Le coronavirus du Covid-19, désormais dénommé SARS-CoV-2 est
l’objet d’une surveillance génétique étroite. La crainte de
mutations affectant la souche d’origine, celle qui s’est manifestée
en décembre 2019 à Wuhan (Chine), est grande même si ce virus à ARN
est doté d’un matériel génétique permettant de réparer les brins
d’ARN susceptibles d’être altérés lors de la transmission d’une
espèce à l’autre … et d’un humain à l’autre. Cet argument n’est
cependant pas suffisant pour garantir la stabilité du génome viral
qui est in fine moindre que celle des virus à ADN. Ainsi,
une étude chinoise publiée dans la revue National Science
Review qui fait autorité en Chine, évoque la possibilité sinon
d’une mutation, du moins d’une évolution du génome viral sous
l’effet de la pression sélective imposée par les modifications de
l’environnement du coronavirus qui a été confronté à quelques
obstacles depuis son émergence.
La chauve-souris, le pangolin et l’homme
Une chose est sûre, c’est que chez les patients infectés, les
séquences du génome viral sont quasiment identiques (à 99,9 % près)
ce qui plaide en faveur d’une origine commune : le SARS-CoV2 serait
ainsi passé d’une espèce à l’autre, en l’occurrence d’un réservoir
(sans doute la chauve-souris) à l’homme, en passant probablement
par des hôtes intermédiaires, le pangolin étant parmi les
principaux suspects. Les similitudes génétiques entre le SARS-CoV-2
et un bêtacoronavirus hébergé par la chauve-souris dit RaTG13, avec
un taux de concordance de 96,2 % sont en effet en faveur de cette
hypothèse. Par ailleurs, les gènes qui codent pour les protéines en
spicules qui permettent au SARS-CoV et au SARS-CoV2 de s’arrimer
aux récepteurs cellulaires du type ACE2 (angiotensin converting
enzyme II) seraient très voisins de ceux identifiés chez les
virus infectant certains pangolins. Enfin, le génome du SARS-CoV-2
est éloigné de celui du SARS-CoV (concordance : environ 79 %) et de
celui du MERS-CoV (environ 50 %).
Mutation(s) ou évolution
L’étude publiée dans National Science Review s’est
penchée sur les divergences moléculaires entre le SARS-CoV-2 et
d’autres coronavirus. Elle a aussi abordé l’évolution du génome
viral au sein d’une population humaine infectée en procédant au
séquençage de 103 de ces virus. La variabilité entre les
nucléotides du génome de SARS-CoV-2 et du virus RaTG13 de la
chauve-souris a été globalement estimée à 4 %. Si l’on s’intéresse
aux seuls sites neutres, la valeur correspondante atteint alors 17
%, ce qui est bien supérieur à des estimations antérieures. En
d’autres termes, la divergence entre les deux virus aurait été
quelque peu sous-estimée.
Les résultats de cette étude plaident par ailleurs en faveur de
modifications récentes des sites fonctionnels des récepteurs de
liaison des spicules propres au SARS-CoV-2 et aux SARSr-CoVs
du pangolin, ce qui fait évoquer deux hypothèses : ou bien des
mutations, ou bien une évolution du génome par sélection naturelle
au-delà des recombinaisons, voire une association des deux
phénomènes. L’analyse des 103 génomes viraux collectés à Wuhan
semble indiquer que deux souches principales sont actuellement à
l’œuvre dans l’épidémie chinoise et peut-être dans la pandémie
mondiale qui prend forme. Il s’agirait des souches désignées par
les lettres L et S, définies par deux SNP (single nucleotide
polymorphism) qui les distinguent l’une de l’autre.
L ou S ?
La prévalence du type L (∼70 %) était bien supérieure à
celle du type S (∼30 %) au tout début de l’infection, alors que
paradoxalement ce dernier type correspondrait à la version
ancestrale du virus. Plus agressif et plus contagieux que le type
S, le type L pourrait expliquer la gravité et la contagiosité des
premiers cas, encore que d’autres hypothèses soient possibles. Si
le type L reste prédominant (mais quelle est sa prévalence actuelle
?), force est de reconnaitre qu’il est devenu moins présent
dès le début de janvier 2020 d’après les données de l’étude. Les
interventions de confinement et de quarantaine pourraient avoir mis
la pression sur le type L qui serait plus agressif et plus
contagieux que le type S. Pour ce type S qui serait (ou aurait
été) le moins méchant, la pression subie aurait été moindre
au point de favoriser son retour en plus grand nombre sur la scène
épidémique. Mais il n’en serait pas moins dangereux dans la mesure
où il avancerait plus souvent … masqué que le type L.
Une situation confuse quoi qu’il en soit
Ces hypothèses propres à l’épidémie chinoise et notamment à
ses débuts ne permettent pas d’affirmer l’existence de mutations
génomiques, loin s’en faut.
Une évolution sous pression serait plus plausible (encore que, sur
ce point, les avis des experts divergent), mais il est clair
que, pour en savoir plus, il faudra combiner sur une grande échelle
et dans bien d’autres populations toute une série d’informations à
la fois génétiques, épidémiologiques et cliniques avec plus de
recul qu’actuellement… ce qui peut sembler paradoxal à l’heure où
la pandémie s’étend au point de rappeler le spectre de la grippe
espagnole qui est la mère des épidémies modernes à bien des égards.
En l’espace d’un siècle, la science et la médecine ont progressé de
manière spectaculaire mais la menace que représente le Covid-19
n’en reste pas moins majeure au point de faire trembler la planète
entière avec ou sans mutations du SARS-CoV2. Les divergences dans
l’expression épidémiologique d’un pays à l’autre (Iran, Italie,
Chine, France) pouvant tenir à des facteurs multiples et intriqués
(définition des cas, recours plus ou moins précoce aux tests
diagnostiques, mesures préventives etc…)
Pourquoi le coronavirus 2019-SARSCoV2 a-t-il causé une telle pandémie, somme toute assez bénigne heureusement ? Il s'est écoulé un délai d'un ou deux jours entre l'annonce de la mise en quarantaine de Wuhan et sa mise en place effective. Cela a permis à des dizaines de milliers de Wuhanais de s'enfuir vers d'autres provinces. Il y a eu aussi le départ précipité d'expatriés ou de vacanciers, organisé souvent par leurs gouvernements, malgré l'opposition de la Chine. Ils ont pu emmener le virus en restant asymptomatiques avant et après le trajet, d'autant plus qu'il y avait des enfants avec eux. Une remarque au passage. On devrait dire "La" COVID-19, car c'est la maladie, et pas le virus.
JP Moreau, biologiste en retraite
Excellent article
Le 09 mars 2020
Je salue l’objectivité et la précision de cet article.
Dr Frédéric Langinier
Mutation possible et agressivité
Le 09 mars 2020
Le contenu de votre article est déjà passé sur France Info, qui est une des radios d’information continue qui a largement contribué à la psychose que nous connaissons actuellement,avec pour conséquence la ruée sur les masques et les solutions SHA...est ce bien nécessaire d’en rajouter une couche ? Assis tranquillement derrière votre ordinateur,vous ne serez a priori pas en première ligne pour vous prendre le mutant dans la figure...merci de ne publier que les articles suffisamment étayés...