Covid-19 : il serait temps de changer de test de dépistage…
Le dépistage de la Covid-19 s’inspire de la démarche adoptée en
clinique face à des maladies le plus souvent chroniques dans des
situations qui n’ont rien à voir avec celle de la pandémie actuelle
(1). Il est temps de changer de braquets si tant est que l’on
veuille ou puisse appliquer le mantra: “tester, tracer,
isoler “à l’échelon de la population, en supposant qu’il soit
ainsi possible de terrasser un dragon qui a plus d’un tour dans son
sac à dos…
Une stratégie inadaptée
La stratégie actuelle n’est pas adaptée à un dépistage de
masse : c’est le type de stratégie adoptée pour le diagnostic
positif d’une maladie dans les conditions de la pratique médicale
courante et non de l’urgence sanitaire actuelle. Elle exige des
performances élevées et repose volontiers sur la prévalence ou la
probabilité a priori de l’affection selon une approche bayesienne
qui a fait les belles heures du diagnostic positif de la maladie
coronarienne… En gros, il est besoin dans ce contexte, d’un test
diagnostique fiable et précis qui sera réalisé le plus souvent une
seule fois avec une réponse qui va dicter le reste de la stratégie
diagnostique en fonction de la probabilité a posteriori de la
maladie, le coût et la rapidité du résultat n’étant pas forcément
des nécessités absolues, même si ces facteurs ne sont pas à
négliger (1).
En général, ce test n’est pas répété notamment à court terme
et il n’a aucun impact ni direct ni immédiat sur le reste de la
collectivité, étant entendu que la maladie n’est pas contagieuse:
c’est le B A-BA des approches diagnostiques courantes en médecine,
même s’il existe des exceptions notoires qu’il est hors de propos
de détailler.
Face à une épidémie comme celle de Covid-19, comment peut-on
appliquer froidement des stratégies diagnostiques similaires? C’est
ignorer les règles élémentaires du dépistage face à une maladie
aussi contagieuse mais c’est aussi composer avec l’absence de
moyens diagnostiques, du moins leur extrême rareté.
Le test idéal, un mouton à cinq pattes
L’idéal serait de pouvoir disposer d’un test rapide, simple, peu ou
non invasif, efficace, peu coûteux, répétable à l’envi dont les
résultats seraient immédiats, ou à défaut obtenus dans les plus
brefs délais, ni en jours ni en heures, mais en minutes… ce qui a
des airs de mouton à cinq pattes, voire à six si l’on ajoute
l’impératif de pouvoir le fabriquer en grandes quantités en peu de
temps: plusieurs millions par jour ou semaine sans manquer de
réactifs, par exemple… A noter que la sensibilité n’a pas besoin
d’être excessive:le but n’est pas d’identifier la moindre fragment
d’ARN, mais de repérer les patients les plus contagieux, ceux dont
la PCR est positive à un seuil qui est de l’ordre de 35 cycles (Ct)
nécessaires pour rendre l’ARN détectable: la charge virale est en
effet inversement corrélée au nombre de cycles de détection (1).
Au-dessus de 40, la PCR est considérée comme négative, mais entre
25 et 40, il s’agit souvent d’une zone grise qui devrait nécessiter
un nouveau test pour en sortir, sauf en cas de maladie avérée ou de
risque élevé de contamination…
Pourquoi la RT-PCR laisse à désirer
La RT-PCR telle qu’elle est utilisée actuellement répond-elle
aux exigences précédents? Les évènements les plus récents
démontrent tout le contraire. Dans le meilleur des cas, le résultat
est obtenu en 24 heures et, dans les pires, c’est en jours que le
délai se mesure, parfois cinq voire sept quand les laboratoires
sont débordés par une demande devenue exorbitante: dans ces
conditions, il y a belle lurette que le patient n’est plus
contagieux ou que le virus a infecté d’autres sujets… (1). Le coût
du test reste élevé et il n’est pas aisé de le répéter, même si
cela est faisable pour peu que l’intendance suive. Le rapport
coût/bénéfice des récentes opérations de dépistage à l’échelon
national n’est ni plus ni moins que médiocre.
Quant à l’interprétation, elle reste des plus empiriques,
voire aléatoire dans de nombreux cas. Avec une sensibilité de 70 %
et une spécificité de 99 % (mais estimées dans quelles
conditions?), selon les sources les plus récentes, il n’est pas
facile de tenir compte de la probabilité a priori de la maladie ou
du fait d’être contagieux pour évaluer la valeur prédictive du
test, d’autant qu’il s’adresse à des sujets qui peuvent être peu ou
pas symptomatiques et qu’il n’existe aucun diagramme intégrant tous
les facteurs intervenant dans la contagiosité d’un individu : c’est
de cela qu’il s’agit et non du diagnostic positif de la maladie
quand il n’y a plus de virus à transmettre.
