Exposition à différents polluants chimiques : un état des lieux inédit en France

Paris, le mercredi 4 septembre 2019 – La présence dans l’environnement et plus particulièrement dans les produits utilisés quotidiennement de différents polluants chimiques est l’objet d’une préoccupation croissante ces dernières années des scientifiques, des professionnels de santé, des décideurs et de la population générale. Cette inquiétude repose notamment sur des données obtenues chez l’animal suggérant le profil toxique, perturbateur pour la reproduction et cancérigène de plusieurs de ces substances. Cependant, de grandes incertitudes demeurent quant à la réelle dangerosité de ces polluants aux niveaux d’expositions habituels. D’ailleurs, ces niveaux d’exposition eux-mêmes sont longtemps demeurés méconnus, à l’exception d’études ponctuelles ne permettant pas toujours une appréciation globale.

L’étude la plus complète menée à ce jour en France

L’étude Esteban (Etude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition) permet de corriger cette lacune majeure. Grâce à des prélèvements d’urines, de sérum et de cheveux ayant concerné 1104 enfants et 2503 adultes et l’étude de 70 biomarqueurs, Santé publique France (SPF) dispose de données solides sur l’exposition des Français aux bisphénols (A, F et S), phtalates, parabènes, éthers de glycol, retardateurs de flammes et aux composés perfluorés. Ces substances ont été choisies parce qu’elles sont fréquemment retrouvées dans l’alimentation et les produits utilisés quotidiennement et qu’elles sont l’objet de préoccupations, en raison notamment de certains résultats obtenus chez l’animal. Parallèlement, aux prélèvements, SPF a soumis les participants à différents questionnaires sur leurs habitudes de vie, afin de tenter d’identifier des sources possibles d’exposition (même s’il s’agit d’une tâche très complexe).

Une exposition, mais quel risque ?

Les résultats globaux révèlent d’une part une exposition à quasiment toutes ces substances d’une très grande partie de la population. Cependant, l’appréciation des teneurs retrouvées demeure difficile. En effet si elles sont souvent (mais pas toujours) inférieures aux "seuils sanitaires", ces derniers n’existent pas toujours. Aussi, Clémence Fillol, responsable de la surveillance biologique à SPF insiste sur le fait qu’en aucun cas « on ne peut prédire si les valeurs retrouvées représentent un risque sanitaire pour la population ».

Exposition généralisée

D’autres éléments généraux se dégagent : à quelques exceptions près, « les niveaux d’imprégnation mesurés sont comparables à ceux d’autres études menées à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et au Canada ». Par ailleurs, des teneurs plus élevées sont fréquemment retrouvées chez les enfants. Différentes hypothèses sont avancées pour expliquer ces différences avec l’adulte : des contacts cutanés « et de type main bouche plus fréquents » et un « poids corporel plus faible par rapport à leurs apports alimentaires » notamment. On relève également que pour plusieurs substances, les réglementations limitatives ne semblent avoir qu’un faible impact sur les expositions (même s’il existe peu de données comparatives dans le temps pour mesurer les conséquences des restrictions).

L’aération, un moyen de diminution a priori efficace

Pour chacune des substances étudiées, des enseignements spécifiques peuvent être retenus. Ainsi concernant les bisphénols, les auteurs notent que « la recherche des déterminants de l’imprégnation montrait une augmentation des concentrations de BPS et de BPF chez les enfants avec l’achat de poissons pré-emballés et le fait d’aérer moins régulièrement son logement ». Cependant, les associations restent difficiles à certifier compte tenu de leurs multiplicités et les auteurs insistent plus que pour toute autre substance sur la nécessité d’un suivi temporel.

Base de réflexion solide et indispensable

A propos des éthers de glycol, les résultats mettent en évidence pour deux métabolites (sur les huit recherchés), des dépassements possibles des valeurs seuils établies à l’étranger pour les adultes, ce qui plaide en faveur d’une réduction des expositions. Pour les parabènes, les résultats sont souvent plus faibles que ceux retrouvés dans les autres pays européens et aux Etats-Unis mais des différences méthodologiques pourraient être en cause. Les experts notent encore que les données manquent sur les effets des expositions aux parabènes à de faibles niveaux. On notera encore la persistance de l’exposition aux composés perfluorés en dépit des restrictions d’utilisation les concernant, une observation possible également en ce qui concerne les phtalates. Enfin, vis-à-vis des retardateurs de flamme bromés, la majorité était « peu ou pas quantifiée ». Ici, le temps passé en voiture et le fait de peu aérer son logement sont des facteurs concourant à un niveau plus élevé d’exposition. Autant de données qui constituent une base de réflexion indispensable alors que le gouvernement a présenté hier les axes principaux d’une nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui se concentre sur l’évaluation des substances confiée à l’ANSES et l’information des populations.

Aurelie Haroche

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