
Des données pas si alarmantes
L’année 2018 s’inscrit dans une tradition désormais bien ancrée : l’épidémie de grippe est considérée comme "exceptionnelle". Le mot a été employé par le ministre de la Santé, Agnès Buzyn dans un communiqué publié à la fin de la semaine dernière. Faut-il y voir un nombre de cas plus élevé que les années précédentes ? L’année dernière à la même époque, le Réseau Sentinelles recensait 784 000 personnes ayant consulté un médecin pour un syndrome grippal en quatre semaines. Les chiffres sont similaires cette année avec 704 000 consultations enregistrées après une période un peu plus courte.La gravité de l’épidémie justifie-t-elle l’utilisation de ce terme "d’exceptionnel" ? L’année dernière a été marquée par un excès de mortalité qui a atteint 14 400 décès au cours de l’hiver, en grande partie probablement lié à la grippe. Deux ans plus tôt déjà, durant l’hiver 2015, des chiffres similaires (18 000 décès) étaient déplorés.
Doit-on redouter une hécatombe semblable en 2018 ? Peut-être pas. D’abord, parce que les observations en la matière sont rassurantes. « Les tableaux cliniques rapportés par les médecins Sentinelles ne présentaient pas de signe particulier de gravité : le pourcentage d’hospitalisation a été estimé à 0,2 % (IC 95% [0,0 ; 0,6 %]) », indique le dernier bulletin publié sur le site du Réseau. Par ailleurs, cette année voit en Europe et en France la souche A (H1N1) principalement représentée. « Les virus détectés depuis le début de la surveillance sont répartis de la façon suivante :186 (24,5 %) virus de type A(H1N1)pdm09, 34 (4,5 %) virus de type A(H3N2), 32 (4,2 %) virus de type A non sous-typés, 1 (0,1 %) virus de type B lignage Victoria, 48 (6,3 %) virus de type B lignage Yamagata, 27 (3,6 %) virus de type B lignage non déterminé », détaille le Réseau Sentinelles. Cette spécificité fait des jeunes les cibles privilégiées de l’épidémie, comme l’illustre bien le fait que 49 % des passages aux urgences pour syndrome grippal concernent des moins de 15 ans. Si ce tableau épidémiologique doit inciter à la vigilance, il présage une mortalité plus faible, la grippe provoquant généralement ses plus grands ravages chez les plus âgés. Par ailleurs, le vaccin de cette année est bien adapté à la souche la plus souvent retrouvée, ce qui n’était pas le cas l’année dernière. En Amérique du Nord, où la situation est inversée, le nombre de morts pourrait être plus élevé.
Des hôpitaux comme toujours surchargés
Alors quoi d’exceptionnel dans cette épidémie ? Des hôpitaux mieux préparés, des patients évitant les urgences face à des symptômes peu inquiétants ? Sans doute pas. Comme tous les ans depuis le début du nouveau millénaire (de mémoire de journaliste médical plus si jeune !), les urgences des services hospitaliers sont souvent débordées par l’afflux de patients. Les engorgements ont notamment été importants au cours des deux dernières semaines en raison de la fermeture de nombreux cabinets médicaux en ville, vacances scolaires obligent. Dans des établissements déjà sous tension, la grippe a donc comme au cours des années précédentes entraîné des poussées de fièvre, avec des patients devant longuement attendre dans des couloirs et des interventions déprogrammées. Tous les hôpitaux sont concernés, y compris ceux de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui a déployé ponctuellement les différentes séries de mesure prévues pour faire face au pic d’activité : sorties anticipées de patients, déprogrammation d’hospitalisations, regroupement des malades atteints d’infections respiratoires ou encore réouverture de lits.Un ministre attentif
Et si ce qui était exceptionnel était l’attention des pouvoirs publics ? Chaque année, le ministère de la Santé et ses agences ne ménagent pas leur peine pour délivrer les messages indispensables pour limiter la propagation de l’épidémie en insistant sur les mesures barrières les plus simples et notamment le lavage des mains. Cette année, le discours connaît cependant un renouveau, avec en cette rentrée des classes un accent supplémentaire mis sur la nécessité de ne pas envoyer à l’école les enfants atteints de symptômes évocateurs d’une grippe. Par ailleurs, on perçoit une attention redoublée du ministre de la Santé, qui à la différence peut-être de son prédécesseur, n’a pas attendu l’alerte des établissements de santé pour réagir et pour évoquer l’importance de la vaccination des professionnels de santé. Rien d’exceptionnel, considéreront néanmoins certains !Aurélie Haroche