Les urgences : malades de la violence ?

Paris, le lundi 26 août 2019 – Même s’il veut croire que la mobilisation recule dans certains secteurs, le ministre de la Santé reconnaît à l’instar du collectif Inter-Urgences que deux tiers des services d’urgences sont aujourd’hui toujours en grève. Or, si l’on peut partager avec les organisations syndicales le constat de l’insuffisance des avancées consenties par le gouvernement, ce maintien du mouvement témoigne également, comme certains l’ont souligné, que les problèmes de financements sont loin d’être seuls en cause dans le malaise des urgences. C’est par exemple le constat établi par le docteur Mathias Wargon, chef du service des urgences de l’hôpital Delafontaine (Saint-Denis), interrogé par Le Figaro (notons, même si ceci n'a pas de rapport direct avec ses propos, que le Dr Wargon est le mari de la secrétaire d'état à l'écologie)  Il estime que les urgences souffrent « plus d’un problème de recrutement que d’un problème de financement. Nous sommes quatorze médecins alors que nous devrions être une vingtaine. Je dispose des crédits pour recruter, mais je ne trouve pas de candidat… » (notons, même si ceci n'a pas de rapport direct avec ses propos, que le Dr Wargon est le mari de la secrétaire d'état à l'écologie, Emmanuelle Wargon). 

Droit d’alerte

Parmi les raisons qui expliquent le manque d’attractivité de l’exercice aux urgences, tant pour les médecins que pour les autres professionnels, la violence est souvent en première ligne. Même si elle n’est pas une fatalité puisque certains établissements parviennent à la canaliser (y compris dans des localités réputées difficiles comme à Saint Denis), et même si a contrario certaines situations apparaissent difficilement évitables, la violence demeure une préoccupation récurrente des personnels d’urgence. L’exemple le 22 août de l’incident survenu aux urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Hautepierre à Strasbourg l’illustre sans conteste. A 11 heures du matin, un jeune homme amené par les pompiers a brutalement agressé une grande partie de l’équipe présente : morsures, pouce luxé, cervicalgies, choc thoracique, les traumatismes ont été nombreux. Consciente de l’émoi suscité par une telle violence, la direction a cependant fait observer qu’il s’agissait d’un « cas atypique ». Néanmoins, alors qu’après des événements similaires, le service des urgences avait observé au printemps une grève de quelques jours, ce nouvel acte de violence a conduit le syndicat FO à appeler à la mobilisation à partir du 6 septembre (et a déposé un « droit d’alerte »). Le point de départ de la mobilisation de différents services a d’ailleurs été l’impuissance des personnels face aux agressions.

Des demandes non satisfaites

Beaucoup aux urgences souhaitent notamment un investissement plus important de la police. C’est le cas par exemple à Nice où l’agresseur d’une aide-soignante au début du mois d’août comparait aujourd’hui devant le tribunal de grande instance. Ce procès est l’occasion pour FO d’organiser une manifestation aux abords du palais de justice afin de réclamer une nouvelle fois la présence d’un policier 24h/24 dans la salle d’attente des urgences de Pasteur. Si le directeur du CHU considère qu’une telle solution pourrait n’avoir qu’une efficacité limitée, l’établissement et la mairie ont proposé des patrouilles plus régulières de la police municipale et la nomination d’un référent spécial pour recueillir les plaintes des personnels du CHU, ce qui est considéré comme insuffisant par les syndicats. A Strasbourg également, semble exister une incompréhension entre les personnels et les responsables administratifs. Les premiers réclament en effet la présence d’un vigile 24h24 et pas uniquement la nuit comme c’est le cas actuellement. Pour l’heure, la direction semble s’orienter vers une prolongation de la présence de l’agence de sécurité jusqu’au petit matin.

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Si ces discussions confirment en partie le diagnostic du ministère de la Santé (l’existence de spécificités locales), elles confirment également que l’amélioration des conditions de travail des urgentistes ne pourra pas uniquement passer par des financements supplémentaires mais devra également s’atteler à la prise en charge de violences, qui au-delà des phénomènes « atypiques », sont vécues par les personnels comme un nouveau signe de leur abandon par les pouvoirs publics.

Aurélie Haroche

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