Hydroxychloroquine : le gouvernement tente de faire baisser la fièvre médiatique
Paris, le mardi 24 mars 2020 – Des personnes majoritairement jeunes
et qui pour certaines ne présentent pas de symptômes évocateurs
d’une infection par SARS-CoV-2. Elles attendent, pendant des
heures, à un mètre de distance les unes des autres pour bénéficier
du dépistage gratuit que l’Institut hospitalier universitaire (IHU)
Méditerranée assure mettre en œuvre. Leur espoir : connaître leur
statut virologique et bénéficier en cas d’infection d’une
prescription d’hydroxychloroquine également promise par
l’institution.
Réservé aux formes graves
Dans quelques heures, cette situation filmée hier par
plusieurs chaînes de télévision et rendue possible par l'appel du
président de l'IHU, le professeur Didier Raoult, ne devrait plus
être possible. Le ministre de la Santé, Olivier Véran doit en effet
prendre aujourd’hui un arrêté visant à encadrer strictement la
prescription hors AMM du Plaquénil (hydroxychloroquine). Cette
dernière ne pourra se faire que dans un cadre hospitalier, avec
pour indication la prise en charge des patients présentant une
forme grave de Covid-19, et après décision collégiale des médecins.
Ainsi, avant que soient présentés de façon rigoureuse des résultats
complémentaires aux premières données très parcellaires disponibles
depuis quelques jours, le traitement peut être utilisé à titre «
compassionnel ».
Des résultats parcellaires mais qui autorisent les
protocoles compassionnels
Parallèlement, on le sait, l’étude Discovery lancé ce dimanche
en Europe et qui doit inclure 3 000 patients inclut une branche
destinée à évaluer l’hydroxychlroquine. Pour l’heure, les éléments
en faveur de ce traitement ne sont pas nuls, mais insuffisamment
robustes. L’étude publiée par le professeur Raoult (IHU
Méditerranée) s’écarte en effet, on le sait, des critères
essentiels pour la conduite de tels travaux (très faible
échantillon, absence de randomisation…) et différents résultats
demeurent difficilement interprétables (concernant notamment
l’évolution de la charge virale). Cependant, conjugués à d’autres
observations préliminaires, dans un contexte d’urgence sanitaire,
et alors que le médicament est bien connu, ces résultats semblent
pouvoir autoriser la mise en œuvre de prescriptions dans des
conditions strictes et pour des cas graves.
Scandale politique ?
Par cette double action (arrêté et autorisation d’inclusion
dans un essai international), les pouvoirs publics espèrent apaiser
la fièvre médiatique autour de ce traitement. Hier, l’affaire
tendait en effet à prendre un tour politique, certains semblant
supputer un « scandale ». Ainsi, Christian Estrosi, maire de
Nice, a indiqué être traité par hydroxychloroquine et a regretté
publiquement que ne soit pas autorisée plus largement la délivrance
de ce traitement.
Des médecins convaincus de faire leur devoir
Au sein de la communauté médicale, une division s’est
également instaurée entre les fervents partisans des conclusions du
professeur Raoult, invitant à l’audace en ces circonstances
particulières et en s’appuyant sur le bon recul dont on dispose sur
ce traitement (dans d’autres indications) et ceux exhortant à la
prudence compte tenu d’une part de l’insuffisance des résultats
disponibles et d’autre part des risques d’effets secondaires. Parmi
les premiers, certains n’ont pas hésité à délivrer des ordonnances
pour des patients pris en charge en ville (ne présentant donc pas
de forme grave), suscitant parfois des tensions d’approvisionnement
dans les officines, potentiellement dommageables pour les patients
atteints de lupus traités par Plaquenil. « Si on peut éviter de
se retrouver avec des cas graves, les médecins font leur devoir. On
ne va pas attendre des études et qu'il y ait 2 000 morts », se
justifie ainsi dans les colonnes de La Provence un médecin
généraliste. A l’hôpital, on a constaté un revirement de certains
praticiens hospitaliers, d’abord réticents et qui ont finalement
mis en œuvre des protocoles « compassionnels » où
l’hydroxychloroquine est testée. C’est par exemple le cas du Dr
Beilbtreu, infectiologue à la Pitié Salpêtrière. D’autres se
montrent encore moins réservés, notamment à Marseille, et
choisissent une administration quasiment systématique (sauf
contre-indication).
