Vaccination : Véran et la HAS défendent leurs stratégies … tout en promettant des corrections

Paris, le mardi 5 janvier 2021 - Il y a l’incompréhension, l’impossibilité d’identifier avec précision le point de rupture, le dysfonctionnement central. Sont-ce les conséquences de ce qui est souvent désigné comme les blocages bureaucratiques français ? Ou est-ce plutôt d’abord un manque d’impulsion politique? Faut-il croire que la stratégie française, progressive et voulant se fonder sur un consentement incontestable, qui aurait reposé sur une organisation bien installée à la mi-janvier, a été contrariée par l’accélération inenvisagée (mais pas inenvisageable) de l’Europe aiguillonnée par l’Allemagne ? Ou la France ne s’est-elle pas donnée les moyens de ses ambitions pour une campagne certes complexe (puisque voulant débuter dans les EHPAD) mais aux difficultés néanmoins pas forcément insurmontables ?

Une communication en berne

Il y a ces questions et il y a un regret que tous les manques n’aient pas même été rattrapés par une communication enthousiaste ou par une défense vigoureuse des choix français, plutôt que de donner le sentiment d’une débâcle déguisée en lenteur assumée, d’une incapacité d’échapper à la comparaison avec l’Allemagne. Même les apparentes remontrances d’Emmanuel Macron pendant ses vœux manquaient d’un véritable élan en faveur de la vaccination. Et hier, enfin. Des images certes artificielles mais attendues : un ministre se rendant dans un centre de vaccination à l’Hôtel Dieu pour assister à des vaccinations et se féliciter de ce progrès. Ça n’efface pas les inquiétudes et la colère mais cela ouvre l’espoir que l’attente a été perçue.

Les plus de 75 ans non résidents en EHPAD visés par la campagne avant la fin du mois

Après les justifications, les annonces encore parcellaires ce matin sur RTL mais qui doivent donner les gages d’une accélération. La stratégie est redessinée. Concernant les personnes vaccinées d’abord, le ministre annonce un élargissement avant la fin du mois aux personnes de plus de 75 ans ne vivant pas en EHPAD. Concernant les professionnels de santé, les aides à domicile et les pompiers vont pouvoir  faire partie des personnes prioritaires. L’inclusion des plus de 75 ans non résidents en EHPAD représente un total de 5 millions de personnes, « ce sera progressif ; ça prendra plusieurs semaines, plusieurs mois peut-être » a observé Olivier Véran, suggérant que malgré les promesses d’une augmentation exponentielle, la patience doit encore s’imposer.

Des centres et en même temps une vaccination de proximité

Outre ces précisions concernant les personnes éligibles, Olivier Véran a donné quelques pistes à propos des lieux où cette vaccination sera organisée. On ne parle toujours pas de « vaccinodromes », terme honni, mais de centres. Parallèlement aux centres hospitaliers dont une centaine, le plus souvent dans leurs services de vaccination classiques, proposeront à partir de cette semaine la protection des soignants de ville, 300 centres doivent être déployés la semaine prochaine et jusqu’à 500 à 600 fin janvier. On espère que pour la mise en place de ces structures, le ministère de la Santé compte s’appuyer sur l’agilité des villes, dont certaines ont signalé leur volonté de participer activement. Outre le maire de Cannes qui a déjà présenté les détails d’une organisation aboutie, le réseau France Urbaine (association de collectivités composée de 106 membres) déclare aujourd’hui : « Les grandes villes et agglomérations restent pleinement mobilisées et volontaires. Elles n’ont eu de cesse, ces derniers mois, de démontrer leur capacité d’innovation face à l’urgence, et de coordonner les ressources sanitaires et sociales au bénéfice de leurs populations. Elles n’ont eu de cesse également d’appeler le Gouvernement à s’appuyer sur la mobilisation de leurs capacités logistiques et de leurs capacités d’action en proximité ». Cependant, même si le terme de « centres » a bien été prononcé, la réticence demeure concernant les « vaccinodromes » tant chez Olivier Véran que chez la présidente de la HAS. « Nous voulons de la vaccination de proximité. Je ne suis pas du tout certain, c'est mon opinion, que cela doive prendre la forme de grands stades dans lesquels viendraient faire la queue des milliers de personnes en plein hiver » a ainsi exposé le ministre. Ce dernier a encore défendu une « gestion de bon père de famille » en faisant référence à la limitation du nombre de doses (cependant les 500 000 dont dispose déjà la France auxquelles doivent s’ajouter 500 000 supplémentaires par semaine semblent très largement suffisantes pour l’heure, compte tenu du rythme encore très lent de cette campagne !).

Le délai de rétractation n’a pas été institutionnalisé

Des précisions ont également été dévoilées concernant la mise en œuvre de cette vaccination. Olivier Véran a rappelé concernant la consultation prévaccinale qu’il n’a jamais été « écrit nulle part qu'il faut une consultation 5 jours avant ». De fait, si le protocole distribuée aux EHPAD à la veille de Noël évoque cette période de cinq jours, ce ne serait nullement dans l’objectif d’aménager un délai de rétractation (rétractation qui est possible mais nullement institutionnalisée) mais pour permettre le bon processus de la commande et de la livraison des doses. On peut ainsi lire : « La consultation prévaccinale devra être réalisée 5 jours au plus tard avant le démarrage de la vaccination afin de faire remonter le nombre de doses nécessaire ». Si bien sûr la question du recueil du consentement est centrale dans ce guide, afin d’éviter toute suspicion d’un acte qui ne serait pas parfaitement conscient (ou qui pourrait être confondu par le patient avec les soins « classiques »), le gouvernement n’a pas sciemment organisé les conditions de la défiance (mais n’a rien fait pour l’empêcher de prendre de l’ampleur). Néanmoins, il ne peut que reconnaître que la procédure favorise les revirements et les changements de position et les complexités organisationnelles.

