Harcèlement des étudiants en IFSI : briser l’omerta !

Paris, le vendredi 24 février 2017 - En 2013, une enquête nationale réalisée auprès de 1472 étudiants en médecine a permis de chiffrer les violences qu'ils subiraient durant leurs études. Plus de 40 % d'entre eux déclarent avoir été confrontés à des pressions psychologiques, 50 % à des propos sexistes, 25 % à des propos racistes, 9 % à des violences physiques et 4 % à du harcèlement sexuel. Des chiffres qui sont également constatés chez les étudiants en soins infirmiers, où, de plus, 85,4 % d’entre eux considèrent que leur formation comporte des violences, morales, mais aussi parfois physiques, notamment dans leurs relations avec les équipes encadrantes.

Pour mieux comprendre cette souffrance, Valérie Auslender, médecin généraliste et chargée de cours à Sciences po Paris a lancé un appel à témoignages qui a rencontré un important succès ! Suite à la lecture de ces récits, neuf experts de renom dont Didier Sicard, professeur émérite à l'université Paris Descartes et président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique ont proposé des pistes de réflexion.

Ces témoignages et ces réflexions font désormais l’objet d’un livre titré Omerta à l’Hôpital  qui sera publié en mars prochain.

Beaucoup des infirmiers qui y racontent leurs études décrivent ainsi des humiliations, des pressions psychologiques, ou encore des violences physiques, à l’image de Lisa qui a témoigné à l’antenne de BFM TV. Elle y décrit un stage hospitalier où, plutôt que d’apprendre sa profession, elle n’était "affectée" qu’à « sortir les poubelles » puisque lui disait-on « tu n’es bonne qu’à ça ! ». On lui répétait également qu’on allait « lui en faire baver ». Elle résume : « on peut se sentir comme un jouet, une attraction du service. »

Et force est de constater que sur les forums dédiés à la communauté infirmière on dénombre de plus en plus de récits d’étudiants découragés par d’incessantes remarques négatives de supérieurs ou par le déroulement de stages effectués dans une ambiance délétère.

FH

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Vos réactions (4)

  • Tentatives d'explications

    Le 25 février 2017

    Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, que ce sujet revient sur le tapis. Il y a peu, les étudiants en médecine ont aussi été publiquement et gravement remis en cause par des professeurs sur les réseaux sociaux concernant leurs insuffisances.

    Après chaque modification importante dans la formation initiale infirmière, les réactions des professionnelles vis à vis des étudiantes ont été douloureuses pour ces dernières.

    En 1992, les deux formations infirmières en psychiatrie et en soins généraux ont été (très maladroitement et dans une grande précipitation) réunies dans ce qui a été appelé par la suite "le diplôme unique" par des pouvoirs publics déjà ignorants de la réalité du terrain. De plus, (particulièrement) les infirmières libérales sont montées à cette époque sur leurs grands chevaux pour dénoncer la possibilité ainsi offerte aux infirmiers de secteur psychiatrique de venir leur retirer "le pain de la bouche" et soupçonnés de vouloir s'installer en libéral.

    25 ans plus tard, les faits ont largement démontrés que cette paranoïa était injustifiée. La rivalité incestueuse (atténuée depuis) entre les "DE" et les "PSY" faisait que les étudiants qui allaient en stage étaient soit "bons à rien", soit "mauvais en tout", selon le lieu de soins où ils étaient affectés.

    Et cette vieille revendication d'un "bac + 3" (avec 38 mois d'études) jamais reconnue par l'Académie de Médecine et les ministres successifs en charge des Universités au motif que la moitié de la formation se fait sur le terrain et non en cours (c'est bien connu : les infirmières vont soigner au lit du patient avec des bouquins !).

    En 2009, rebelote et une nouvelle fois au nom de la mise en oeuvre des directives européennes de Bruxelles, les dirigeants français, dans la toujours même précipitation, remodèlent la formation initiale en enlevant plusieurs mois de formation et en donnant un "vrai statut universitaire" (mais pas les moyens) aux étudiants infirmiers qui intègrent cette nouvelle formule. Avec, entre autre, deux mois de congés en été quand les précédents allaient en stage en juillet ou en août pour servir de petite main dans des services sous dotés en période estivale.

    Périodes courtes mais très formatrices sur des lieux de stages beaucoup plus diversifiés qui permettaient d'avoir une vision plus large de la profession infirmière. Avec aussi une "licence infirmière" dont on connaît maintenant le contenu et la non reconnaissance universitaire qui oblige certaines infirmières à passer devant les tribunaux pour se faire admettre en cursus post licence afin de poursuivre des formations post DE.
    Ces nouveaux étudiants pour lesquels les diplômées en exercice dans les services de soins n'avaient, en 2009/2010, reçu aucune information, ni formation, sur le contenu des études et la nouvelle prise en charge des stagiaires. Ces nouveaux étudiants dont beaucoup prétendaient "en remontrer à tout le monde" et qui comme les générations précédentes se retrouvaient très rapidement confrontés à la dure réalité du terrain. Avec comme corollaire des stages passés de quatre à dix semaines, ce qui n'arrange en rien les relations conflictuelles entre diplômées et étudiantes considérées - légitimement - comme des poids et non des ressources, faute de moyens pour assumer leur obligation de former. Par ailleurs, il n'est pas rare de rencontrer dans de nombreux services où le turn over est important, des toutes jeunes diplômées (en quête légitime de partage des compétences avec des aînées) en charge de l'encadrement des stagiaires.

