
Point vital pour éviter une série de faillites en cascade : celui du paiement des loyers commerciaux, alors qu’un un nombre considérable de commerces sont purement et simplement fermés.
Suspension, report ou annulation ?
Lundi 16 mars, à l’occasion de son allocation solennelle à la nation, le président de la République a annoncé, s’agissant des PME, que « les factures de gaz ou d’électricité ainsi que les loyers devront être suspendus ».Le terme de « suspension » pose question.
En effet, l’article 7-g du projet de loi d’urgence sanitaire n’autorisait pas le gouvernement à légiférer en faveur d’une annulation pure et simple des loyers, mais plutôt en faveur d’un report potentiel.
Pour être précis, le gouvernement était habilité à «
reporter ou étaler le paiement des loyers, des factures d’eau,
de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels (…) au
bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée
par la propagation de l’épidémie ».
Qui peut bénéficier de la mesure ?
Les dispositions de cette ordonnance visent à s’appliquer « aux personnes morales de droit privé » mais aussi aux « personnes physiques » exerçant une activité économique.Sont éligibles les entreprises et les professionnels indépendants et libéraux qui peuvent bénéficier du « fonds de solidarité » constitué pour répondre à la crise, à savoir :
• les personnes ou entreprises ayant un chiffre d’affaires de moins d’un million d’euros par an (sous réserve qu’il s’agisse d’un exercice à titre principal),
• les personnes ou entreprises étant en mesure de prouver l’existence d’une baisse de chiffre d’affaire d’au moins 70 % entre mars 2019 et mars 2020.
Les bénéficiaires des mesures peuvent solliciter :
• « la suspension, l'interruption et la réduction de la fourniture d'électricité, de gaz et d’eau » et « l'échelonnement dans le temps du paiement des factures correspondantes, sans pénalité ».
• s’agissant des loyers, ils peuvent solliciter le report du paiement des loyers, étant entendu que le propriétaire ne peut appliquer de pénalités financières, de dommages et intérêts ou faire appliquer une clause résolutoire en raison du non paiement des loyers ou charges locatives.
La disposition s’applique aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et « l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ».
En clair, les loyers continueront à être dus au propriétaire (il s’agit d’une suspension, mais pas d’une annulation).
En revanche, le propriétaire ne pourra solliciter en justice la résiliation du bail à raison du non-paiement des loyers dus durant la période de la crise sanitaire. Reste à savoir à partir de quand le propriétaire pourra exiger le montant des loyers.
La force majeure comme recours ?
Dans le même temps, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a fait une déclaration intéressante qui pourra intéresser la jurisprudence.En effet, celui-ci a indiqué que le Covid-19 pourrait être considéré comme un « cas de force majeure ».
Partant, les entreprises et les locataires pourraient être fondés, en dehors du dispositif prévu par l’ordonnance, à invoquer la force majeure pour solliciter devant le juge le report ou l’annulation des loyers et charges.
Conformément à la nouvelle définition de l’article 1218 du
Code Civil, il y a « force majeure » lorsqu'un événement «
ne pouvant être raisonnablement prévu lors de la conclusion du
contrat » porte des effets qui ne peuvent être « évités par
des mesures appropriées ».
L’empêchement temporaire emporte alors suspension du contrat
et donc des loyers.
C.H.