
Paris, le mardi 31 octobre 2017 – La convention médicale signée à la fin de l’été 2016 a prévu l’entrée en vigueur de nombreuses nouvelles cotations qui doivent permettre de faire progresser les tarifs des médecins généralistes et spécialistes, en tenant compte de la diversité des actes et de la complexité accrue de certaines consultations par rapport à d’autres. Une série de nouvelles cotations est ainsi entrée en vigueur le 1er mai dernier, suivie à partir de demain par plus d’une vingtaine supplémentaires. Le tarif de la consultation atteindra ainsi 46 euros pour plusieurs consultations présentant un « fort enjeu de santé publique », tandis que 14 consultations complexes, répondant à différentes situations, sont créées. Le prix atteindra par ailleurs 60 euros pour des consultations très complexes concernant notamment des patients présentant des affections de longue durée. On trouve ainsi dans la première catégorie, la consultation obligatoire enfant, la première consultation de contraception, le suivi de l’enfant souffrant d’obésité ou encore la sortie de la maternité. S’y ajoutent par ailleurs, au titre des consultations dites complexes, le premier contact pour un couple redoutant un trouble de la fertilité, les consultations spécifiques de prise en charge d’une pathologie endocrinienne de la grossesse ou encore les bilans chez des patients asthmatiques mal contrôlés. Concernant les sept consultations très complexes, on peut citer l’entretien avec les parents d’un futur enfant présentant une malformation congénitale grave, la consultation initiale organisant la prise en charge d’une infection à VIH ou encore la préparation de l’inscription sur la liste d’attente de greffes d’un insuffisant rénal.
Challenge
Attendues par les syndicats comme une reconnaissance de l’expertise des médecins et du temps consacré aux situations difficiles, ces consultations risquent cependant d’entraîner quelques casse-tête de cotations. La Fédération des médecins de France (FMF), pour présenter le calendrier des revalorisations, n’a ainsi pas hésité à titrer « Nouveaux tarifs : le casse-tête ? ». Il faut dire qu’à la multiplication des cotations s’ajoutent diverses subtilités, comme le fait d’être le médecin traitant ou non du patient, de pouvoir ou non utiliser plusieurs fois la cotation, etc. Dans certains cas particuliers, des manœuvres informatiques supplémentaires seront en outre nécessaires, par exemple dans le cas de la consultation pour une première prescription de consultation où l’anonymisation de la patiente si elle est mineure est nécessaire. Pour le médecin auteur du blog Farfadoc, le paramétrage de son logiciel de télétransmission pour « faire facilement les cotations des consultations contraception pour les mineures » est qualifié de « challenge » du mois d’octobre. On relèvera par ailleurs l’existence d’imprécisions : MG France note par exemple, concernant la consultation pour le suivi de l’obésité de l’enfant, qu’il « n’y a pas de texte réglementaire définissant exactement les enfants entrant dans ce cadre ».
Des patients inquiets
Outre ces complexités techniques qui ne sont pas négligeables, les médecins peuvent redouter quelques interrogations, voire crispations de leurs patients. Comment en effet accepteront-ils de payer un tarif plus élevé pour des actes inchangés ? MG France résume ainsi la consultation de suivi d’obésité en relevant : « Il faudra simplement continuer de faire ce que vous faites déjà, c'est-à-dire tenir les courbes d’IMC à jour et renseigner la prise en charge effectuée, l’entretien avec l’enfant, les parents… les conseils ». Déjà au moment de la publication des tarifs au Journal officiel en septembre, quelques associations étaient montées au créneau face à ces hausses de prix. L’Assurance maladie avait dû procéder à une opération de déminage en rappelant que la majorité des consultations concerne des situations ou des patients bénéficiant d’une prise en charge à 100 %. Elle avait par ailleurs signalé que la prise en charge par l’Assurance maladie était de 70 %, le remboursement des 30 % restant étant majoritairement garanti par les mutuelles. Demeurent cependant quelques situations particulières qui ne permettront pas d’éviter une augmentation du coût pour les patients.
Où l’on reparle (déjà) du tiers payant
La question de l’avance de frais, pour les patients non couverts à 100 %, est par ailleurs ici plus prégnante, alors que la suppression de l’obligation du tiers payant est actée. Pour le collectif France associations santé, il ne fait guère de doute que ces nouveaux tarifs pourraient être dissuasifs pour certains patients. Les médecins se veulent rassurants, en indiquant que plus les tarifs sont élevés, plus la pratique du tiers payant est fréquente. Cependant, ils excluent que l’entrée en vigueur des consultations complexes devienne un nouvel argument pour relancer les discussions sur le tiers payant obligatoire. « On ne veut pas un tiers payant obligatoire pour tous y compris sur ces consultations complexes » avertit déjà Jean-Paul Ortiz, patron de la Confédération des syndicats des médecins libéraux. Cet élément pourrait néanmoins être l’un des objets de la concertation que le gouvernement a promis d’engager l’année prochaine sur le sujet.
Pour Halloween, l’Assurance maladie invente la cotation fantôme !
Enfin, outre les complexités administratives et les séances d’explication de texte avec les patients, l’entrée en vigueur des consultations complexes fait redouter aux médecins la survenue de bugs du côté de l’Assurance maladie. La première série de revalorisations en mai dernier avait ainsi donné lieu à quelques situations ubuesques. Il faut dire que l’Assurance maladie connaît régulièrement des difficultés avec le système qu’elle a elle-même mis en place. Le Quotidien du médecin rapporte ainsi le cas aujourd’hui d’un médecin de Saint Nazaire qui s’est vu refuser l’emploi d’une cotation devenue fantôme !
Pour gagner plus, il faut parfois accepter d’en payer le prix !
Aurélie Haroche