Crise de l’hôpital public : les internes entrent dans la bataille
Paris, le mardi 19 novembre 2019 - Les signes d’exaspération se
sont multipliés ces dernières semaines, et après leur participation
à la journée du 14 novembre pour « Sauver l’hôpital public
», les internes de médecine annoncent leur volonté de se mettre à
leur tour en grève.
En conclusion de sa dernière assemblée générale, l’ISNI
(Intersyndicale nationale des internes) s’est ainsi résolue à
inviter les futurs praticiens à une grève illimitée à partir du 10
décembre 2019.
Comme leurs ainés, les internes déplorent « la dégradation
de la qualité des soins en France » et dénoncent le « tournant
historique » consistant à imputer les mesures d’urgences sociales
(MUES) décidées pour répondre à la crise des "Gilets jaunes" sur le
déficit de la Sécurité sociale. Aussi, ils s’associent aux «
revendications légitimes des autres professionnels de la
santé » et réclament notamment un « Objectif national de
dépenses d’Assurance maladie (ONDAM) minimum à 4,4% » et «
une reprise de la dette des hôpitaux (30 milliards d’euros,
ndrl) par l’État et non par la Sécurité sociale ».
Reprise de la dette : c’est pour demain ?
Sur ce dernier point, à quelques heures des nouvelles annonces
gouvernementales concernant l’hôpital, les lignes semblent
bouger.
Ainsi, si il y a quelques jours encore, l’idée était exclue
par Bercy, le ministre l’Économie, Bruno Le Maire, s’est déclaré
dimanche « ouvert à toutes les solutions, du moment qu’elles sont
rapides, efficaces et qu’elles concernent les personnels
hospitaliers en priorité ».
Alors que l’État emprunte aujourd’hui à des taux d’intérêt
négatifs, cette reprise de dette aurait pour avantage d’éviter des
emprunts plus chers auprès des banques, comme l’indique le député
Olivier Véran (LREM).
Outre ces questions comptables, les internes, cheville
ouvrière de l’hôpital, évoquent un sentiment d’écrasement : « On
subit de plein fouet la crise qui secoue l'hôpital public [et] les
besoins des services prennent l'ascendant sur notre formation »
analysait ainsi Antoine Reydellet, président de l'ISNI, il y a
quinze jours dans Le Point.
Des revendications propres
Aussi, les internes portent-ils également des revendications
spécifiques, dont certaines de longue date. Ils appellent à un
décompte horaire de leur temps de travail et un paiement des heures
supplémentaires, alors que selon une enquête de l’ISNAR-IMG, près
de deux tiers dépassent le seuil légal de 48 heures. Ils réclament
aussi : « Une politique d’aide au logement indexée sur les prix
de l’immobilier, une revalorisation des indemnités de gardes et le
maintien des règles concernant l’obtention des licences de
remplacement ».
Big matching is co-opting you
Les internes sont également vent debout contre la procédure de
"big matching" qui sera mise en place à partir de novembre
2020 pour les internes en phase de consolidation.
Cette nouvelle méthode prévoit que les internes fassent des
vœux de stages à choisir parmi une liste de terrains à l’échelle
régionale et que concomitamment, les responsables de stage
établissent un classement des internes qui les intéressent. Un
algorithme se chargera ensuite de faire correspondre les
aspirations des uns et des autres.
Pour ceux qui n’auraient pas, à l’issue de cette procédure,
d’affectation de stage, ils s’en verront désigner un par les
directeurs des ARS (Agences régionales de santé) après un entretien
en présence d’un coordonnateur et d’un représentant des étudiants à
la commission locale de subdivision.
Cette nouvelle architecture scandalise les internes qui
pointent, sur les réseaux sociaux une « porte ouverte au
piston ». D’autres redoutent par ailleurs qu’à cause de la
procédure à l’échelle régionale, ils soient envoyés dans des zones
éloignées de leur domicile ou leurs lieux d’études.
Rendez-vous donc le 10 décembre, sauf si le gouvernement prend,
demain, la mesure de la grogne des jeunes médecins.
La nouvelle proposition de choix des stages tout au piston est tout simplement inadmissible.
Dr Claire Restoueix
C'est tout le système qui est à revoir
Le 25 novembre 2019
Les patchs appliqués à l'hôpital seront de toute façon insuffisants; c'est tout le système qui est à revoir et il faudra se poser la question : jusqu'où peut-on pousser les exigences de "qualité" (avec la définition anglaise) dont le coût s'avère exponentiel en projetant, sur le plan économique, un budget type NHS anglais qui "satisfait" nos voisins anglais beaucoup moins exigeants ? De manière à arrêter d'étrangler les acteurs de santé comme on l'a fait depuis des décennies. Les exigences nouvelles à budget constant n'ont pas arrêté de pleuvoir.
Nos internes (au nombre sans commune mesure avec les anciens) qui, anciennement, étaient les médecins de premier recours qui "ne voyaient pas le jour" sont devenus des étudiants (après quelques années d'études) semi-adolesents qu'on doit encadrer pratiquement jusqu'à la quarantaine. On a hyperspécialisé la pratique (chirurgie du doigt de pied gauche attention pas du droit, cardiologue pour le coeur gauche car à droite c'est de la pneumologie ;...) , donc on a besoin de 4 personnes pour faire le même travail qu'une seule auparavant (il faut bien remplir les papiers de traçabilité ! Le nombre de mesures de la sorte sont légion et l'imagination de l'administration française est sans limite mais pas sa bourse. Le système craque et il est étonnant qu'il ne l'ait pas fait avant. La réponse ne peut pas être quelques millions ponctuels à l'hôpital ni une inflation du personnel. On n'a jamais été aussi nombreux à l'hôpital et il n'a jamais aussi mal marché. Commençons par nous poser les bonnes questions.