
New-York, le mercredi 10 octobre 2018 - De 1966 à 1996, les
atolls de Mururoa et Fangataufa en Polynésie Française ont été le
théâtre de 46 essais nucléaires aériens et de 147 expérimentations
souterraines qui auraient été à l’origine d’une augmentation du
nombre de cas de cancer, bien que la confirmation soit difficile
d’un point de vue épidémiologique et parfois contestée par
certaines études.
Hier, le dirigeant indépendantiste polynésien Oscar Temaru a
annoncé ce mardi à l'ONU avoir déposé, le 2 octobre dernier, une
plainte contre la France devant la Cour pénale internationale afin
que le pays soit poursuivi du chef d’accusation de crimes contre
l'humanité et que soient examinées les responsabilités des
Présidents de la République françaises successifs.
« Pour nous, les essais nucléaires français ne sont que le
résultat direct d'une colonisation. Contrairement au discours
français, nous n'avons pas accepté d'accueillir ces essais, ils
nous ont été imposés avec la menace directe de l'établissement
d'une gouvernance militaire si nous refusions », a affirmé
Oscar Temaru.
Le dirigeant indépendantiste a précisé qu'un « dialogue
responsable » avait été recherché depuis 2013 avec « la
puissance administrative » sous la supervision des Nations
unies, mais que cette invitation à la discussion s’était soldée par
une fin de non-recevoir. Rappelons, néanmoins, qu’en 2010, une loi
a instauré un dispositif d'indemnisation.
Crime contre l’humanité ? Non, répondent les Polynésiens Français !
Le président de la Polynésie française Édouard Fritch a
également été entendu mardi par le comité spécial de la
décolonisation de l'ONU où il a pu faire valoir son point de vue :
« j'affirme à nouveau que mon pays, la Polynésie française, est
un pays autonome qui se gouverne librement et démocratiquement (…)
il ne vit nullement dans une situation coloniale, ni une situation
d'oppression ».
Il a aussi rappelé qu'il avait été largement réélu en mai
dernier en défendant le maintien de la Polynésie dans le giron
français, alors que le parti indépendantiste, qui avait notamment
fait campagne en dénonçant les retombées nucléaires et en
promouvant la "décolonisation" n’a obtenu qu’un peu plus de 23 %
des voix.
Les essais nucléaires ont-ils été un crime contre l’humanité ?
Si l’on se réfère aux résultats des dernières élections, on peut
s’interroger sur l’adhésion des Polynésiens français à une telle
conception.
Soulignons enfin que cette procédure semble avoir bien peu de
chances d’aboutir (si ce n'est aucune) , puisque seul le
Conseil de sécurité de l'ONU, où la France dispose d’un droit de
veto, a le pouvoir d’autoriser une procédure de la CPI pour des
faits antérieurs au 1er juillet 2002.Et que
de façon superfétatoire les conséquences de ces essais nucléaires
ne répondent pas à la définition internationale de crime contre
l'humanité établie à l'occasion de la création du Tribunal de
Nuremberg.
Frédéric Haroche