
Fermetures à répétition
Ce courroux des maires s’explique par la chronicité de la situation. Ce n’est en effet pas la première fois, loin de là, que les urgences et le SMUR de Bourges dysfonctionnent, en raison d’une pénurie de praticiens, dans un des territoires de France les plus touchés par la désertification médicale. Au printemps 2018, l’établissement avait ainsi dû fermer pendant trois jours. Il y a un an quasiment jour pour jour, le 8 octobre 2020, les activités du service avaient également été perturbées. Depuis le début de l’année, des tensions ont également conduit à une fermeture à la fin du mois de janvier (après le désistement de deux médecins intérimaires), tandis que les difficultés d’organisation sont constantes.Établissement de référence
A chaque fois, des solutions sont trouvées pour éviter que la population soit totalement privée de soins d’urgence. Appels aux médecins de ville, aux équipes de SOS médecins et surtout aux urgences de Vierzon et Saint-Amand ont ainsi permis jusqu’à aujourd’hui de pallier ces nuits de vide. En outre, les élus se sont systématiquement mobilisés pour alerter, demandant par exemple à Olivier Véran la réalisation d’un audit. Ainsi, en janvier, Yann Galut avait écrit au ministre une lettre soutenue par plusieurs parlementaires dénonçant : « Nous ne pouvons accepter qu'au sein d'une agglomération de 100 000 habitants, la répétition de ces dysfonctionnements prive notre territoire des urgences vitales ». Mais alors que ces appels n’ont jamais reçu plus que des réponses polies, le recours aux équipes proches est loin d’être une solution satisfaisante. D’abord, parce que le transfert par les équipes du SMUR de Saint-Amand, par exemple, représente potentiellement une perte de temps et de chance pour les patients : quarante minutes sont en effet nécessaires. En outre, l’hôpital de Bourges constitue un centre de référence dans la région, comme l’expliquait en 2018 au journal Le Berry, la directrice générale de l’époque de l’ARS Centre-Val de Loire : « Ma ligne, c’est qu’un établissement support, et c’est le cas de Bourges, ne peut pas fermer son service d’urgences. Vraiment. C’est l’établissement de référence du département. On y prend en charge des urgences graves ». Malheureusement, les moyens n’ont pas été suffisants pour que la solidité de cette ligne soit assurée.La rémunération des intérimaires en question
Si les difficultés se sont encore aggravées récemment, c’est en raison notamment de la contestation par les intérimaires du plafonnement de leurs rémunérations. Dans ce contexte, la perspective de l’application de la loi Rist, fin octobre, qui permettra aux autorités de contester les dépassements de rémunération préoccupe de nombreux établissements. « Les exigences de certains intérimaires peuvent dépasser de 50 à 100 % le plafond établi. Cet effort de contrôle supplémentaire va maintenant associer le comptable public qui va être chargé de rejeter tout paiement de rémunération irrégulière. Il associe aussi le directeur de l'ARS qui sera tenu de déférer les actes juridiques irréguliers au tribunal administratif compétent », explique Bénédicte Soilly-Loiseau, directrice adjointe du centre hospitalier de Bourges à France Bleu. Si cette action contre les abus peut apparaître louable, cette situation pourrait encore complexifier un peu plus la tâche des directions hospitalières à l’heure de remplir les plannings.Mais l’établissement de Bourges (qui n’est pas le seul en France à être concerné) tente de voir quelques lueurs d’espoir. Ainsi, quatre nouveaux praticiens « ont été accompagnés, formés, coachés, par l'hôpital, en interne, pour réussir la procédure nationale d'autorisation d'exercer la médecine d'urgence. Et ils vont donc pouvoir intégrer l'équipe de médecine d'urgence. On attend également de nouvelles mesures en janvier prochain qui rendront la filière de médecin hospitalier plus attractive » relève Bénédicte Soilly-Loiseau. En espérant que ces revalorisations soient effectivement suffisamment séduisantes et en les attendant, les semaines qui vont venir pourraient voir se répéter des nuits comme celle du 8 octobre à Bourges, voire dans quelques autres villes de France.
Aurélie Haroche