Le Ségur accouche d’un accord…déjà contesté !

Paris, le mercredi 15 juillet 2020 – Lundi, gouvernement et syndicats sont finalement parvenus à un accord dans le cadre du Ségur. Il prend la forme d’un plan inédit fort de 8,1 milliards d’euros. Aussi, Jean Castex a salué un « effort historique » de la France à l’égard de ses soignants. La vie de plus d’un million et demi de professionnels du secteur de la santé « va changer et elle va changer de manière majeure » a quant à lui estimé le ministre de la santé, Olivier Véran.

Réforme du siècle…

« Au-delà de la reconnaissance pour leurs actions dans la période passée et actuelle, il s’agit d’une forme de rattrapage par rapport à des années de retard où chacune et chacun, et peut-être moi-même, a sa part de responsabilité » a reconnu également le Premier ministre.

En effet, depuis dix ans, le point d’indice de la fonction publique hospitalière est quasiment gelé, en hausse de seulement 1,7 % entre 2009 et 2017.

Trois syndicats de la fonction publique hospitalière (CFDT, UNSA et FO) ont signé le texte qui prévoit un montant de 7,6 milliards d’euros destiné aux salariés non-médicaux (infirmiers, aides-soignants, agents administratifs…) des hôpitaux et Ehpad, ce qui correspondra à une augmentation de 90 euros net à partir du 1er septembre (versée au 1er janvier 2021), puis de 93 euros net à partir du 1er mars 2021, soit à terme une revalorisation « socle » totale de 183 euros net par mois. Les personnels du privé (lucratif ou non) devraient, pour leur part, bénéficier d’une revalorisation de 160 euros net par mois.

Une révision des grilles indiciaires pour les soignants permettant une « majoration supplémentaire de 35 euros par mois net en moyenne » est également prévue, tout comme la reconnaissance de l’engagement collectif au niveau local, avec des primes pouvant atteindre 100 euros net.

Sur le plan organisationnel, le temps de travail des personnels non médicaux pourra, selon des accords locaux, être adapté grâce à des systèmes d’annualisation et de forfaits d’heures supplémentaires. « C’est déjà le cas aujourd’hui, mais dans un cadre réglementaire très strict, qui laisse peu de marges de manœuvre », souligne-t-on au ministère de la santé.

Enfin, s’il n’envisage ni moratoire sur la fermeture de lits ni réouverture, comme le demandaient syndicats et collectifs de soignants, le Ségur de la santé prévoit en revanche 15 000 recrutements dans les hôpitaux.

Concernant les médecins, trois syndicats (INPH, SNAM-HP, CMH) ont paraphé un accord prévoyant 450 millions d’euros de revalorisation. Principale mesure : la revalorisation de l’indemnité de service public exclusif à 1 110 euros bruts par mois, contre 493 euros aujourd’hui pour les jeunes praticiens et 704 euros pour ceux comptant plus de quinze ans d’ancienneté. Regrettant notamment l’absence d’avancée sur le décompte horaire des gardes ou de revalorisation forte pour les débuts de carrière, les syndicats APH et Jeunes médecins n’ont pas signé le texte.

Pour les internes, une enveloppe de 124 millions d’euros revalorisera salaires et primes de garde, permettant une rémunération « au moins à hauteur du smic horaire brut », selon Justin Breysse, président de l’ISNI.

Un budget de 55 millions d’euros a également été débloqué pour les externes. Ainsi, l’indemnité que perçoivent ces étudiants devrait désormais s’élever à 260 euros par mois en quatrième année (contre 130 actuellement), à 320 euros en cinquième année et 390 euros en sixième année.

Certains syndicats se félicitent largement de cet accord. « Cela fait très longtemps qu’on n’avait pas investi autant dans notre secteur », salue ainsi, dans les colonnes du Monde, Eve Rescanières, la secrétaire générale de la CFDT Santé sociaux. Si son organisation espérait davantage, notamment une augmentation de 25 % des salaires, « cet accord, c’est le début de quelque chose », dit-elle.

…ou rendez-vous raté ?

La CGT, qui a refusé de signer l’accord n’a pas manqué de le tacler quelques heures après sa signature.

« Les mesures sur l’organisation et le temps de travail nous inquiètent. Beaucoup de sujets vont être discutés au niveau local, on sent la volonté de déréguler encore plus les choses », juge Mireille Stivala, secrétaire générale CGT Santé. De plus, la représentante syndicale, qui demandait 300 euros net d’augmentation fait état de « beaucoup de déception sur les revalorisations ».

Concernant les créations de poste « c’est une goutte d’eau » estime-t-elle encore. 

Pour Olivier Youinou, de SUD Santé, qui avait quitté les négociations du Ségur, « cet accord n’est pas à la hauteur, il est très en deçà des besoins, on demandait 100 000 postes. On nous parle de la réforme du siècle, mais c’est un rendez-vous raté ».

Sur France info, Patrick Pelloux a également critiqué le Ségur de manière virulente. « Ca fout un coup au moral de voir que c'est toujours les mêmes qui depuis 30 ans signent les accords et qui font un truc à l'envers (…) Il n'y a rien sur les gardes, il n'y a rien sur la permanence de soins, il n'y a rien sur la valorisation du temps additionnel, c'est-à-dire des heures supplémentaires. Là, dans le Ségur, il n'y a aucun moratoire. On va continuer la fermeture des hôpitaux et ça, je trouve vraiment que ce n'est pas bien ce qu'ils font », tance-t-il.

D’autres mesures à venir

Avec quelques jours de retard par rapport au calendrier qu’il s’était lui-même fixé, Olivier Véran devrait annoncer la semaine prochaine des décisions concernant les autres volets du Ségur. Le ministre de la santé doit notamment se prononcer sur une évolution de la tarification à l’activité (T2A). D’autres évolutions concernant le financement des hôpitaux, leur « gouvernance », le rôle des élus locaux ou les moyens de parvenir à une meilleure articulation entre médecine de ville, hôpital et Ehpad sont également attendues.

Des mesures à venir qui n’ont pas empêché plusieurs milliers de personnels hospitaliers de manifester ce dimanche de la place de la République à la Bastille…

Xavier Bataille

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Vos réactions (2)

  • Où est la gratitude annoncée par le gouvernement

    Le 15 juillet 2020

    Les plus mal lotis les infirmiers qui se retrouvent avec la même somme de 183€ alloués aussi aux administratifs. Pas de reingénerie pour le diplôme des infirmiers de bloc (en attente depuis 2008) et les infirmiers en puériculture. Les temps de repos passent de 12h à 11h, les 35h passent à 40h mais les 5h suplementaires ne seront pas payés en heures supplémentaires. La prime covid de 1500€ est devenue 500 ou rien selon les régions, la reconnaissance du covid en maladie professionnelle devenue uniquement si forme grave et séquelles importantes..etc etc etc doi-je continuer! Alors faudrait que quelqu'un m'explique la gratitude de ce gouvernement POUR les INFIRMIERS! Ah oui suis-je bête ! Les médailles, les applaudissements, et présence à un défilé pour certains triés sur le volet.

    Florence Bouquet

  • Sages-femmes : les grandes oubliées du Ségur !

    Le 19 juillet 2020

    Profession médicale non reconnue encore une fois.

    Clémence Collat (SF)

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