
Paris, le mercredi 26 juin 2019 – Plusieurs actions
judiciaires devant les tribunaux administratifs ont été engagées
ces derniers mois par des particuliers soutenus par des
associations de défense de l’écologie afin que soient reconnues les
carences de l’Etat en matière de lutte contre la pollution
atmosphérique. Hier, une première décision a été rendue (alors que
d’autres sont attendues dans les jours qui viennent) par le
tribunal administratif de Montreuil.
160 000 euros
Le tribunal avait été saisi par une femme agissant en son nom
et au nom de sa fille mineure ayant habité pendant plusieurs années
à Saint Ouen à proximité du périphérique. La plaignante demandait
au tribunal de « condamner à l’État à leur verser, en réparation
des préjudices qu’elles ont subis du fait de la pollution
atmosphérique, une somme totale de 160 000 euros ». La mère et
son enfant souffrent en effet de "bronchites chroniques" et
d’asthme qu’elles attribuent en partie à la pollution, d’autant
plus que leur état se serait amélioré depuis leur déménagement à
Orléans. La plainte se concentrait notamment sur la gestion de
l’épisode de pollution de décembre 2016, dont différents
spécialistes avaient considéré qu’il a pu favoriser l’aggravation
de certaines pathologies respiratoires. Elle visait d’une manière
plus générale l’insuffisance des mesures contre la pollution
déployées en Ile de France entre 2012 et 2016.
Ça va mieux, mais ça aurait pu être encore mieux !
Constatant que les « seuils de concentration de certains
gaz polluants ont été dépassés de manière récurrente entre 2012 et
2016 dans la région Ile de France », le tribunal en déduit que
le « plan de protection de l’atmosphère pour l’Ile de France (…)
ainsi que ses conditions de mise en œuvre, sont insuffisants au
regard des obligations fixées par la directive 2008/50/CE du
Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 telles que
transposées dans le code de l’environnement ». Ainsi,
existe-t-il une « carence fautive » de l’état. On pourrait
estimer que le tribunal paraît ici consacrer une "obligation de
résultat". Cependant, plusieurs éléments de sa décision signalent
qu’il distingue les efforts engagés (qui doivent être ici au cœur
de l’attention) des effets obtenus. Il précise par exemple : «
Si les mesures successivement adoptées n’ont pas encore permis
d’empêcher tout dépassement des seuils précités, il résulte des
relevés de l’association AIRPARIF que les efforts fournis ont
toutefois permis une amélioration constante de la qualité de l’air
en Ile-de-France depuis une dizaine d’années ». Cependant, une
telle décision paraissait inévitable alors que la France a été
régulièrement épinglée par la Commission européenne pour ses
manquements.
Des moyens suffisants
Parallèlement, le tribunal administratif a refusé de
reconnaître une mauvaise gestion de l’épisode de pollution de
décembre 2016. A ce sujet, toute tentation de reconnaître une
quelconque obligation de résultat semble repoussée. En effet, le
tribunal observe : « Mme T. qui se borne à alléguer que la
persistance de l’épisode de pollution démontre un contrôle
insuffisant des prescriptions fixées par le préfet, n’établit pas
que les moyens consacrés à cette opération auraient été
insuffisants », alors que de nombreux éléments confirment
l’existence de ces moyens (arrêtés interdisant l’utilisation du
bois de chauffage individuel ou encore multiplication par deux du
nombre d’agents affectés au contrôle des véhicules ayant le droit
de circuler). De la même manière, le tribunal a refusé d’accorder
une réparation aux deux femmes. Les magistrats relèvent en effet
que la famille n’a pas « apporté suffisamment d’éléments
permettent d’établir l’incidence alléguée du dépassement des seuils
de concentration sur leur état de santé ».
Historique ?
Aurélie Haroche