Omicron met en lumière la situation épidémique et vaccinale contrastée de l’Afrique

Paris, le mardi 7 décembre 2021 – Le variant Omicron, identifié pour la première fois par des scientifiques Sud-Africains à la fin du mois de novembre, semble être à l’origine d’une flambée de cas d’infections par SARS-CoV-2 en Afrique australe. D’une manière générale et sans que cette tendance soit nécessairement uniquement associée à Omicron, dans cette région, après une diminution importante pendant 10 semaines, les nouvelles contaminations ont soudain cru de plus de 60 % à la mi-novembre.

Un taux de vaccination en progression mais largement insuffisant

Bien sûr cette situation relance la question de la vaccination en Afrique, d’autant plus que l’émergence de variants dans cette région pourrait être partiellement liée à des couvertures vaccinales trop limitées. Aujourd’hui 7,5 % de la population du continent (soit 102 millions de personnes) a reçu un schéma vaccinal complet (contre 3 % début octobre). Des disparités importantes sont constatées en fonction des pays, avec des taux de vaccination de 60 % aux Seychelles et à Maurice par exemple, contre 2 % dans 26 autres pays d’Afrique. On estime par ailleurs que dans 37 pays, 6,5 millions de doses de vaccin ont été administrées à des Africains souffrant de comorbidités (soit 14 % de l’ensemble des doses administrées).

Plus de 40 % des doses reçues non utilisées

Ces chiffres rappellent l’immensité du défi. Il concerne notamment l’accessibilité des doses. Sur ce point, hier à Dakar, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian a milité pour une « souveraineté » africaine en matière de vaccin. Pour l’heure, le continent doit très majoritairement compter sur la solidarité internationale. Ainsi, a-t-il reçu 417,5 millions de doses à ce jour ; une dotation notoirement insuffisante, puisque 1,5 milliard de doses seraient nécessaires pour vacciner 60 % de la population. Alors que dans de nombreux pays occidentaux, dont la France, le nombre de doses reçues est largement supérieur au nombre d’habitants, on mesure l’ampleur des écarts.

Cependant, la pénurie de doses est loin d’être l’unique obstacle à la vaccination en Afrique. En effet, comme le rappelait vendredi LCI, sur les 417,5 millions de doses reçues, 234,8 millions de doses seulement ont été utilisées, soit 56 %. Un grand nombre d’états dispose ainsi de stocks importants (six millions par exemple en Afrique du Sud, plus de 27 millions au Nigeria). De fait, les raisons de la faible couverture vaccinale sont multiples. Les problèmes logistiques (réfrigération, transports, pénurie de seringues) représentent ainsi d’importants blocages. Par ailleurs, le poids des réticences et des croyances est majeur. Un sondage réalisé dans 15 pays d’Afrique signale par exemple que 39 % des personnes interrogées considèrent qu’une prière est plus efficace que le vaccin.

Pas si grave ?

Mais au-delà de l’influence des fausses informations et des convictions religieuses, la Covid n’est pas nécessairement considérée comme une « menace » prioritaire par une partie importante de la population. De fait, le nombre de morts, même s’il est loin d’être insignifiant reste faible dans un grand nombre de pays. Officiellement, l’Afrique a recensé 8,5 millions de cas et plus de 219 000 morts pour une population de plus de 1,3 milliards, à comparer aux 1,5 millions de morts européens (pour une population d’un peu moins de 800 millions de personnes). Bien sûr, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déjà signalé la très forte sous-estimation du nombre de cas sur le continent africain qu’elle considère probablement au moins sept fois supérieur. Dès lors, le nombre de décès est probablement également sous évalué, mais pas nécessairement dans des proportions similaires, observe encore l’OMS. De fait, même les pics épidémiques les plus marqués n’ont pas toujours été associées à des vagues de mortalité très élevées. Ainsi, aujourd’hui en Afrique du Sud, alors que plus de 11 000 cas étaient recensés dimanche par exemple, seul un décès était parallèlement déploré.

Une population jeune…

Jeunesse de la population et recensement des cas et des décès probablement biaisés par des moyens restreints expliquent probablement en grande partie cette situation. Par ailleurs, si les déficits immunitaires (liés au Sida notamment) ne sont pas rares, que la malnutrition affaiblit une partie de la population et que le continent a connu une nette progression du diabète ces dernières décennies, les comorbidités liées à l’âge, notamment cardiologiques, sont moins répandues.

… bien plus sévèrement menacée par d’autres fléaux

Cette gravité potentiellement moindre n’est probablement pas étrangère à la relative indifférence de certains Africains vis-à-vis du vaccin et ce d’autant plus que de nombreuses autres pathologies demeurent des fléaux importants. Ainsi, le paludisme a tué en 2020 627 000 personnes, soit près de trois fois plus que la Covid (officiellement). Ce bilan est en hausse de 69 000 décès par rapport à 2019, dont, selon l’Organisation mondiale de la Santé 47 000 sont directement imputables aux répercussions des mesures prises pour freiner la circulation du SARS-CoV-2. Si l’OMS remarque que le bilan aurait pu être plus terrible, comme elle le redoutait elle-même, comment les Africains en voyant mourir leurs enfants (principales victimes du paludisme) ne peuvent-ils pas ressentir une forme d’amertume, quand aujourd’hui certains de leur gouvernement semblent principalement préoccupés par la Covid ?

Aurélie Haroche

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