Peut-on gagner la nouvelle bataille de Stalingrad ?

Paris, le mercredi 5 mai 2021 – La consommation de crack et sa visibilité ont augmenté ces dernières années à Paris, mettant les autorités face à un problème de santé publique et de sécurité en apparence insoluble.

Ce week-end, au cours de deux nuits consécutives, des consommateurs et des trafiquants de crack ont été la cible de tirs de mortiers de feu d’artifice dans le quartier de Stalingrad dans le nord-est de Paris. Les auteurs des tirs seraient des habitants du quartier excédés par les bruits et les violences des toxicomanes du quartier. Une scène de violence qui illustre le problème grandissant posé par la « cohabitation » entre les riverains et des consommateurs de crack semble-t-il de plus en plus nombreux.

La consommation de crack, un problème de plus en plus visible

Selon la dernière enquête de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) publié en janvier dernier, la France compterait environ 42 000 consommateurs de crack, un stupéfiant hautement addictif dérivé de la cocaïne répandu en France au début des années 1980. La majorité des consommateurs de crack sont des hommes qui se trouvent dans une situation de grande précarité. Un tiers d’entre eux sont sans domicile fixe et un autre tiers sont pris en charge dans des centres d’hébergement. Contrairement à ce qui est parfois avancé, les migrants seraient, semble-t-il, peu nombreux parmi ce type d’usagers de drogue.

Depuis 2017, la consommation du crack à Paris a gagné en visibilité. Les consommateurs n’hésitent plus à acheter et à consommer leur produit en plein jour dans les lieux publics, notamment dans le métro, au grand dam des riverains. A Paris, le trafic et la consommation de crack se concentrent vers le nord-est de Paris, dans le quartier de Stalingrad et autour de la tristement célèbre « colline du crack » près de la porte de La Chapelle. La création d’une « salle de consommation à moindre risque » (SCMR, plus communément appelé « salle de shoot ») à l’hôpital Lariboisière n’a semble-t-il fait qu’aggraver les choses, les usagers de crack se réunissant et se droguant près de l’établissement. Les « évacuations » fréquentes de toxicomanes menés par la police n’ont semble-t-il que peu d’effets durables.

Vers une nouvelle salle de shoot à Paris ?

Si l’intervention de la police pour rétablir l’ordre est nécessaire, il ne s’agit que d’une solution de très court terme. Selon l’OFDT, il est nécessaire de renforcer des mesures de réductions des risques et de mieux accompagner les consommateurs de crack vers la sortie de la toxicomanie. Dans cette optique, Mounir Mahjoubi, député de Paris, a proposé ce mercredi l’ouverture d’une nouvelle salle de shoot qui serait situé, pour éloigner les toxicomanes du nord-est de la capitale, dans le quartier chic des Invalides. « Un quartier où il n’y a pas de commerces ni d’habitants » a déclaré le député (les habitants des Invalides apprécieront). En décembre dernier, la droite parisienne, qui se fait l’écho des recommandations des habitants de Stalingrad, a rejeté l’idée d’une nouvelle salle de shoot parisienne.

Entre les nécessités de prendre en charge sanitairement les consommateurs de crack, de combattre le trafic et d’assurer la sécurité et la tranquillité aux habitants de ces quartiers, l’équilibre est bien difficile à trouver pour les autorités nationales et municipales.

Nicolas Barbet

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Différencier les drogues

    Le 06 mai 2021

    Je suis très étonnée qu'on ait envisagé de mettre en place des salles de shoot pour les fumeurs de crack. D'une part ils ne s'injectent pas le crack, d'autre part, les effets de ces drogues sont extrêmement différents. L'intérêt des salles pour les héroïnomanes était l'hygiène des injections. L'héroïne ayant un effet plutôt "assommant". Le crack fait des ravages depuis de nombreuses années aux Antilles, où on constate des scènes de violence et d'agressivité. L'héroïnomane posait des problèmes de délinquance quand il ne pouvait pas s'approvisionner sans vol. Le fumeur de crack, lui, est susceptible d'être violent à tout moment, car cela correspond aux effets du crack. Ils ont besoin d'une réponse adaptée à leur cas, pas à celui des héroïnomanes.

    Dr Marie-Ange Grondin

Réagir à cet article