Bref, l’usage actuel de la RT-PCR dans le dépistage et le
diagnostic de la Covid-19 laisse largement à désirer. Elle ne
possède pas les atouts nécessaires au filtrage des cas contagieux
et de facto à la protection des sujets non infectés mais exposés à
un virus qui circule activement (1). Car c’est d’un filtre destiné
à protéger la collectivité dont il est besoin, pas seulement d’un
test diagnostique. Il faut repérer les individus et les isoler
pendant qu’ils sont contagieux, ni avant ni après et la RT-PCR ne
répond pas à cette attente dans les conditions d’utilisation
actuelles qui consomment trop de temps et d’énergie pour un
rendement médiocre (1).
Peut-on faire mieux ?
Oui : si l’on utilise d’autres tests plus adaptés à la
situation actuelle et au cahier des charges inhérent aux principes
du dépistage de masse. Les tests salivaires sont un pis-aller car
ils reposent sur la RT-PCR avec les limites que l’on sait. Les
tests sérologiques rapides ne sont pas à la hauteur des enjeux
immédiats du dépistage et du filtrage nécessaire.
D’une manière générale il est préférable d’éviter les tests en
laboratoire qui nécessitent une amplification des signaux
moléculaires. C’est là qu’interviennent les tests qui peuvent
détecter qualitativement et rapidement la présence du virus, sa
signature antigénique sans qu’il soit besoin de la multiplier par
PCR tout au moins en passant par un laboratoire de biologie
médicale. L’amplification du signal est concevable pour peu qu’elle
soit réalisée dans un dispositif ad hoc totalement déconnecté d’un
laboratoire central pour gagner du temps.
Le Covid Nudge testé outre-manche
Les candidats sont encore rares: il en est un britannique, le
Covid Nudge test (2) qui s’est attiré les faveurs du NHS
(National Health System) : les résultats sont obtenus en 90
minutes à partir d’un dispositif miniaturisé inspiré du smartphone
et basé sur l’analyse par RT-PCR réalisée in situ sur un
prélèvement nasopharyngé sans qu’il soit besoin de transiter par un
laboratoire. Tout se déroule dans ce petit bijou électronique qui
se répand dans les hôpitaux britanniques depuis septembre 2020 avec
la bénédiction du NHS. “Le test CovidNudge semble avoir la
plupart des qualités requises pour le diagnostic positif de la
Covid-19 sans recourir à un laboratoire: possibilité de traiter les
échantillons secs sans manipulation superflue, performances
diagnostiques identiques –ou peu s’en faut- à celles de la RT-PCR,
rapidité de la réponse (< 90 minutes). Le test peut en théorie
être réalisé en n’importe quel POC (point of care) et les
appareils ont été mis à disposition de la plupart des hôpitaux
britanniques dès le mois de mai 2020. Près de six millions de kits
auraient été distribués en septembre de la même année au sein des
établissements du NHS. Une aventure nationale qui mérite d’être
suivie de près…(2).
SHERLOCK : pas si élémentaire mais prometteur
D’autres candidats s’affranchissent totalement de la RT-PCR:
SHERLOCK (Specific High-sensitivity Enzymatic Reporter
unLOCKing) (3) qui a été récemment évoqué dans le JIM en fait
partie.
Ce test fait appel à la technique d’édition du génome CRISPR
(clustered regularly interspaced short palindromic repeats)
dite « des ciseaux moléculaires ». SHERLOCK dans sa version
simplifiée STOPCovid.v2 se présente donc comme une alternative à la
RT-PCR avec des avantages au moins théoriques en termes de
simplicité (relative) et de coût. Par ailleurs, les résultats sont
obtenus en moins d’une heure ce qui fait de ce test un candidat
idéal pour le traçage des patients et explique sa dénomination
STOPCovid, quelle que soit sa version : encore faut-il que la
méthode soit validée sur une plus grande échelle avant d’être
adoptée par des plates-formes dotées de tous les outils de la
biologie moléculaire dans les pays qui en ont les moyens. C’est à
la fois un défi et une autre histoire… d’autant que l’amplification
génique reste un préalable nécessaire à la détection du virus.
SHERLOCK à la recherche des cas contacts ? Une éventualité qui se
dessine mais qui nécessite encore du peaufinage ce à quoi
s’emploient d’ailleurs les auteurs…” (3).
