
Paris, le jeudi 3 juin - Hier, dès 18 heures, des dysfonctionnements massifs des lignes téléphoniques fixes étaient signalés dans tout le pays, entraînant d’importantes difficultés pour les numéros d’urgence. « Il devait être autour de 18 heures et tous les SAMU ont commencé à alerter de problèmes dans les centres d’appels. Les gens ne parvenaient pas à accéder au service, des appels n’arrivaient pas, d’autres se coupaient en pleine conversation » témoigne François Braun, président du syndicat SAMU-Urgences de France.
L’incident affectait de manière « partielle mais significative la réception des appels d’urgence 15/17/18/112 sur l’ensemble du territoire national », a rapidement confirmé le ministère de l’Intérieur qui a alors mis en place une liste de numéros provisoires dans chaque département.
Panne de routeur
En cause ? Une panne d’ampleur du réseau d’Orange qui a été traitée dans la nuit. Il s'agit, selon la firme d'un « problème de routeur » et non d'une difficulté « liée à une opération de maintenance » ou à une cyberattaque.
« C’est un souci connu, la technologie de voix sur IP est plus fragile, et cela concerne tous les opérateurs. On a des systèmes de plus en plus performants, mais plus fragiles. Et les pannes sur ces technologies sont plus difficiles à détecter (…). Sur ces numéros spéciaux, on fait coexister trois technologies [mobile, traditionnel et voix sur IP]. On augmente la complexité sur quelque chose qui doit être solide » explique au journal Le Monde Stéphane Crozier, président du syndicat CFE-CGC d’Orange.
Obligation de résultat
Des explications dont ne devrait pas se contenter le gouvernement : le patron d’Orange, qui a présenté ses excuses aux Français, a été convoqué ce matin par Gérald Darmanin. « Il faut comprendre les causes de l’incident, car Orange a une obligation de résultats et non pas de moyens. Je ne dis pas qu’il y a une faute, mais il va falloir comprendre le processus (…). Peut-être qu’il y a un certain nombre de choses à revoir pour se moderniser, c’est peut-être l’occasion de revoir le dispositif de numéros d’urgence pour qu’il soit plus simple et lisible pour le grand public » a ainsi déclaré jeudi matin Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, sur BFM-TV
Quoi qu’il en soit, depuis minuit, « la situation est en très nette amélioration. Le service fonctionne, mais quelques difficultés persistent », a fait savoir l’opérateur. « Le réseau est sous surveillance avec une vigilance accrue, notamment aux heures de pointe des appels. Les équipes restent mobilisées et la situation doit revenir totalement à la normale dans les toutes prochaines heures ».
Trois à quatre décès ?
L’incident a fait rentrer de Tunis, où il était en voyage officiel, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin. En conférence de presse il a évoqué ce matin des « dysfonctionnements graves et inacceptables ».
« Nos concitoyens doivent désormais retourner vers les numéros d’urgence, le 18, le 17, le 15, et s’ils n’y arrivent pas, utiliser les numéros de contournement que nous gardons au moins ce matin » a-t-il ajouté.
« Sur demande du premier ministre, un audit externe va être diligenté sur les origines de la panne et les dysfonctionnements dans la remontée d’information », a aussi précisé Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique, pendant une conférence de presse à Beauvau.
Au cours de ce point presse, Gérard Darmanin a établi un lien entre la mort d’un habitant du Morbihan ayant une « maladie cardio-vasculaire » et la panne. Cette personne serait morte faute d’avoir « pu joindre les services de secours à temps », selon lui.
Le ministre a ajouté que « deux autres accidents cardio-vasculaires » avaient eu lieu à La Réunion, « mais je ne peux pas dire si le temps [avant l’arrivée des secours] a été particulièrement long et s’il est imputable » à la difficulté d’accès « à ce numéro d’urgence ». « Ce qui est sûr, c’est que les personnes ont témoigné qu’elles ont essayé d’appeler plusieurs fois et qu’elles n’ont pas réussi tout de suite à avoir des opérateurs », a-t-il insisté.
Plus tard dans la matinée, en visite à l’hôpital Necker de Paris, le ministre de la santé Olivier Véran a évoqué : « trois ou quatre décès » possiblement en lien avec cette panne et a promis un « bilan exhaustif » dans les jours à venir.
Une pierre dans le jardin du numéro unique ?
Il est en effet probable que la liste des interventions empêchées en raison de cette panne s’étoffe encore dans les prochaines heures mais il est indubitablement trop tôt pour tirer un bilan des différentes conséquences de ce dysfonctionnement majeur.
Dès mercredi soir, l’incident avait suscité de nombreuses interrogations quant à ses conséquences sanitaires. « Ce qui nous inquiète, c’est que des gens appellent pour des arrêts cardiaques, des accidents. (…) Il faut qu’on puisse répondre le plus vite possible. Il y a un véritable problème de mise en danger d’autrui », s’alarmait ainsi Patrick Pelloux sur BFMTV.
Cette panne, qui intervient en plein débat sur l’instauration d’un numéro unique, ne semble pas plaider en sa faveur. Il n’est en effet pas impossible qu’un numéro unique pourrait accroître la vulnérabilité de la police, des pompiers et du SAMU face à un nouveau dysfonctionnement d'un opérateur téléphonique…
F.H.