
Face à l’urgence, les citoyens et associations multiplient les recours en utilisant la procédure de référé-liberté (article L.521-2 du Code de Justice Administrative) qui permet une saisine rapide du juge administratif en présence « d’une atteinte grave et manifestement illégale » portée par l’administration.
L’affaire qui nous intéresse vient définir le rôle du maire dans cette crise sanitaire.
Le 6 avril 2020, le maire de Sceaux a pris un arrêté ayant pour objet de rendre obligatoire le « port d’un dispositif de protection buccal et nasal » lors des « déplacements dans l’espace public des personnes de plus de 10 ans ».
Cette obligation est contestée par la Ligue des Droits de l’Homme qui estime que cette décision porte une atteinte grave à un certain nombre de libertés fondamentales, et notamment à la liberté d’aller et venir ainsi que le droit à la vie privée.
Dans un premier temps, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l’exécution de cet arrêté.
Le maire de Sceaux a alors saisi le juge des référés du Conseil d’État.
L’audience devant le Conseil d’État a été l’occasion de l’intervention de deux acteurs : le Ministère de l’intérieur, mais aussi l’association « Coronavictimes », qui se présente comme une association de défense des victimes de la maladie.
Que prévoit l’état d’urgence sanitaire ?
L’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat est, là encore, l’occasion de rappeler le cadre légal de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.La loi d’urgence du 23 mars 2020 (proclamant l’état d’urgence sanitaire) a confié à l’État la responsabilité d’édicter des mesures générales ou individuelles de lutte contre l’épidémie.
Le Conseil d’État estime que la loi permet au maire de faire l’usage de son pouvoir de police générale sur sa commune en prenant des mesures spéciales.
Toutefois, deux conditions doivent être réunies : elles doivent être justifiées par des raisons impérieuses propres à la commune, et ne doivent pas « compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’État ».
Pour rendre obligatoire le port du masque, la démographie ne suffit pas
Les défenseurs du port du masque dans la ville de Sceaux ont rappelé que la commune se caractérisait par « l’existence d’une concentration de la population dans un lieu unique » et un « fort pourcentage de personnes âgées ».Mais pour le Conseil d’État, la démographie ne constitue pas un argument valable pour rendre le port du masque obligatoire !
Comme le souligne la Haute juridiction : « ni la démographie de la commune de Sceaux ni la concentration de ses commerces de première nécessité dans un espace réduit, ne sauraient être regardées comme caractérisant des raisons impérieuses liées à des circonstances locales ».
Pour le Conseil d’État, la cohérence doit primer !
Le Conseil d’État confirme également la décision prise en première instance en soulignant l’impératif de cohérence des décisions prises contre l’épidémie.Tout d’abord, le juge estime que l’interdiction « est susceptible de nuire à la cohérence des mesures prises par les autorités sanitaires, dans un moment où l’État est, en raison d’un contexte contraint, amené à fixer des règles nationales précises sur les conditions d’utilisation des masques chirurgicaux et FFP2 ».
Mais surtout, le juge estime que la mesure est également susceptible de créer une certaine confusion dans l’esprit du public. En effet, en soulignant que « se couvrir la bouche et le nez peut constituer une protection efficace », l’arrêté du maire est de nature « à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par les autorités sanitaires ».
CH