Exclusif : les professionnels de santé favorables à l’extension de l’obligation vaccinale

Paris, le mardi 21 mars 2017 – Attendue la semaine dernière, la position de Marisol Touraine à l’égard de l’obligation vaccinale n’a toujours pas été dévoilée et cette annonce ne figure pas au programme de son agenda des prochains jours. Il faut dire que la question est délicate.

Fin décembre, la concertation vaccinale, voulue par le ministre elle-même suggérait d’élargir (temporairement) l’obligation vaccinale à la coqueluche, l’HIB, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons la rubéole, voire-même au HPV. Quelques semaines plus tard, le Conseil d’Etat sommait l’état d’organiser l’accès à un vaccin permettant de ne se conformer qu’aux seules vaccinations obligatoires (diphtérie, tétanos, poliomyélite), tout en suggérant que pour contourner cette injonction, le gouvernement pouvait décider d’élargir le champ des obligations vaccinales. Si un nombre important de voix s’élèvent donc en faveur du renforcement (au moins temporaire) des obligations, puisque cette solution est soutenue par de nombreuses sociétés savantes, le ministère n’ignore pas parallèlement les crispations qu’une telle mesure risque de susciter. Aussi, la décision est particulièrement délicate à prendre (même si faute de temps, comme l’a déjà indiqué le ministre, elle ne sera pas suivie d’application avant le changement de gouvernement).

Disposer d’arguments plus solides pour faire face aux réticences

Nécessairement objet de polémique, l’extension vaccinale serait néanmoins fortement soutenue par une grande partie des praticiens, comme le suggèrent les résultats d’un sondage réalisé sur notre site auprès de 688 professionnels du 27 février au 20 mars 2017. L’extension de l’obligation vaccinale, en ajoutant au DTP, la coqueluche, l’HIB, l’hépatite B et le ROR séduit en effet une majorité de professionnels de santé (52 %). Si on ajoute à ces derniers, les 15 % de praticiens qui se disent favorables à une extension à certaines valences (l’inclusion du ROR et de l’hépatite B pourrait être les plus sujettes à polémiques en raison de la persistance d’idées erronées sur la dangerosité de ces vaccins mais aussi d’interrogations sur leur pertinence notamment en ce qui concerne le ROR), on constate que le principe de l’obligation vaccinale reste fortement soutenu par les professionnels. Probablement, en soutenant cette mesure, les professionnels marquent leur volonté de disposer d’un arsenal juridique plus ferme pour faire face aux réticences de leurs patients. La force de l’obligation offre en effet des arguments, non seulement légaux, mais également médicaux : la distinction entre recommandations et obligations peut faire naitre des doutes sur l’utilité des vaccins qui sont "uniquement" recommandés.


Sondage réalisé par le Journal International de Médecine du 27 février au 20 mars 2017

Opposés à l’obligation ou à la vaccination ?

On observe néanmoins qu’une partie non négligeable des professionnels ayant participé au sondage (32 %) s’oppose à une telle idée. Il ne faut cependant pas considérer le rejet de cette proposition pour une hostilité entière aux vaccins. En effet, c’est la notion même d’obligation qui est peut être ici discutée, d’un point de philosophique, mais également en terme d’efficacité. Beaucoup en effet estiment que des mesures autoritaires ne sont pas les plus pertinentes pour renforcer l’adhésion à la vaccination. Parmi ces 32 % de professionnels de santé qui s’opposent à l’idée de l’extension de l’obligation vaccinale, il est cependant probable que certains partagent les positions défendues par les groupes anti vaccins, concernant l’inefficacité supposée de certains vaccins, voire même leur dangerosité, ou encore l’influence de l’industrie pharmaceutique sur le choix des valences recommandées (ou obligatoires). Ce sondage, qui témoigne d’une prise de position franche des professionnels de santé apparaît comme un nouvel argument en faveur d’une décision forte et rapide des pouvoirs publics en matière de vaccination. Les candidats à la présidentielle, interrogés sur le JIM sur ce sujet, seront entre autres attendus en la matière.

Léa Crébat

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Vos réactions (3)

  • I have a dream...

    Le 22 mars 2017

    "Une décision forte et rapide des pouvoirs publics en matière de vaccination"... euh, faut pas rêver !

    Dr Michel de Guibert

  • Espérons...

    Le 26 mars 2017

    ...que Macron choisira un ou une ministre de la Santé plus compétente que la lamentable ministre actuelle dont l'incompétence n'a d'égale que le désintérêt vis-à-vis de la Santé

    Dr Guy Roche

  • Pour une décentralisation

    Le 26 mars 2017

    La situation française actuelle me parait le résultat d'une politique d'information malheureuse, construite sur "le roi a dit", et qui n'est pas décentralisée en mains des spécialistes, médecins en premier lieu. On a vu ce que cela donne, par exemple lorsque l'on confie à une ex-pharamcienne de lancer une campagne de vaccination contre le H1N1 en 2009-2010: catastrophique !

    Le retard pris à argumenter, encore et toujours, intelligemment, mettra des décennies à se ratrapper (une ou deux décennies), alors que l'incitation par des comités plus décentralisés, pourquoi pas au niveau des régions, réagissants au ressenti des populations, toutes "française" mais différentes de fait, serait plus pertinent.

    Dr Virgile Woringer

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