Prendre rendez-vous

Outre les indications concernant les personnes éligibles à la vaccination et les lieux où elle sera réalisée, Olivier Véran a annoncé que dans les prochains jours, les Français qui souhaitent être vaccinés allaient pouvoir s’inscrire pour prendre rendez-vous (sous réserve, on suppose, de faire partie des catégories de sujets aujourd’hui prioritaires). « Nous allons ouvrir dans les prochains jours une inscription possible pour les Français qui le souhaitent par internet, par téléphone sans doute, et pourquoi pas par l'application TousAntiCovid, pour que les Français qui souhaitent se faire vacciner puissent le faire savoir, s'inscrire et puissent prendre des rendez-vous ». Les modalités, de la même manière que celles concernant les centres de vaccinations, seront précisées ce jeudi 7 janvier lors de la conférence du Premier ministre qui doit également concerner l’évolution des mesures destinées à restreindre la circulation du virus.

La HAS se défend

En tout état de cause, la vaccination des soignants, plus facile à organiser, grâce notamment à la mobilisation des hôpitaux, permet d’augmenter rapidement le nombre de personnes immunisées et de corriger l’impression de désastre de ces derniers jours. Elle est par ailleurs confortée par les données en faveur de l’efficacité des vaccins à ARN messager sur la transmission du virus, qui légitime l’idée d’une vaccination altruiste. Cependant, rappelant que la mortalité de la Covid concerne d’abord les plus âgés et les résidents d’EHPAD et soulignant que les incertitudes concernant le nombre de doses légitimait un tel ordre de priorisation (ordre qui est assez similaire dans tous les pays du monde, même ceux où le nombre de vaccinés est très élevé !), la présidente du comité des vaccinations de la HAS, le professeur Elisabeth Bouvet défend ses recommandations. Elle signale par ailleurs que la HAS n’est pas responsable des défauts d’organisation et que si l’institution avait préconisé une consultation prévaccinale, elle n’avait jamais suggéré qu’elle ne puisse pas être associée à l’acte en lui-même.

Retard irrattrapable ?

Ces différentes impulsions seront-elles suffisantes pour que la France rattrape son « retard ? ». Les premiers chiffres avancés, de plus de 2000 personnes vaccinées à ce jour, et alors qu’un bilan quotidien doit désormais être rendu public à partir d’aujourd’hui, confirment une accélération, néanmoins insuffisante pour que les niveaux de certains de nos voisins puissent être rapidement atteints. « Notre rythme de croisière va rejoindre celui de nos voisins dans les prochains jours», assure, doit dans ses bottes, Olivier Véran.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (6)

  • Nous sommes dans l'incertitude nous aussi

    Le 05 janvier 2021

    Vous pouvez lire in :

    https://www.aimsib.org/2021/01/03/covid-19-un-simple-changement-de-methode-et-cest-fini/

    ou in

    https://blog.gerardmaudrux.lequotidiendumedecin.fr/2020/12/10/le-traitement-du-covi-19-existe-2-ivermectine-efficace-a-100/

    "Une molécule sort particulièrement du lot par son efficacité sur la maladie COVID-19 à tous ses stades : L’ivermectine."

    Tous les stades ! Ah bon ! Si tout le monde prenait, dans la même semaine, la même dose d'ivermectine, le virus serait détruit, les vaccinations inutiles, les hospitalisations anéanties.

    Non je rêvais ? Est-ce possible ?

    Dr JD

  • Ministre, vraiment ? Menteur, sûrement !

    Le 05 janvier 2021

    Il serait plus simple de commencer par vacciner ...les volontaires, non? Pour atteindre rapidement l'immunité plus collective autour de 40-50% souhaitée. Bien sûr vacciner les plus vieux en priorité. Mais ça coince sur les doses et la logistique, il vaudrait mieux le dire clairement que continuer à trouver des excuses peu crédibles pour les professionnels.
    Quand il n'est pas pris en flagrant délit de mensonge (les lits "durables" de réa...petit exemple) il se contredit sans vergogne et navigue à vue, comme tous les autre gestionnaires de ce brillant ministère. Le but n'a d'ailleurs nullement changé : fermer des lits et embaucher des gestionnaires supplémentaires...

    Dr Astrid Wilk

  • Improvisation sur le consentement

    Le 05 janvier 2021

    Malgré la mobilisation des acteurs et du fait de la nécessité de prioriser la vaccination sur des populations cibles car le nombre de doses disponibles est limité, on constate dans ce domaine comme d'autres que le recueil du consentement est un obstacle à l'efficacité.
    Nous n'avons pas de système centralisé qui permettra de gérer ces consentements de manière dématérialisée de manière efficace.
    Ne peut on plus soigner sans se couvrir de formulaires inutiles ?
    Un consentement ne peut il pas être oral et tracé par le soignant ?
    Ne peut on privilégier ceux qui demandent la vaccination par rapport à ceux qui s'y opposent ?
    Dans d'autres domaines comme la recherche sur les échantillons biologiques, les patients eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi il faudrait signer ou lire autant de formulaires de consentement et face à une gestion complexe des consentements sur l'utilisation des échantillons et des données personnelles, il n'y a pas non plus de système efficace via internet pour s'opposer pour les rares personnes qui le voudraient.

    Probablement la 5G va permettre un saut technologique pour la santé mais une simplification des procédures s'impose avec une simplification des règles éthiques qui comme le droit français résultent plus d'une accumulation de principes de précaution que d'un souci d'efficacité pour les malades et leurs médecins.

    Dr J-P Merlio

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