Nouvelle étape pour le pass sanitaire sur fond de questionnements scientifiques et d’une épidémie explosive aux Antilles

Paris, le lundi 9 août 2021 - La répétition a émoussé le caractère solennel de l’expression, désormais galvaudée. Pourtant, une fois encore, concernant la lutte contre l’épidémie de Covid, la semaine qui débute, peut être considérée comme décisive. L’évolution de la semaine écoulée a en effet été marquée par une dégradation rapide de tous les indicateurs.

Ainsi, le nombre de personnes atteintes de Covid hospitalisées en soins critique est passé au-dessus du seuil symbolique de 1 500, soit 400 de plus qu’au tout début du mois d’août. Les admissions à l’hôpital et en soins critiques ont progressé respectivement de 35 et 46 % en une semaine, relève le spécialiste des data Guillaume Rozier. On observe également une augmentation du nombre de décès hospitaliers, (+ 27 % en sept jours), qui demeure néanmoins à un niveau très bas (47 morts quotidiens en moyenne). De très fortes disparités régionales sont à déplorer, on le sait. Ainsi, alors que la tension hospitalière reste cantonnée à 30,2% sur l’ensemble du territoire, elle dépasse 50 % en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte-D’azur. Mais c’est surtout, en Guadeloupe et plus encore en Martinique, que la situation est « catastrophique » comme l’ont qualifié plusieurs représentants du monde hospitalier ce week-end. En Martinique, la tension hospitalière atteint en effet 233 % : on comptait 58 personnes atteintes de Covid admises en réanimation au sein du CHU de Fort de France le 8 août. Face à cette situation, plusieurs appels à la mobilisation des professionnels de santé spécialisés en réanimation ont été lancés ce week-end, tant par le ministère, que par les grands centres hospitaliers hexagonaux et les syndicats. Ils ont été rapidement entendus et 240 personnels en provenance de toute la métropole partiront aux Antilles demain soir : réanimateurs, urgentistes et infirmiers spécialisés en réanimation constitueront le contingent destiné à permettre le déploiement de lits supplémentaires, tandis que des matériels seront également acheminés.

Pass sanitaire dans les établissements médico-sociaux : le Conseil scientifique invite à la souplesse

La situation dramatique des Antilles s’explique notamment par une couverture vaccinale très restreinte avec moins de 20 % de la population complètement vaccinée, alors que les facteurs de risque (diabète, surpoids) sont plus fréquents dans les départements d’outre-mer. Pour faire progresser le taux de vaccination, non pas seulement aux Antilles, mais également partout en France, le gouvernement, mise, on le sait, sur le pass sanitaire, dont l’élargissement de l’application connaît une étape majeure aujourd’hui. Déjà exigée dans les lieux de culture et de loisirs accueillant plus de 50 personnes, la présentation d’un pass sanitaire s’impose désormais dans les cafés, bars et restaurants, tandis que la jauge de 50 personnes est levée ce qui signifie que tous les établissements doivent effectuer des contrôles, quel que soit le niveau de fréquentation de leur structure. Par ailleurs, en vertu du décret publié hier au Journal officiel, les grands centres commerciaux ne sont pas concernés, sauf décision préfectorale en fonction des indicateurs épidémiques départementaux. En outre, les voyages en avion, trains internationaux, TGV, trains Intercités et autocars longue distance sont également soumis au pass sanitaire. Enfin, dans les établissements médico-sociaux, en dehors des urgences, visiteurs et patients devront également satisfaire cette obligation, ce qui nous l’avons déjà évoqué est déploré par un très grand nombre de représentants du monde médical, l’Ordre des médecins en tête. A ce sujet, le Conseil scientifique, qui a émis un avis sur le décret d’application dédié au pass sanitaire publié hier a insisté : « L’application du « pass sanitaire » pour les patients amenés à être hospitalisés doit faire l’objet d’une grande souplesse. Il faut trouver un équilibre entre la sécurité à assurer pour les autres patients et le respect fondamental de la prise en charge individuelle de chaque patient ».

Quand les contraintes logistiques conduisent à des décisions contestables

Un pass sanitaire valide suppose on le sait soit un schéma vaccinal complet depuis au mois une semaine, soit un test PCR ou antigénique négatif de moins de 72 heures, et non 48 heures comme annoncé précédemment. Cet allongement a été l’objet d’un avis favorable du Conseil scientifique.

