
Circonspection vis-à-vis de l’Inter-AMC
Cependant, les obstacles techniques et les réticences demeurent nombreux. Ils concernent notamment les liens avec les complémentaires. Les professionnels de santé redoutent ainsi la complexité de ces relations en raison de la multiplicité des organismes, les délais de traitement des paiements mais aussi une perte de leur indépendance (écueils auxquels s’ajoute le fait que désormais les conditions de résiliation de mutuelles sont plus souples). Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que la plateforme développée par les complémentaires, l’Inter-AMC, destinée à regrouper en un seul pôle les demandes et la gestion n’ait pas fait l’unanimité auprès des professionnels. Sept syndicats représentant des médecins (Confédération des syndicats médicaux français, CSMF et Syndicat des médecins libéraux, SML), des infirmiers (Fédération nationale des infirmiers, FNI), des pharmaciens (Fédération des syndicats de pharmaciens de France, FSPF) des biologistes (Syndicat des biologistes, SDB), des kinésithérapeutes (Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs, FFMKR) et des audioprothésistes (Union nationale des syndicats d’audioprothésistes de France) ont ainsi évoqué hier leurs réserves vis-à-vis de cet organisme. « Chaque praticien doit signer un document de quatorze pages » a par exemple déploré le patron de la CSMF, Jean-Paul Ortiz. Outre la complexité administrative et technique d’un tel contrat, ce dernier est une entrave à l’indépendance des médecins ajoute le président de la CSMF. Les syndicats évoquent également un dispositif pas parfaitement lisible et dont le nombre d’impayés serait élevé. « Ce n’est pas possible d’avoir 5 % de non paiements » remarque ainsi Luis Godinho (UNSAF). Les professionnels de santé pourraient également redouter qu’une plateforme constituée par les complémentaires adopte un parti-pris systématiquement en faveur de ces dernières. Certains vont même jusqu’à craindre que l’adhésion individuelle des praticiens à cette plateforme ne ravive la velléité des complémentaires quant à la constitution de réseaux de soins. Ainsi, aujourd’hui, selon les syndicats, seuls 6,5 % des généralistes et 2 % des spécialistes (hors radiologues) auraient adhéré à l’Inter-AMC.Un acteur indépendant
Des solutions alternatives pourraient cependant exister. Les pharmaciens et les biologistes qui sont soumis au tiers payant intégral depuis de nombreuses années sont ainsi très nombreux à avoir fait le choix d’un organisme concentrateur technique (OCT) différent de celui préconisé par les mutuelles. Un acteur s’est ainsi imposé : Resopharma. C’est en s’inspirant de ce dispositif que les sept syndicats ont soutenu le développement de Paymed. Cet OTC, qui a les faveurs de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) a été dévoilé au printemps dernier et se présentait déjà comme une « alternative au tiers payant ». Aujourd’hui, les sept syndicats actionnaires (avec le Credit Agricole et Resopharma) souhaitent qu’il s’impose comme l’acteur de référence. Ils plaident ainsi pour l’ouverture de négociations avec l’Union des complémentaires santé (UNOCAM) afin d’aboutir à un conventionnement collectif, selon le souhait exprimé par le patron de la FNI Daniel Guillerm. Les syndicats défendent en effet la simplicité de leur dispositif. « C’est un système (…) sécurisé et indépendant » assure par exemple le président du SML le docteur Philippe Vermesch.Des négociations incertaines
Concrètement, Paymed garantit un paiement des professionnels de santé en moins d’une semaine. Pour bénéficier de ses services et alors que le dispositif « a pour vocation de délivrer les systèmes coconstruits avec les représentants des syndicats (…), de veiller à la bonne adaptation de son offre (…) et de participer à la défense des intérêts des professionnels », les praticiens devront s’acquitter d’un abonnement mensuel de 35 à 60 euros (en fonction du volume d’actes à traiter). Les syndicats espèrent par ailleurs que la négociation avec les complémentaires permettra d’influencer les éditeurs de logiciels afin qu’ils « intègrent Paymed sur les logiciels métiers » précise cité par le Quotidien du médecin le trésorier de la FSPF. Si les organisations qui participent à Paymed se montrent très confiantes et signalent que la sécurité de leur dispositif est assurée par le soutien du Crédit Agricole et l’expertise de Resopharma et alors que d’autres syndicats pourraient choisir d’accompagner à leur tour cette initiative, des inconnues demeurent néanmoins. L’UNOCAM acceptera-t-elle en effet de renoncer aux privilèges de sa propre plateforme et tous les praticiens se montreront-ils séduits par un système dont la construction diffère de celle des structures classiques ? A suivre.Aurélie Haroche