
Corriger les erreurs du passé et préparer l’avenir
Aujourd’hui, les relations entre la Caisse autonome de
retraite des médecins français (CARMF) et les médecins libéraux
sont au beau fixe. La CARMF n’hésite d’ailleurs pas à pavoiser en
affichant les résultats d’une récente enquête de satisfaction menée
auprès de ses cotisants qui lui attribue une note de satisfaction
globale de 4,42/5.
Cependant, la CARMF a traversé ces dernières années quelques
turbulences. Sa gestion a été ainsi épinglée. Mais la CARMF aurait
su non seulement corriger ses erreurs (elle a diminué ses frais de
gestion de 30 % en 20 ans) mais également anticiper l’avenir. Ayant
mis en place dès 2016 un système de retraite par points, elle a par
ailleurs constitué une généreuse réserve de 7 milliards d’euros
grâce à des hausses de cotisation qui devraient lui permettre de
faire face aux futures évolutions démographiques.
Au menu des discussions : l’assiette de cotisation
Cette situation avantageuse est-elle menacée par la réforme
préparée par le gouvernement, à propos de laquelle les informations
précises manquent mais qui fait l’objet de concertation (mais pas
de négociation) ? Beaucoup le redoutent. Premier point de
préoccupation : la fixation du plafond de cotisation. Le
gouvernement s’orienterait vers un plafond équivalent à trois fois
le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale ou PASS (soit 120 000
euros). Ce niveau est refusé par les médecins libéraux qui plaident
de la CARMF à la Fédération des médecins de France en passant par
l’Union française pour une médecine libre (UFML) pour un plafond
équivalent à un PASS, soit un niveau proche du montant des
cotisations actuelles. « La mise en place d’un système universel de
retraites à points est tout à fait compatible avec le maintien
d’une caisse de type CARMF, en plafonnant les cotisations autour de
40 000 à 50 000 euros. Ce système couvrira 100 % des citoyens et
englobera 80 % des revenus (…). Rappelons que le système universel
suédois est plafonné à près de 50 000 euros » explique dans les
Echos l’économiste Frédéric Bizard qui vient de conduire pour
l’UFML un rapport sur le sujet (rendu public hier). Cependant, le
spécialiste considère que la bataille sur ce thème sera âpre : «
Le choix de l’assiette plafonnée à 3 PASS semble très avancé
», relève-t-il dans la synthèse de ses travaux.
Réserves : resteront-elles la chasse gardée des médecins ?
Autre interrogation : que deviendront les réserves constituées par la CARMF ? Sur ce point, les avis récents de la Cour des Comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont de quoi faire frémir, puisque les deux institutions ont plaidé pour une « mutualisation de l’ensemble des réserves des sections des professionnels libéraux ». Cependant, Frédéric Bizard se montre plus optimiste sur ce point, notant que l’on « voit mal le gouvernement s’arc-bouter sur la reprise des réserves financières existantes ».Bon père de famille
La gestion du système de retraite des médecins libéraux suscite également l’inquiétude. La FMF s’interroge ainsi : « La CARMF gère le régime complémentaire avec sagesse en bon père de famille, mais qui sera aux commandes du système demain ». L’avenir de la CARMF dépend directement des choix qui seront faits quant à l’établissement des plafonds. Bien sûr le patron de la CARMF, qui estime que l’option de trois plafonds relève du « tour de passe-passe pour transformer une dette fiscale en dette sociale », défendait il y a quelques mois sur le site Capital : « Ce que nous souhaitons (…) c’est la création d’un bloc de solidarité à un plafond avec pourquoi pas un taux de remplacement plus élevé. Ensuite, laissons faire les caisses, cela ne nuirait pas au principe de solidarité du régime universel ».Hostilité et propositions alternatives
Au-delà du sort de la CARMF en tant que telle et des questions de gouvernance que pose sa possible disparition, les médecins libéraux ont d’autres raisons de repousser le projet du gouvernement tel qu’il semble se dessiner. Il pourrait en effet conduire à une moins bonne prise en compte des « spécificités de la carrière médicale », amoindrirait la « défense de la confraternité » et risquerait globalement de « générer une classe d’assistés chez les retraités, en dégradant le sort des bas revenus » énumère Frédéric Bizard. De son côté, la FMF, plutôt hostile au projet, note que de nombreux points restent à régler, concernant notamment le maintien des droits acquis et des avantages compensatoires conventionnels. Sur ces points, le Haut-commissariat à la réforme des retraites se veut systématiquement rassurant, mais le sentiment d’alerte perdure chez les médecins libéraux. Ainsi, la FMF indique qu’elle « reste très réticente à ce projet, d’une part par philosophie libérale, d’autre part du fait des incertitudes liées à la non-communication des études prospectives actuarielles, sans garantie donc de sa faisabilité en l’état ». De son côté, l’UFML, pour laquelle la publication du rapport de Frédéric Bizard constituait une première étape, souhaite désormais créer un groupe de travail sur le sujet « afin de définir des propositions alternatives ».Le printemps risque de ressembler à l’hiver.
Aurélie Haroche