Numéro unique des urgences : la hache de guerre est déterrée

Paris, le vendredi 21 mai 2021 – Mis en suspens par la crise sanitaire, l’instauration d’un numéro unique des urgences revient sur le devant de la scène et suscite de nouveau le débat et la polémique parmi les professionnels.

Ainsi, Fabien Matras, député (LREM) du Var a déposé une proposition de loi qui instaurerait un numéro unique des urgences (le 112) après une expérimentation de 3 ans. Cette proposition sera débattue à l’Assemblée pendant trois jours du 26 au 28 mai (40 articles, dont un créant le numéro d’appel unique.

En pratique, si le texte est voté par les deux assemblées, des plateformes communes, rassemblant pompiers (le 18), Samu (le 15), police et gendarmerie (le 17) seront créées dans chaque département.

Les pompiers enthousiastes

« Ces plateformes permettront de mieux traiter les appels et de mieux discerner la réalité des besoins », salue la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF).  Pour le colonel Grégory Allione, président de la FNSPF s’exprimant sur LCI, cette réforme aurait le mérite de la clarté : "aujourd'hui il faut une simplification et faire en sorte que les urgences soient traitées par le 112. Depuis plusieurs années, les pompiers réclament l'instauration de ce numéro unique, et d'une plateforme téléphonique commune avec les forces de l'ordre et le Samu."

Même son de cloche, dans une tribune publiée par Le Monde et signée, notamment, par Renaud Muselier, Dominique Bussereau ou encore Luc Desquenel (Président de la CSMF-Généraliste) et la FNSPF : « Ce que nous voulons affirmer aujourd’hui, c’est la nécessité criante de remettre à plat la manière dont est organisé notre système de secours. La multiplicité des numéros d’urgence, la coordination trop faible entre sapeurs-pompiers, SAMU et ambulanciers privés sont autant de spécificités françaises qui ont rendu notre système inefficient. La mise en place d’un numéro unique d’appel d’urgence, le 112, est nécessaire et salutaire. Cette mesure de simplification permettrait de garantir une réponse rapide, proche et efficace à toutes les situations d’urgence, d’améliorer la coordination des services et d’optimiser l’usage des moyens. Le 112 complété d’un numéro d’accès aux soins non urgents, le 116 117 par exemple, qui est un numéro européen déjà utilisé par trois régions françaises, feraient ainsi passer les options de treize numéros d’urgence aujourd’hui disponibles à deux ».

SAMU et SOS médecins vent debout

Mais cette vision idyllique est loin d’être partagée.  « Ce n’est pas seulement le Samu, mais tout le monde de la santé ! » qui s’oppose à ce texte tonne le Dr François Braun, président de l’association professionnelle Samu-Urgences de France auprès du Télégramme de Brest.

Pour lui la solution d’un numéro unique « dégraderait la réponse d’urgence médicale, aggraverait la sur-sollicitation des moyens de secours, notamment de transport sanitaire, et coûte plus cher à faire fonctionner ».

Aussi, le Dr Braun défend le maintien de deux numéros d’urgence : un pour la santé, et un pour les secours (pompiers, police).

Cette proposition de loi fait également vivement réagir SOS médecins qui pointe une idée « vaine » car « qui peut espérer construire un système efficace en plaçant le secours médical sous la coupe de la sécurité civile, ou inversement d'ailleurs ? Cela serait ignorer les systèmes en place, les relations humaines, et l'histoire des organisations. Ça ne peut qu'échouer » et « absurde » car la question ne devrait pas être « Qui dirige qui ? », mais « Comment répondre mieux aux patients dans les situations d'urgence ? ».

« Il y a de bons arguments de chaque côté », reconnaît le député Matras, qui assure que l’expérimentation sera déterminante et que tout reste sur la table. Trois numéros seront testés : un 112, regroupant Samu, police et pompiers ; un 112 réunissant le Samu et les pompiers ; et enfin un 112 associant pompiers et  police. Celui qui fonctionnera le mieux serait adopté.

La France est-elle trop grande pour un numéro unique ?

Quel numéro s’avérera le plus efficace ? On dispose déjà d’un élément de réponse avec le dernier rapport de l’EENA (association européenne des numéros d’urgence). Sur 36 pays européens étudiés, seuls 10 disposent d’un numéro unique pour l’aide médicale urgente.  Parmi ces Etats la Roumanie est celui qui traite le plus d’appels (12 millions) bien loin du nombre colligé en France (50 millions)…

Xavier Bataille

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Vos réactions (1)

  • Piège

    Le 26 mai 2021

    Le numéro unique : une apparente simplification en amont, une source de grosses difficultés en aval.
    L'enfer est pavé de bonnes intentions.

    Dr Pierre Rimbaud

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