
Paris, le mercredi 23 août 2017 – Le mieux serait-il une fois encore l’ennemi du bien ? Alors que l’objectif de la mise en place d’une nouvelle formulation du Levothyrox au printemps dernier était l’amélioration de la prise en charge des patients, des dizaine de milliers d’entre eux affirment aujourd’hui être les victimes de ce changement dont beaucoup déplorent par ailleurs ne pas avoir été informés. « Le changement de formule est définitif, il n’y aura pas de retour à l’ancienne formule qui était de qualité inférieure à la nouvelle formule » tente de convaincre l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans sa nouvelle version de sa fiche "Questions/Réponses" consacrée à l’évolution du Levothyrox. « Il n’est pas question de nier ou de minimiser le mal être de patients [mais] les études de pharmacovigilance ne permettent pas, en l’état actuel des choses, de remettre en cause la nouvelle formule du Levothyrox, à bien des égards meilleure que l’ancienne », renchérit le ministère de la Santé dans un récent communiqué.
Un mouvement d’ampleur
Rien n’y fait pourtant et la fronde prend de l’ampleur. Ils sont désormais 74 000 à avoir signé la pétition mise en ligne, de manière d’abord confidentielle, en juin dernier : autant de personnes qui affirment avoir constaté les effets secondaires de la nouvelle composition (des troubles proches de l’hypothyroïdie le plus souvent) et qui souhaitent un retour à l’ancienne version. L’ampleur de ce mouvement s’explique bien sûr par le grand nombre de Français traités par Levothyrox : trois millions, mais pour les signataires de la pétition elle représente un gage de sérieux. « Pensez-vous qu’après le boulot, les gens n’ont que cela à faire de nous écrire ? Ils le font parce que c’est grave » énonce l’association Malades de la thyroïde, citée par le Parisien.
Leurs protestations commencent même à trouver des échos au sein de la classe politique : lundi, le sénateur Les Républicains, Jean-Claude Carle, implorait le gouvernement d’agir.
L’ANSM doit faire face à l’angoisse !
Une nouvelle réponse a été apportée aujourd’hui avec la mise en place par l’ANSM d’un numéro vert accessible au 0 800 97 16 53, du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures. A l’autre bout du fil les médecins et agents de l’ANSM devront d’abord déterminer si leur interlocuteur fait partie des patients pour lesquels un dosage de la THS est recommandé pour surveiller l’impact du changement de formulation. Surtout, leur objectif sera de rassurer, sans jamais nier ou minimiser les effets secondaires rapportés. Les agents de l’ANSM devront également répondre aux multiples questions concernant le changement de couleur des blisters qui a pu créer la confusion chez les plus âgés, sur les modalités d’administration (qui restent identiques) ou encore sur la possibilité d’associer les deux formules. Dans la fiche "Questions/réponse" de l’ANSM, on peut lire que « cela ne présente pas de risque pour la santé », mais dans le communiqué de presse que l’on peut lire aujourd’hui sur le site de l’ANSM, le ton est plus catégorique : « Lorsque vous êtes passé à la nouvelle formule, ne reprenez pas du Levothyrox ancienne formule ». Un impératif, susceptible de créer une certaine anxiété et qui peut être difficile à respecter en cas de changement de pharmacie (fréquent en cette période estivale).
Circulez, il n’y a rien à voir !
La mise en place de ce numéro vert pourrait ne pas être considérée comme suffisant aux yeux de ceux qui s’interrogent de plus en plus sur l’impact possible du nouvel excipient : le mannitol. Mais l’ANSM assure : « Le mannitol contrairement au lactose est dépourvu d’effet notoire à la dose où il est présent dans les comprimés et ce quel que soit le dosage du médicament ». L’ANSM insiste encore sur le fait que « la nouvelle formule a été démontrée bioéquivalente à l’ancienne sur la base de deux études de pharmacocinétique. Cette bioéquivalence des deux formules a été démontrée par des études de biodisponibilités (…). Il a ainsi été mis en évidence que les nouveaux excipients ne modifient ni la quanité de substance active qui passe dans le sang, ni la vitesse à laquelle elle atteint l’organe cible » détaille l’agence.
Des changements provocateurs d’effets secondaires
Pour les autorités et les laboratoires Merck, plus qu’un effet secondaire des nouveaux composés, la cause des effets secondaires rapportés est probablement liée à l’anxiété, que l’on retrouve chez un grand nombre de patients présentant des troubles thyroïdiens. « Les maladies de la thyroïde rendent plus sensible aux changements et exacerbent l’anxiété » rappelle ainsi le professeur Jean-Christophe Lifante, spécialiste de la thyroïde (Lyon-Sud) interrogé par le Parisien. De son côté, la directrice des affaires médicales chez Merck, Sylvie Chabac rappelle que lors de l’évolution du format des plaquettes, passé de 28 à 30 comprimés, sans changement de formulation, un « pic de perturbation » avait été constaté.
Aurélie Haroche