
Paris, le mercredi 6 mars 2019 – Dans les salles d’attente des cabinets de médecine générale se côtoient des patients enrhumés qui sont convaincus qu’un remède contre ce mal si classique leur sera prescrit, des parents qui attendent un certificat quelconque pour justifier l’absence de leur enfant, mais aussi des patients atteints de maladie chronique qui nécessitent un accompagnement approfondi et qui ont parfois eu des difficultés pour obtenir un rendez-vous, des personnes inquiètes de symptômes installés dans le silence depuis un peu trop longtemps. Comment accorder aux seconds le temps nécessaire pour une prise en charge adaptée quand les premiers occuperont inévitablement des minutes précieuses ?
Gastroentérite vs suivi d’une pathologie chronique complexe
De l’autre côté de la salle d’attente, il y a des médecins qui voudraient pouvoir répondre à toutes les interrogations de ce patient sur les résultats de ses dernières analyses médicales, mais qui est pressé par sa secrétaire (quand il en a une) qui lui rappelle qu’il cumule déjà quarante minutes de retard. Aussi, presse-t-il un peu ce malade pour recevoir la gastroentérite sans aucune gravité ou le renouvellement d’ordonnance. Il se demande si en dépit de ses patients vieillissants et toujours plus nombreux, il parviendra à ne pas enregistrer trop de retard sur la télétransmission de ses actes et autres joyeusetés administratives.
A la recherche du temps bêtement perdu
Cette réalité des salles d’attente et des cabinets médicaux, cette situation contrastée entre demandes de soins légitimes et consommation de la médecine comme un service, cette disparité entre souci de bien faire et nécessité de répondre à des impératifs temporaires et administratifs tendent à profondément altérer d’une part la relation médecin/malade et d’autre par l’attrait de l’exercice libéral pour les médecins. Pourtant, des réformes relativement simples à mettre en œuvre pourraient permettre de réduire le nombre d’actes inutiles et de retrouver le temps perdu pour le redonner aux (vrais) patients. Il n’est cependant pas tout à fait certain que les mesures imaginées aujourd’hui par les pouvoirs publics aillent dans ce sens.
Politique à la Gribouille
C’est en tout cas le sentiment des 10 000 médecins, professionnels de santé et patients qui ont signé une pétition lancée par le docteur Jean-Baptiste Blanc appelant à dire non « à l’abattage en médecine générale ». Le point de départ de cette initiative fut le petit calcul de l’Assurance maladie, bien que présenté comme éttant sans arrière-pensée contraignante : l’engagement d’un assistant médical devrait permettre à un médecin de passer de trois à six consultations par heure ! Une telle vision productiviste va totalement à l’encontre de la conception de la plupart des médecins généralistes, comme l’exprime avec la force la pétition. « Nous, médecins généralistes, demandons à pouvoir recevoir, écouter, informer et soigner les patients qui nous accordent leur confiance, avec le temps nécessaire pour chacune et chacun » écrivent-ils. Les explications rassurantes de l’Assurance maladie quant à son absence d’intention d’imposer un objectif chiffré de patients vus à l’heure n’ont nullement conduit au retrait de la pétition et n’ont pas plus amoindri son succès, puisque 10 000 personnes l’ont déjà signée. Le destin de ce texte témoigne bien que cette réaction à la vision stakhanoviste de l’Assurance maladie n’était qu’un prétexte, un point de départ, pour aller au-delà et proposer une défense d’une médecine générale allégée de ses dérives consuméristes et administratives pour pouvoir de nouveau se concentrer sur le soin. Or, en la matière, les assistants médicaux apparaissent une piste bien dérisoire : l’Union française pour une médecine libre (UFML) parle ainsi de « politique à la Gribouille ».
L’escroquerie des dix minutes
Faire appliquer la loi
Aurélie Haroche