Hydroxychloroquine : appels à la plus grande prudence

Paris, le lundi 30 mars 2020 – Plusieurs institutions ont appelé ce week-end les médecins à se montrer prudents concernant les éventuelles promesses de l’hydroxychloroquine.

Un rappel : la preuve de l’efficacité de l’hydroxychloroquine n’est pas faite !

Les Académies nationales de Médecine et de Pharmacie ont ainsi publié un communiqué commun qui rappelle « que la démonstration de l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine n’est pas faite à ce jour » bien que « des présomptions existent (…) en particulier la négativation de la charge virale d’un certain nombre de patients, qui justifient sa prise en considération par la mise en œuvre urgente d’essais cliniques afin de tester ce produit sur des critères cliniques ».

Au passage, les Académies jugent inadaptée la possibilité donnée par le gouvernement d’utiliser l’hydroxychloroquine chez les malades hospitalisés en détresse respiratoire, considérant qu’à « ce stade (…) la maladie n’est plus une virose stricto sensu mais une défaillance pulmonaire liée à l’inflammation induite par le Sars-CoV-2 ».

De son côté, le collège national des généralistes enseignants souligne que l’urgence ne saurait justifier de s’affranchir de toutes les règles scientifiques et que pour l’heure « l’étude française (la première étude publiée par le professeur Raoult, ndr) a un niveau de preuve insuffisant inhérent à de nombreux et sérieux biais méthodologiques ».

Au-delà des débats, les dangers dans la « vraie vie » 

En dehors de ces observations, les Académies de médecine et de pharmacie s’inquiètent de la multiplication des « achats d’hydroxychloroquine [notamment sur internet] par des personnes non atteintes (…) de l’utilisation de ce produit à des posologies individuelles sans surveillance médicale stricte (…) du danger que représentent les interactions médicamenteuses ignorées des patients ».

La pharmacovigilance alerte

Ces craintes ne sont d’ailleurs pas que des hypothèses de travail. Ainsi les centres régionaux de pharmacovigilance qui avaient récemment observé une « recrudescence des commandes de spécialités à base de chloroquine et d'hydroxychloroquine sur le territoire national » ont lancé ce vendredi une alerte concernant « des cas de patients Covid-19 positifs, sous hydroxychloroquine associée ou non à l'azithromycine, présentant des troubles du rythme ou de la conduction cardiaque », pouvant aller parfois jusqu’à des arrêts cardiaques dont certains « fatals ». L’étude de ces cas a été transmise à l'ANSM (Agence nationale de sécurité des médicaments) qui devrait faire part de son analyse dans les jours à venir.

Ces situations dramatiques ne sont d’ailleurs pas une surprise.

« La chloroquine et l’hydroxychloroquine (mais aussi l’azithromycine et le lopinavir, à un moindre degré) bloquent les canaux potassiques hERG. Les patients recevant concomitamment ces traitements sont exposés à des prolongations possibles de l’intervalle QT corrigé (QTc) de l’électrocardiogramme de surface. La toxicité cardiaque de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine est dose-dépendante et des cas d’arythmies graves ont été rapportés lors de surdosage mais aussi à dose thérapeutique » rappelle le réseau.

Aussi les centres de pharmacovigilance recommandent aux médecins hospitaliers qui utilisent l’hydroxychloroquine de procéder à un électrocardiogramme avant l'instauration du traitement, puis 3-4 heures après l’initiation, puis deux fois par semaine.

Elle recommande aussi de faire particulièrement attention aux patients atteints de diabète, d’épilepsie, d’insuffisance cardiaque, de cardiopathie ischémique, de troubles du rythme, de maladie de Parkinson, de porphyrie, de déficit en G6PD, de troubles de la kaliémie ou de la magnésémie et en cas de grossesse.

Mais ce n’est pas tout, les praticiens voulant utiliser l’hydroxychloroquine devront être vigilants aux interactions avec le citalopram ou l’escitalopram, le dompéridone, l’hydroxyzine et la pipéraquine, les anti-arythmiques de classe IA et III, les antidépresseurs tricycliques, les antipsychotiques et certains anti-infectieux (macrolides, fluoroquinolones).

Logiquement le réseau conclut qu’en « l’état des connaissances actuelles, considérant les risques encourus pour des bénéfices cliniques inconnus, l’hydroxychloroquine et la chloroquine ne doivent pas être utilisées dans la prise en charge des infections à coronavirus SARS-CoV-2, en dehors d’essais cliniques ou de prises en charge spécialisées ».

F.H.

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Vos réactions (2)

  • Poison

    Le 30 mars 2020

    Quel horrible poison cette hydroxychloroquine, n'est ce pas celui qu'employait la Brinvilliers et Marie Besnard, celui des Borgia ?

    Voilà le Plaquenil passé de l'état d'un médicament qui, voici deux mois, s'achetait sans ordonnance, à celui d'un fléau national. La faute à l'autoprescription peut être, elle même fille de l'attitude absurde des Hauteurs en restreignant l'utilisation aux médecins du premier cercle, celui de l'hôpital que sa nature étatique a élevé au palier supérieur du savoir, de la modération de l'obéissance et de la sagesse.

    Que de folies, que d'absurdités. Mais que d'angoisses soulevées par tant d'errements camouflés pas des phrases creuses, et tant de contradictions que seuls ceux et celles qui les proférent ne remarquent pas.

    Dr Gilles Bouquerel

  • En notre âme et conscience

    Le 25 avril 2020

    C'est quand même à se taper le c... par terre
    Merci chers confrères d'ouvrir le Vidal et trouver des médicaments qui doivent ne doivent pas être prescrits en respectant le bénéfice /risque !
    C'est quand même tous les jours que nous sommes confrontés à ce problème.
    Ne parlons pas des patients "polymédiqués", "polypathologiques avec les interactions médicamenteuses délétères. Donc on prescrit ou ont ne prescrit pas dans ces cas là...!
    Il y a bien un moment où en notre âme et conscience nous devons faire un choix !

    Marc Menard

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