    On retrouve d'ailleurs fort logiquement cette différence d'approche entre les infirmières formées au tutorat et celles qui ne le sont pas (faute de moyens) dans les propos qui fusent sur les réseaux sociaux.

    Enfin, pendant trois ans, se sont côtoyées les deux formations en cours. Le temps que l'ancienne diplôme ses étudiantes, jetant ainsi deux fois plus de nouvelles diplômées sur un marché du travail largement rétréci amenant à des taux de chômage infirmiers jamais atteints jusqu'alors. La ministre Touraine continuant malgré tout (en septembre 2016) à intégrer autant de nouvelles recrues dans les IFSI devenus des fabriques à chômeurs (qui ne pointent pas à Pôle Emploi). IFSI dont certains sont en voie de fermeture, trois mois après, dans certaines régions par décisions politiciennes, comme en Normandie.

    Parallèlement à ces dysfonctionnements nuisibles à tous (et en premier lieu au patient), il faut se souvenir de la manière dont a été présentée aux infirmières en 2009/2010 cette nouvelle formation qui a été très intimement liée au changement profond de statut (que ne connaissent peut être pas les jeunes en formation et les jeunes diplômés). Il faut aussi penser à y associer un environnement professionnel infirmier fortement dégradé dans toutes les composantes de l'exercice. Madame Bachelot puis monsieur Bertrand, ministres successifs de la Santé (2009-2012), ont mis en oeuvre ces nouveaux paramètres et pas de la meilleure manière qui soit. Madame Bachelot ayant essayé de vendre aux infirmières la plus grosse arnaque du moment visant à promouvoir la licence infirmière en échange de cinq années de travail supplémentaire au motif d'une intégration (devenue obligatoire depuis le 01 décembre 2010) en catégorie A. Pour mémoire, 57% des infirmières concernées du secteur public ont choisit, très logiquement mais définitivement, de rester en catégorie B conservant ainsi la prise en considération de la pénibilité liée à l'exercice infirmier. Pénibilité toujours pas réintégrée, à ce jour, dans le secteur public, réintroduite dans le cadre de la loi Travail dans le secteur privé.

    Pluralité de statuts qui fait qu'actuellement se côtoient trois statuts différents infirmiers pour des personnels qui assument les mêmes tâches avec les mêmes horaires. Celles restées en B et qui vont progressivement disparaître avec le départ en retraite conservé à 57 ans, celles qui ont intégré la catégorie A par choix fin 2010 (et qui pour beaucoup le regrettent) et celles qui ont intégré la catégorie A par obligation.

    L'arrivée au ministère (2012-2017) de madame Touraine - détestée des professions de la Santé et particulièrement des infirmières - qui a continué la même politique de casse des services de soins en dépit de toute logique et de tout bon sens a encore accentué cette situation. N'ayant plus aucun dialogue avec les soignants de part son attitude psycho rigide et méprisante, la ministre caresse les étudiants infirmiers dans le sens du poil, leur laissant croire que toutes leurs demandes allaient être acceptées à plus ou moins long terme. Comme leurs aînés abusés par des syndicats parfois complices de la politique gouvernementale, les étudiants sont ainsi manipulés par leurs organisations étudiantes et par les organisations de cadres formateurs qui ont trouvé avec leurs protégés un moyen d'essayer (sans grande réussite pour le moment) de faire avancer leurs propres revendications catégorielles auprès des pouvoirs publics.

    Diviser pour mieux régner, la plus vieille recette qui fonctionne toujours aussi bien.

    Elisabeth Moisson

  • Maltraitances institutionnelles

    Le 25 février 2017

    Commençons par interroger les soignants sur les maltraitances institutionnelles envers les personnels et ça ira déjà mieux !

    Hugues Dechilly

  • Phénomène en cascade

    Le 28 février 2017

    Et la maltraitance que ce soit dans les institution IFSI ou hospitalière... elle est de quelle origine ? On le sait bien, dès qu'il y a possibilité de maltraitance, les plus faibles sont les premiers touchés n'ayant aucun pouvoir à faire valoir. Du moins le croient-ils ainsi.

    C'est un phénomène en cascade. Comment-peut-on demander à des soignants surexploités de bien traiter des étudiants qui représentent une surcharge non négligeable de travail ?

    Professionalisons d'urgence les encadrant de stage, reconnaissons les cadres de santé formateur dans un métier qui est le leur sans les mettre en situation de sous-cadres à l'hôpital... Un formateur bouge et tout de suite, on le taxe de "dissident" quand on ne le maltraite pas à son tour pour avoir voulu dénoncer des situations anormales.

    Vous voulez des pistes d'actions ? Traitons les causes et cessons de vouloir punir ceux qui tentent de rendre les coups reçus même si ces coups rendus ne sont pas fait aux bonnes personnes.

    Je ne cautionne pas. Je demande de prendre en compte la responsalilité des autorités dans ce désastre !

    Charlaine Durand

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