Grossesse, antidépresseurs et TDAH, des relations troubles

De récents travaux ont suggéré un possible lien entre la prise d’antidépresseurs, particulièrement les IRS (inhibiteurs de recapture de la sérotonine) pendant la grossesse et le risque de trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) chez l’enfant. Les résultats sont toutefois contradictoires et doivent être interprétés avec précaution. Le sujet est d’importance car depuis ces premières publications, patients et praticiens se retrouvent confrontés au dilemme de la prise en charge des patientes dépressives et souhaitant une grossesse ou enceintes. Si un doute existe sur le lien entre les antidépresseurs et le TDAH, les conséquences d’une dépression maternelle sont en revanche bien connues pour affecter l’enfant. Le choix de traiter ou non la dépression n’est donc pas simple.

Pour estimer plus précisément le risque, une nouvelle étude a été menée en Chine, incluant plus de 190 mille enfants nés entre 2001 et 2009 et suivis jusqu’en décembre 2015. Au total, 1 252 de ces enfants ont été exposés in utero aux antidépresseurs. Un TDAH a été diagnostiqué chez 5 659 enfants.

Un risque de TDAH accru plutôt lié à l’affection psychiatrique de la mère qu’à l’exposition aux IRS in utero

Les résultats sont rassurants. En effet, si le risque de TDAH est supérieur chez les enfants exposés pendant la grossesse (Hazard Ratio [HR] 1,39 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,07 à 1,82), il l’est aussi chez les enfants dont les mères ont été traitées par antidépresseurs avant la conception (HR 1,76 ; IC 1,36 à 2,30). Pour les auteurs, ceci laisse penser que l’augmentation du risque de TDAH est plutôt lié au trouble psychiatrique de la mère qu’à la prise d’un antidépresseur. D’autant que le risque de TDAH chez des enfants dont les mères sont suivies pour des troubles psychiatriques, avec ou sans antidépresseurs, est supérieur à celui des mères sans trouble psychiatrique (HR 1,84 ; IC 1,54 à 2,18).

Les auteurs insistent sur le fait qu’il a été démontré que les TDAH sont des troubles héréditaires. Il est apparu récemment que ces troubles persistent à l’âge adulte, sans être toujours diagnostiqués, et sont associés à un risque élevé de comorbidités psychiatriques, parmi lesquelles la dépression et l’anxiété. Ceci pourrait expliquer le lien entre l’utilisation d’antidépresseurs avant la conception et le TDAH chez l’enfant.

Un biais d’indication pourrait donc, en partie au moins, expliquer l’association retrouvée dans certaines études. Les auteurs de l’étude ne rejettent pas formellement l’idée d’un lien possible entre la prise d’antidépresseurs et les TDAH, mais il pourrait être plus ténu que ce qui a été rapporté jusqu’à présent.

Dr Roseline Péluchon

Références
Man KKC et coll. : Prenatal antidepressant use and risk of attention-deficit/hyperactivity disorder in offspring: population based cohort study.
BMJ 2017; 357: j2350.

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