Jouer la carte de la BinaxNOWTM COVID-19 Ag CARD
Il ne faudrait pas oublier un autre candidat qui, pour sa
part, a les faveurs de la FDA (1) : il s’agit d’un kit développé
par la société Abbott, lequel repose, lui aussi sur la technique
d’édition du génome couplée à une réaction immunochromatographique.
Il s’agit de la BinaxNOWTM COVID-19 Ag CARD développée aux
Etats-Unis dans le cadre de l’équivalent de notre ATU (autorisation
temporaire d’utilisation) dénommée EUA (Emergency Use
Authorization). Cette carte a en théorie tous les atouts:
faible coût (5 dollars l’unité), autonomie (le résultat ne passant
pas par un laboratoire), rapidité (15 minutes), résultat fiable
(sensibilité de 93 % et spécificité de 95 % sur plus de 300
échantillons), possibilité de fabriquer plusieurs dizaines de
millions de tests par semaine…
Cette technique de dosage de l’antigène nucléocapsidique viral dite
par flux latéral qui n’est pas nouvelle exige néanmoins un
prélèvement nasopharyngé de bonne qualité et, de ce fait,
l’intervention d’un personnel qualifié. Si elle détecte la présence
du virus avec une sensibilité très inférieure (cent fois moins
voire plus… ) à celle de la PCR, ce n’est en soi pas une limite
puisque le but est de repérer les patients infectants et non de
compter les fragments d’ARN dans un prélèvement… Le marquage CE de
ce test a été obtenu le 9 septembre 2020 sous le nom de PanbioTM
Covid-19 Aget il semble que sa diffusion soit envisagée en Europe y
compris en France sans qu’aucune date ne soit encore avancée.
Il faut du temps pour les tests rapides !
L’attitude de la FDA à l’égard de la BinaxNOWTM COVID-19 Ag
CARD est un premier pas dans la bonne direction mais la partie
n’est pas gagnée pour autant: les tests de dépistage rapide dont il
est question ont besoin de temps et de moyens pour être validés et
développés à l’échelle d’une nation en toute confiance et sécurité
à un moment où l’urgence sanitaire incite à utiliser l’existant
plutôt qu’à favoriser l’avenant, à moins d’une prise de conscience
d’autorités sanitaires surfant sur une corde raide. Le marquage CE
du test est en soi une bonne nouvelle qui laisse augurer de son
développement peut-être rapide en Europe, voire en France avec des
atouts indéniables.
Si tel était le cas, il deviendrait possible d’imaginer des
stratégies diagnostiques combinant tests antigéniques rapides
(notamment le plus avancé et a priori le plus pratique :
PanbioTMCovid 19 Ag) et conventionnels pour optimiser le dépistage
et briser les chaînes de transmission dans la mesure du possible
face à un ennemi qui ne manque pas de ressources contre toutes les
barrières qui lui sont imposées…
Merci de démontrer qu'en Europe continentale on dort dans les labos alors que les anglais et les américains font la course en tête! Est-ce que nos scientifiques vont enfin se réveiller devant la gravité de la situation!
Dr.L.Desbaillets
Guerre économique, politique et de prestige
Le 16 octobre 2020
Je salue votre analyse, et en général toutes celles du JIM.
Je signale simplement que les données dont on dispose officiellement et sur lesquelles nous pouvons de facto baser nos analyses publiables, sont celles que les officiels veulent bien nous donner, y compris ceux du monde scientifique "bien placés". Il existe en France et Outre-Manche suffisamment de données, très argumentées, issues de scientifiques et d'universitaires dont certains de renom, pour placer les test salivaires RT-PCR comme une alternative valable, et ce depuis plusieurs semaines ... Mais il y a un blocage à la reconnaissance de cette solution : c'est une guerre économique, politique, et de prestige qui se joue en dessous, au détriment de la population.
Comme bien d'autres décisions prises par les administrations, dont celles de ne pas mettre en quarantaine et de demander de travailler à des professionnels de santé du public même si ils sont positifs mais parce qu'ils ne sont pas malades, alors qu'ils s'occupent de personnes vulnérables
Mais il faut que cela tourne, surtout dans les hôpitaux publics ...
Dr Gérard Mick
Faire réver d'outre-manche
Le 16 octobre 2020
Bla bla bla ..,,facile d’écrire de proposer de nous faire rêver d’outre manche au temps du Brexit... En pratique mon cher confrère que proposez vous sur le terrain et que pensent nos énarques de ces propositions alléchantes...