclarations. Les professionnelles se battent également pour un élargissement de leur champ de compétences. « On nous octroie par petite bout des compétences comme la possibilité de prescrire une contraception alors que nous sommes des acteurs majeurs de la prévention » regrette Nathalie Depoire dans les colonnes de 20 minutes. La reconnaissance de la souffrance des soignants demeure imparfaite martèlent encore les organisations qui appellent à manifester. « L’épuisement professionnel des soignants est une maladie de l’âme en deuil de son idéal », cite dans son éditorial la rédactrice en chef d’Infirmiers.com, Bernadette Fabregas pour évoquer le malaise des infirmières.

Jamais reçues par Mme Touraine depuis cinq ans

Déterminées à afficher une nouvelle fois leur colère, les infirmières doutent d’être enfin entendues. Quelques signaux positifs sont cependant annoncés, telle la tenue d’une future concertation sur les primes de nuit, de week-ends et de jours fériés. Cependant, les quinze organisations qui remarquent que depuis 2012, Marisol Touraine ne les a jamais reçues personnellement, déléguant systématiquement à son cabinet la gestion de la crise des infirmières, désespèrent de voir ce mépris abandonné. « La ministre ne nous pas reçus durant cinq ans… Nous n’attendons pas grand-chose » soupire dans le Figaro le patron du SNPI.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article