Mais l’ensemble de la communauté médicale est loin d’être à l’unisson. Le professeur Yves Buisson, membre de l’Académie de médecine déplore ainsi une décision opportuniste, uniquement destinée à répondre à l’engorgement des laboratoires et des pharmacies, alors que jamais autant de dépistages n’ont été réalisés la semaine dernière : « On ne joue pas comme ça avec la validité des tests. A mon avis, 48 heures c’est le maximum acceptable. A 72 heures, on est au-delà. On augmente les risques de laisser passer des gens qui sont porteurs du virus alors que leur test était négatif. Ça n’a pas de justification scientifique. Au contraire » réprouve-t-il dans les colonnes du Libération.

Certificats de contre-indication pour les personnes ne pouvant temporairement être vaccinées ?

Les réserves s’expriment également en ce qui concerne la possibilité de se prévaloir du résultat d’un autotest négatif, même si le décret précise que le prélèvement devra être fait sous le contrôle d’un professionnel. Si cette condition est destinée à limiter les risques de faux négatif (tout en permettant une nouvelle fois d’alléger la pression sur les pharmacies et centres de dépistages), le Conseil scientifique observe néanmoins : « la sensibilité des autotests est inférieure à celle des tests PCR et antigéniques. Mais leur utilisation répétée chez une même personne (ce qui pourrait être le cas chez les jeunes), atténue cette diminution de sensibilité. Il est important de noter que toute personne testée positive avec un autotest doit avoir un test de confirmation PCR et entrer ainsi dans le système de déclarations des cas positifs ». Le Conseil scientifique relève encore que l’élargissement de la durée de validité du test jusqu’à 72 heures et le recours aux autotests : « reposent sur des connaissances scientifiques limitées » tout en comprenant que ces mesures « ont pour objet de répondre aux difficultés logistiques anticipées pour le déploiement des tests à large échelle afin de rendre opérationnel le pass sanitaire ». On notera encore que le Conseil scientifique a émis un avis favorable à la disposition précisée dans le décret voulant qu’après « un épisode infectieux à covid-19 et un isolement, la période à l’issue de cet isolement durant laquelle une nouvelle mesure d’isolement n’est pas justifiée est fixée à 2 mois ». Enfin, il signale que « Les rares personnes ayant une incapacité à court terme de se faire vacciner (1ère ou 2ème dose) pour raison médicale dument confirmée, doivent pouvoir bénéficier d’un certificat de contre-indication temporaire afin de ne pas être pénalisées pour le « pass sanitaire » ».

Levée de l’obligation du port du masque : une possibilité encore théorique

Le Conseil scientifique est par contre coi en ce qui concerne la levée de l’obligation du port du masque dans les lieux où le pass sanitaire est exigé. Pourtant, cette mesure suscite une controverse médicale certaine, puisqu’il est établi que la vaccination n’offre qu’une protection partielle quant au risque d’être infecté et de transmettre SARS-CoV-2. Mais si le Conseil scientifique n’a guère été disert sur ce point, c’est peut-être en partie en raison des multiples exceptions déjà annoncées qui devraient fortement limiter les situations dans lesquelles le masque ne sera plus imposé. Ainsi, notamment dans les transports, dans un contexte de circulation importante du variant Delta, le masque demeure la règle pour tous.

Pas de tolérance pour les fraudeurs

Les responsables des établissements dont l’accès est conditionné par la présentation d’un pass sanitaire qui omettraient au cours d’une période de 45 jours de réaliser à au moins trois reprises les contrôles nécessaires s’exposent à une amende de 9 000 euros et un an d’emprisonnement. Si les membres du gouvernement ont voulu afficher leur fermeté, en annonçant une multiplication des contrôles, une semaine de tolérance a cependant été promise, en particulier dans les bars et restaurants. Il n’y aura cependant aucune indulgence pour les personnes recourant au pass d’un proche, passibles d’une amende de 135 euros pouvant être rapidement majorée jusqu’à 750 euros, tandis qu’elle sera portée à 1500 euros en cas de récidive. Par ailleurs, dans un contexte de progression des faux certificats, constatée par l’Assurance maladie, il est rappelé que les professionnels de santé émettant de fausses attestations de vaccination s’exposent à une radiation, à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ces mêmes sanctions pénales s’appliquent également aux utilisateurs de ces faux pass.

