Les médecins libéraux abordent 2019 dans l'inquiétude
Paris, le mercredi 2 janvier 2019 – Les références au monde de
la santé et à l’organisation des soins n’étaient pas absentes du
discours prononcé par Emmanuel Macron pour adresser ses vœux aux
Français le 31 décembre. Le Chef de l’Etat a notamment tenu à
rappeler : « Nous vivons dans l’une des plus grandes économies
du monde (…) on se soigne à un coût parmi les plus faibles des pays
développés pour avoir accès à des médecins d’excellence (…). Alors,
cessons (…) de faire croire que la France serait un pays où les
solidarités n’existent pas », a martelé le Président de la
République. Un message auquel font écho les vœux du ministère de la
Santé qui proclament : « 2019, la santé d’abord, les solidarités
avant tout ».
« Stratégie ambitieuse »
Emmanuel Macron a également profité de son discours de fin
d’année pour rappeler les réformes engagées pour l’amélioration de
notre système de soins. S’il admet qu’il faudra encore faire plus
pour lutter notamment contre la désertification médicale, il a
néanmoins remercié le Gouvernement pour avoir dessiné « les
bases d’une stratégie ambitieuse pour améliorer l’organisation de
nos hôpitaux », faisant référence notamment au plan "Ma santé
2022".
L’évocation aura sans doute suscité quelques crispations chez
les professionnels de santé. Rapidement, sur internet et les
réseaux sociaux, certains ont ainsi mis en regard ce chantier avec
la persistance de fermetures de services et de lits.
Assistants médicaux : des gratte-papiers au service de
la technostructure
Dans le détail, beaucoup des mesures annoncées dans ce plan peinent
encore à convaincre. Ainsi, dans son bilan de l’année 2018, le
président de l’Union française pour une médecine libre (UFML), le
docteur Jérôme Marty s’agace : « la création des assistants
médicaux apparaît comme la concrétisation de la pensée macronienne.
(…) Les médecins s’épuisent à force de déplaquages et
d’augmentation de la charge en soin, les assistants viennent les
aider… contre une augmentation de cadence ». Le patron du
Syndicat des médecins libéraux (SML) également dans un message en
forme de bilan de 2018 et de vœux pour 2019 n’est pas plus
enthousiaste : « Nous ne voulons pas de subventions – prises sur
nos impôts – pour créer des postes de gratte papier destinés à être
les interlocuteurs de la technostructure au prétexte qu’elle ne
sait pas faire simple et qu’elle ne survit qu’à travers les
finasseries administratives qu’elle multiplie sans fin » écrit le
docteur Philippe Vermesch.
CPTS : un flou bien loin des préoccupations des
patients
Profondément circonspects quant aux mesures promises pour
l’avenir, les syndicats sont également amers vis-à-vis des réformes
déjà à l’œuvre, tel le déploiement des communautés professionnelles
de territoire (CPTS). Ainsi, Jérôme Marty s’interroge : « Quid
de la gouvernance des CPTS ? Question sans véritable réponse à ce
jour… Et quand c’est flou… » suggère-t-il. Philippe Vermesch
est également dubitatif : « Les médecins libéraux, pas plus que
les autres professionnels de santé libéraux d’ailleurs, ne sont pas
des pions sur un échiquier que l’on peut, d’une pichenette, mouvoir
d’une case blanche vers une case noire. D’un exercice indépendant
vers le regroupement, au sein de structures imaginées par l’État
pour quadriller le territoire comme les CPTS, dans le but de donner
à voir une construction censée rassurer en premier lieu les
administrations. Vous me direz que tout cela est bien loin des
besoins et des préoccupations des patients, et c’est exact
».
Les années passent et l’épuisement des professionnels
de santé subsistent
Comme le suggèrent ces observations, le bilan de 2018 tiré par les
médecins libéraux demeure assez sombre. Jérôme Marty note ainsi
qu’il refuse de retenir les différentes esquisses de réforme
présentées et préfère se rappeler : « une fois de plus encore,
l’épuisement des professionnels de santé et leurs difficultés
d’exercices (…). C’est cette réalité qui aura marqué l’année (…).
Pas un jour sans avoir relaté une atteinte au respect de ceux qui
portent le soin, des centres d’urgences aux services de médecine,
de la pédiatrie à la gériatrie en passant par la psychiatrie, de
l’hôpital à la médecine de ville ». Au-delà de cet hommage en
forme de plainte, le patron de l’UFML ne cite aucun projet qui
trouve grâce à ses yeux, qu’il s’agisse de la fin annoncée du
numerus clausus ou de la relance du dossier médical partagé, sans
parler de la télémédecine et autres assistants médicaux.
Une ROSP réduite à la source en 2019 ?
Dès lors, qu’espérer en 2019 ? Pas grand-chose si ce n’est pire, si
l’on en croit les perspectives de la rémunération sur objectif de
santé publique (ROSP) en 2019 estimées par la Fédération des
médecins de France (FMF). Le syndicat met en effet en garde contre
plusieurs baisses probables. D’abord, les dérogations qui avaient
permis que le Forfait Structure soit en 2018 attribué aux médecins
ayant rempli seulement quatre items sur cinq ne seront pas
renouvelées en 2019. Ce changement promet quelques lendemains qui
déchantent, notamment parce que sera obligatoire l’adoption d’un
logiciel DMP compatible. La FMF s’inquiète également des
conséquences de la pénurie de vaccins contre la grippe sur la ROSP
: « Les médecins ne veulent pas être pénalisés par
l’insuffisance de prévision des autorités de tutelle »
s’indigne le syndicat. De la même manière, le syndicat relève en ce
qui concerne le dépistage du cancer colorectal que « le défaut
d’approvisionnement des tests (…) ne permet pas aux médecins de
remplir correctement leur rôle dans ce dépistage ».
Faire confiance aux acteurs de terrain
Cette énumération qui témoigne de la permanence de
dysfonctionnements éreintants entre les pouvoirs publics et les
médecins n’est guère un bon présage pour l’année qui commence.
Pourtant, certains osent encore formuler des vœux. Jérôme Marty s’y
risque : « Des vœux de respect envers ces professions du soin
qui jamais ne déméritent, des professions si importantes aux yeux
des Français qui leur renouvellent une confiance quasi absolue
comme en témoignent les statistiques ignorées de nos politiques.
C’est aussi vers ces mêmes politiques que je souhaite me tourner
pour leur parler de cette confiance qu’ils ont perdue de la part
des professionnels du soin à force de construire sans eux un
système de santé dont ces derniers sont pourtant le cœur, et je
souhaite maintenant leur adresser des vœux de partenariat. L’année
qui vient doit être marquée par ce renversement de la gouvernance
du soin. Les professionnels de santé sont pleinement responsables
de leurs actes, ils n’ont que faire de tutelles, ils ont besoin de
partenariats » insiste le patron de l’UFML auquel Philippe
Vermesch fait parfaitement écho : « S’il est un vœu à formuler,
ce serait que l’on fasse enfin confiance aux acteurs de terrain et
qu’on les laisse travailler et s’organiser. Qu’on leur apporte des
moyens sans exiger d’extravagantes contreparties. Que l’on mise sur
l’esprit d’entreprise de ceux qui sont des acteurs libéraux. Parce
que ce sont eux qui sont sur le terrain, en contact avec les
patients. Ils en partagent les fardeaux et les douleurs »,
écrit-il. Année à suivre.
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