Loi de santé : adoption en première lecture... avant la concertation

Paris, le mercredi 27 mars 2019 – Après en avoir achevé l’examen dans la nuit de vendredi à samedi, l’Assemblée nationale a adopté lors d’un vote solennel le projet de loi de santé par 349 voix pour (et 172 contre). Si cette issue ne faisait aucun doute, le texte qui est grande partie la traduction des engagements pris par le Président de la République en septembre lors de la présentation du projet Ma santé 2022 suscite une forte déception et des inquiétudes multiples.

Un texte peu révolutionnaire qui ne répond pas aux urgences

Si les critiques de l’ensemble de l’opposition concernant le choix du gouvernement de prendre un grand nombre de décisions par voie d’ordonnance étaient prévisibles, ainsi que les regrets exprimés par une partie de la gauche d’un refus de toute coercition en matière de régulation de l'installation des médecins sur le territoire, les doutes plus inattendus manifestés par certains parlementaires proches de la majorité semblent révéler si non une impréparation tout au moins un manque d’ambition. Ainsi, sous couvert d’anonymat, un responsable de La République en marche (LREM) reconnaît que le texte n’est « pas révolutionnaire ». De son côté, Francis Vercamer, vice-président de l’Assemblée nationale, soutenu par une grande partie des députés du groupe UDI, Agir et Indépendants, déplore dans une tribune publiée par le Huffington Post que le texte ne réponde pas aux multiples inégalités territoriales de santé. « On ne distingue pas de mobilisation massive du système de santé en faveur de la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Une telle mobilisation passerait notamment par la mise en œuvre d’une ambitieuse politique d’éducation à la santé dès le plus jeune âge, de prévention renouvelée des risques professionnels, de lutte contre les addictions. Par ailleurs, le projet de loi ne dit rien de la capacité de notre système à appréhender la diversité des situations sanitaires dans les territoires, pour rattraper les situations les plus alarmantes », écrit l’élu.

Des dispositions figées mais qui doivent faire consensus ?

Cette déception fait écho à l’inquiétude de l’ensemble des syndicats de médecins, en ville, comme à l’hôpital. Si leur désapprobation porte sur des points différents, la dénonciation d’un apparent court-circuitage de la concertation, même si le ministre de la Santé s’en défend, les réunit. Si la colère est forte et que certains, dont MG France, indiquent vouloir réfléchir aux « actions à mener pour la défense de notre profession », les syndicats semblent pour l’heure vouloir s’en remettre à la sagesse du Sénat et aux longs mois qui seront encore nécessaires avant l’adoption du texte définitif, prévue en juillet. Une période qui permettra peut-être de faire avancer les discussions syndicales. A cet égard, Agnès Buzyn se montre ambivalente, estimant en effet d’une part dans un entretien accordé à l’AFP que « tout ce qui a été adopté à l’Assemblée ne bougera pas » en particulier les dispositions concernant la délivrance par les pharmaciens de médicaments à prescription médicale obligatoire mais remarquant parallèlement que « le travail va continuer avec les médecins jusqu’au passage de la loi au Sénat, ce qui nous permettra de trouver un consensus ». Ce consensus devra être établi non seulement sur la délivrance sans ordonnance de certains médicaments par les officinaux, sur les missions des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), sur les critères de financement d’assistants médicaux mais aussi sur le statut de praticien hospitalier.

Praticiens hospitaliers : le gouvernement franchira-t-il la ligne rouge ?

Sur ce point, les syndicats de médecins hospitaliers ont marqué leur désapprobation face à la méthode utilisée par le gouvernement. L’article 6 du projet de loi « réforme les conditions de recours à l’emploi médical contractuel dans le cadre d’un nouveau contrat, se substituant à plusieurs formes existantes qui seront supprimées, afin de permettre aux établissements de disposer de modalités plus adaptées à leurs besoins de recrutement ». Ainsi, se profile la fin du concours de PH et de la nomination nationale, tandis que par voie d’ordonnance le gouvernement devrait instaurer un statut unique de praticien hospitalier. Cette évolution annoncée alors que la concertation sur ce sujet n’a pas encore débuté est largement redoutée par les syndicats. Ainsi, Action Praticiens Hôpital et Jeunes Médecins insistent dans un communiqué du 25 mars : « Le maintien d’une nomination nationale sur les postes de praticien hospitalier est une exigence absolue afin de garantir la qualité du recrutement et l’indépendance professionnelle, ainsi que la gestion des carrières au Centre National de Gestion. Action Praticiens Hôpital et Jeunes Médecins n’hésiteront pas à mobiliser tous leurs mandants si cette ligne rouge devait être franchie » préviennent les syndicats.

De son côté, Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) a lui aussi critiqué la méthode du gouvernement sur Europe 1. En outre, sur le fond, il juge que la réforme proposée risque de participer à une déstabilisation des médecins et à une privatisation de l’hôpital.

Affichage

Ainsi, on le voit, derrière l’affichage d’une concertation constante avec les acteurs concernés, comme le répète Agnès Buzyn qui juge que c’est la clé de la réussite de la loi de santé, on constate un manque de dialogue qui pourrait faire le lit de fortes contestations.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article