Des restaurateurs inquiets

Cette étape d’extension du pass sanitaire s’inscrit dans un contexte de fébrilité. Beaucoup de représentants des restaurateurs ont notamment évoqué leur appréhension, redoutant des violences liées aux procédures de contrôle, ainsi qu’une baisse de fréquentation de leurs établissements déjà si éprouvés par la crise. D’ailleurs, dans la capitale, peut-être en prévision des difficultés liées à l’application du pass sanitaire, un nombre plus important de restaurants sont fermés qu’à l’accoutumée au mois d’août. Mais cet atermoiement ne leur permettra pas d’éviter l’autre étape redoutée : l’application à partir du 30 août du pass sanitaire aux personnes travaillant dans les établissements concernés par le dispositif. Sur ce point, Elisabeth Borne a confirmé hier que les personnes dont le contrat serait suspendu faute de pass sanitaire, ne pourront toucher d’allocations chômages.

A.H.

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Vos réactions (2)

  • Le fond de questionnement est-il atteint ?

    Le 10 août 2021

    Le fond de questionnement est-il atteint ?

    Soyons logiques. Réfléchissons sur cette crise sanitaire qui s'aggrave au fur et à mesure des mois (selon certains) et réfléchissons sur le passe sanitaire sans parler de ses conséquences économiques et familiales (pourtant non négligeables). Nous sommes en crise exponentielle avec deux possibilités.

    CAS 1- Les vaccins ARNm étant très efficaces (disons presque à 100 % selon certaines sources bien informées par les firmes qui les vendent) les personnes non vaccinées ne peuvent pas présenter un danger pour les personnes bien vaccinées. Ou alors le virus est plus malin qu'on ne le croit. Ces dernières sont trop bien protégées au moins quelques mois. Elles sont, en quelque sorte, blindées. Le passe sanitaire deviendrait, par conséquent pratiquement inutile de fait en raison de la très bonne protection acquise par la plupart des vaccinés. Et le confinement est alors une mesure presque inutile.

    CAS 2- Si, au contraire, les vaccins ne sont pas efficaces ou fort peu efficaces, contournés par les mutants survivants devenant des variants très actifs, le passe sanitaire devient alors un faux semblant de protection, s'il n'est pas validé par des tests immédiats. En effet, donner un passe sanitaire à une personne vaccinée avec ces vaccins inefficaces ou à une personne relevant d'un covid sans vérifier la disparition du virus par RT-PCR et ou sans vérifier l'apparition d'anticorps anticovid durables est une insuffisance de surveillance médicale qui expliquerait bien le semi-échec des vaccins que nous constatons.

    CAS 3- Ce n’est ni la CAS 1, ni le CAS 2. Nous serions dans une situation médiane : la plus probable, les vaccins et les protections sanitaires sont déclarées insuffisantes ou inapplicables. Mais on ne les abandonne pas faute d'autre chose. Reste tout de même le recours à la médecine du premier jour chez le généraliste. Première mesure, l’isolement strict à domicile sinon un sanatorium évacué: De l’ivermectine dès le jour-contact, diverses mesures de désinfection du nez dont la vaporette chargée d’ivermectine, un calendrier des signes cliniques, un antibiotique dès le premiers accès de toux ou de nez qui coule, un RT-PCR dès j5-contact, des di-dimères de principe et une anti coagulation spécifique. Spiromètre et saturation O2.

    Dr JD

  • Rapatriements des touristes

    Le 10 août 2021

    A mon avis, le rapatriement des touristes est la plus grosse idiotie! Les confiner et les traiter ou ils sont! Que ce soit en Martinique ou ailleurs! Sinon, c'est le meilleur moyen de parvenir là ou ce n'est pas le cas, au même taux d'incidence en métropole! Plutôt envoyer des équipes sanitaires avec du matériel!
    Tester, tracer, isoler, ce n'est plus d'actualité, et s'il faut isoler quelqu'un, c'est le préfet de Martinique, c'est un dangereux...

    Dr JP VASSE

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