Des médecins également convaincus de faire leur
devoir
A contrario, une proportion importante de médecins français
juge que la situation épidémique actuelle ne doit pas conduire à
négliger les règles élémentaires d’évaluation des traitements,
d’autant plus quand les résultats disponibles se montrent si
fragiles et alors qu’en dépit de la situation critique à laquelle
font face de nombreux hôpitaux, dans la majorité des cas
l’infection reste bénigne. Ainsi, le Pr Karine Lacombe,
infectiologue et chef de service à l’hôpital Saint Antoine (Paris)
est très critique : « Je suis complètement écœurée par ce qu'il
se passe. Sur la base d'un essai absolument contestable sur le plan
scientifique et qui ne prouve rien, on expose les gens à un faux
espoir de guérison pour une maladie dont on sait qu'au bout de
quelques jours dans 95 % des cas, on en guérit spontanément »
a-t-elle dénoncé, jugeant encore : « Ce qui se passe à Marseille
est scandaleux, utiliser un médicament en dehors de son utilisation
de mise sur le marché, c'est en dehors de toute démarche éthique.
C'est extrêmement dangereux. Je suis peinée que des scientifiques
de renom comme mes collègues de Marseille, se soient en engagés
dans une action de ce type-là ». Cette prise de position est
soutenue par de nombreux praticiens, dont les membres du collectif
Fakemed. D’autres, invitant à la sagesse, notent que les premiers
résultats de l’étude Discovery seront très rapidement disponibles
(dans les quinze jours probablement même si les chercheurs ont
refusé de se prononcer sur une date exacte) et permettront donc
d’envisager rapidement un élargissement des prescriptions (au-delà
des formes les plus graves) en cas de conclusions
positives.
Des structures représentatives en attente d’une
réglementation
Cette diversité tranchée d’opinions au sein de la communauté
médicale se reflète de façon plus nuancée au sein des instances
représentatives. Ainsi après les mises en garde ce week-end des
centres de réseaux de pharmacovigilance, certaines organisations
représentatives des médecins libéraux ont appelé à la prudence. En
Provence-Alpes-Côte-d’Azur où les prescriptions hors AMM ont été
les plus nombreuses ces derniers jours, l’Union régionale des
professions de santé-Médecins libéraux de PACA a appelé ce matin
les praticiens à ne pas prescrire d’hydroxychloroquine. Du côté du
Conseil départemental de l’Ordre de Corse, on rappelle la liberté
des prescripteurs, mais on souhaite néanmoins que les autorités
mettent en place un cadre permettant d’éviter les comportements
anarchiques. « On ne veut pas que les praticiens le fassent dans
leur coin et que les gens viennent réclamer ça ou aillent à la
pharmacie en réclamer. Ça on ne le veut pas », précise le
patron de l’Ordre Corse sur France TV. De son côté, interrogé par
La Provence (avant l’annonce de la publication de l’arrêté
ministériel), le président du conseil de l’Ordre des pharmaciens de
PACA, Stéphane Pichon attend lui aussi une réglementation pour
faciliter la délivrance, dans le cas, précise-t-il néanmoins, où
les « tests de l’efficacité du traitement sont validés
».
Inquiétude en Afrique
S’il est probable que la stratégie de communication du patron de
l’IHU Marseillais, le professeur Didier Raoult, choisissant
délibérément un discours s’émancipant très largement des principes
éthiques établis dans un tel contexte ont contribué à cette
situation polémique, beaucoup espèrent que l’intervention des
pouvoirs publics permettra de limiter les comportements
potentiellement à risque. Soulignons enfin que la France n’est pas
la seule à faire face à une telle fièvre autour de
l’hydroxychloroquine. L’attention se concentre notamment sur
l’Afrique où les traitements antipaludéens contenant de la
chloroquine commencent à être détournés de leur usage et où le
trafic de faux médicaments pourrait surfer sur cette nouvelle
opportunité.
Je suis convaincu que le Pr Raoult est supérieurement intelligent et doué. Mais, est ce que c'est son institut ? Avec son argent ? Alors que régionalement, on ne peut obtenir des tests pour des patients qui en auraient besoin (sujet à risque grave mais non décompensé, enfant vivant en permanence en collectivité) comment ose t-il dépister des gens qui n'ont rien ? Si il a des réactifs et des tests plus que les autres, tant mieux et bravo...mais faites nos tests professeur, nos patients malades en ont besoin, pas les personnes saines(l'épidémiologie viendra après). Où est la déontologie ? L'équité ? L'entraide ? La confraternité ? Nous sommes vos confrères, et vous nous laisser tomber. Espérons que l'hydroxychloroquine sera le médicament miracle que vous nous avez promis.
Dr Marc Castaner
Ethique
Le 24 mars 2020
En somme,l'éthique, quand on voit une personne tomber sous un train, c'est d'attendre de savoir si on a le droit de tenter de la rattraper par un pied ?
Dr Yves Kaufmant
Pas à la charge de l'assurance maladie j'espère
Le 24 mars 2020
J'espère que toutes ces prescriptions hors AMM sont identifiées comme telles sur les ordonnances et sont donc à la charge totale des patients qui veulent les expérimenter à leurs propres risques. J'espère aussi que tous les tests dits "gratuits" faits aux personnes en bonne santé par l'IHU de Marseille ne sont pas à la charge de la collectivité et n'en privent pas ceux qui en ont besoin.