
Paris, le samedi 16 octobre 2021 – Qu’on nous excuse cette
évidence, mais les Prix ont toujours une dimension politique.
Concernant le prix l’Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science, il
ne s’en cache nullement puisque son objectif affiché est de mettre
en lumière les chercheuses et tout en signalant l’excellence de
leur parcours, rappeler les difficultés qui persistent pour les
femmes dans le domaine scientifique. Mais au-delà, c’est souvent un
regard sur l’actualité et sur les pistes de recherche médicale les
plus en vogue et prometteuses qu’offre le palmarès de ce prix, qui
vient d’être remis le 7 octobre à une trentaine de jeunes
femmes.
Modéliser l’épidémie
Parmi elles, trois doctorantes et une post-doctorante de
l’Institut Pasteur et peut-être pour le jury de l’Oréal-Unesco la
volonté d’afficher sa position face aux critiques qu’a essuyé le
célèbre Institut en ce qui concerne la qualité de ses modélisations
de l’épidémie de Covid. Il a en effet salué le travail de Cécile
Tran Kiem. Polytechnicienne, ses études l’ont conduite à
s’intéresser à la modélisation des épidémies. D’abord concentrée
sur la propagation des moustiques tigres en Europe, la pandémie de
Covid réoriente ses réflexions. Ainsi, elle a œuvré au
développement de modèles mathématiques et statistiques dédiés à
l’épidémie… ce qui dans un temps aussi court relève sans conteste
de la prouesse, en dépit des probables améliorations nécessaires
pour affiner certaines projections.

Cécile Tran Kiem
Du cancer…
Mais refusant l’idée d’un palmarès uniquement centré sur la
Covid, le jury a salué des travaux dans de nombreux autres
domaines. Ainsi, les lauréates de l’Institut Pasteur s’intéressent
à des sujets aussi divers que l’immunothérapie dans le cancer, la
transmission des arbovirus ou encore la prévention des maladies
chroniques qui sont des enjeux médicaux incontestables. Ainsi,
diplômée de l’Ecole normale supérieur de Lyon, Morgane Boulch,
utilise l’imagerie intra-vitale pour observer comment des «
cellules immunitaires reprogrammées génétiquement interagissent
avec des cellules cancéreuses » explique l’Institut Pasteur.
L’idée est de développer des immunothérapies antitumorales dont
l’action serait la rééducation du système immunitaire des patients
souffrant de cancer.

Morgane Boulch
… à la prévention des maladies chroniques en passant par les moustiques
De son côté, Gladys Gutiérrez Bugallo, dont le doctorat est
mené entre l’Institut Pasteur de Guadeloupe et l’Institut de
médecine tropicale Pedro Kouri de Cuba se passionne pour les
maladies transmises par Aedes aegypti… non pas à l’homme, mais à sa
descendance. Car, tel pourrait en effet être la clé de la
persistance de certains virus et de leur réémergence. Enfin, Marion
Rincel consacre sa thèse à « l’implication de l’axe
intestin-cerveau dans les désordres émotionnels associés à un
stress précoce », et donc les différentes interactions entre le
fameux microbiote et notre santé psychique, ce qui constitue une
thématique qui suscite aujourd’hui une curiosité majeure.

Gladys Gutiérrez Bugallo
Femme et chercheuse, pas encore une sinécure
Même si le prix l’Oréal-Unesco est l’occasion évidemment de
mettre en lumière les sciences, il veut également porter un
témoignage sur la situation des femmes dans la recherche. Ce qui
marque dans le parcours des quatre lauréates de l’Institut Pasteur
c’est une même précocité dans leur intérêt pour la recherche, avec
l’importance souvent du milieu familial. Ainsi, Gladys Gutiérrez
Bugallo ne cache pas qu’elle s’inscrit dans la continuité de la
carrière de sa mère, microbiologiste. L’exemple de cette mère ne
l’a pas conduite à considérer que les difficultés des femmes
pourraient être dépassées, mais semble au contraire avoir aiguisé
sa prise de conscience. Ainsi, estime-t-elle vouloir « servir
d’exemple pour les jeunes filles s’intéressant à la science ».
Sans considération aussi genrée, la volonté de transmission est
également forte chez Morgane Boulch qui cite parmi les expériences
les plus formatrices de sa jeune carrière son contact avec des
enfants de primaire pour les éveiller à la science.

Marion Rincel
Déclic
Aurélie Haroche