
Aujourd’hui, elle s’est attelée à détecter les différences qui existent entre les régions, afin, éventuellement, de mettre en évidence des marges de "progression".
Des disparités départementales parfois marquées…
Les taux de recours à la césarienne pour grossesse unique, au pontage coronarien, à la chirurgie du rachis, à l’endoprothèse vasculaire sans infarctus, aux interventions du cristallin ont été recensés pour l’ensemble des régions et des départements français, en fonction par ailleurs du statut public ou privé des établissements. On observe d’importantes variations en fonction des localités. Ainsi, concernant le pontage coronarien, le taux de recours moyen pour 100 000 habitants connaît un coefficient de variation de 27,7 % selon les départements (coefficient de variation qui atteint 44,3 % pour les établissements publics). On relève de la même manière un coefficient de variation de 25,2 % en ce qui concerne les endoprothèses vasculaires sans infarctus (coefficient qui atteint 53,2 % dans les établissements privés). Enfin, le taux de recours à la chirurgie du rachis connaît un coefficient de variation de 23,8 % (44,3 % dans les hôpitaux publics) en fonction des départements.… et alors ?
Que nous enseignent ces résultats ? La FHF le reconnaît elle-même dans son communiqué : il est difficile d’en tirer des conclusions définitives (ce qui n'a pas été le cas de la rédaction de France 2 ce week-end qui a titré sur près d'un tiers d'intervention inutile en France !) : « Ces disparités doivent être analysées afin d’en comprendre précisément les raisons ».On ne peut en effet tout d’abord pas exclure des différences démographiques qui pourraient expliquer que certaines régions connaissent des taux de recours plus importants à tel ou tel examen ou intervention. Par ailleurs, rien n’indique (dans les données fournies) que les taux de recours les plus élevés ne soient pas justifiés médicalement et que ce ne soit pas vers ces chiffres qu’ils faillent tendre pour une prise en charge optimale des Français !
De la facilité de juger après coup !
Cette étude territoriale se double des résultats d’une enquête conduite par Odoxa chez les Français et les médecins. Ce sondage signalerait la fréquence des actes médicaux inutiles (ce qui diffère des actes chirurgicaux). Ainsi, 88 % des praticiens indiquent qu’il leur est déjà arrivé de prescrire certains actes ou examens dont ils ont considéré « après coup » qu’ils étaient non justifiés. Le chiffre apparaît très élevé. Néanmoins, l’appréciation a posteriori du caractère non pertinent de l’examen ne peut exclure une influence par les résultats de ce dernier. Il aurait peut-être été plus intéressant de connaître la part de praticiens acceptant d’admettre qu’ils ont déjà prescrit des actes dont il savait à l’avance qu’ils étaient inutiles. Par ailleurs, on constate que sur ces 88 % de praticiens, 60 % répondent que cela ne leur arrive qu'exceptionnellement. On constate par ailleurs que si les Français ont une appréciation globalement pessimiste du sujet (ils sont 63 % à considérer que les actes médicaux non justifiés ou inutiles sont en augmentation), à titre personnel, seule une minorité estime avoir fait l’objet d’un acte ou examen non justifié. Ils sont ainsi 35 % (dont seulement 8 % jugent que le phénomène s’est répété) à considérer, encore une fois « après coup », qu’un examen qu’ils ont subi n’était pas nécessaire. On observe donc qu’une majorité de Français n’a pas une appréciation négative des actes prescrits pour eux-mêmes.Opération à somme nulle ?
En dépit des limites évidentes de ces travaux pour engager un débat en profondeur sur la pertinence des actes, la FHF continue à signaler qu’il s’agit d’un enjeu majeur, notamment du point de vue économique. Mais peut-on être certain que la suppression d’une partie des actes inutiles et non justifiés ne pourrait pas être compensée par la réalisation des actes et examens qui chaque jour ne sont pas prescrits et dont on découvre pourtant "après coup" qu’ils auraient été pertinents (et sources d'économie à moyen terme) ? Aussi perfide, voire exagérée, puisse-elle paraître, la question invite à se méfier d’un excès de protocolisation qui pourrait conduire à des défauts de prise en charge sous prétexte d’une chasse aux examens non pertinents et à nous souvenir qu'un examen complémentaire normal n'était pas nécessairement inutile.Aurélie Haroche