
La stéatohépatite non alcoolique (NASH) est un élément majeur
du syndrome métabolique. Elle peut évoluer en cirrhose et
hépatocarcinome mais est aussi très fortement liée aux maladies
cardiovasculaires (MCV). Son diagnostic nécessite le recours à une
biopsie hépatique, sa prise en charge reste problématique. A ce
jour, aucun traitement actif n’est disponible, susceptible de
réduire les complications de la NASH.
En cas d’obésité majeure avec maladie métabolique, il est
acquis que la chirurgie bariatrique apporte des bénéfices
substantiels et soutenus sur l’excès pondéral, l’hyperglycémie,
l’hypertension et la dyslipidémie. Il est possible que ce type de
chirurgie améliore également certains éléments histologiques de la
NASH, tels qu’inflammation et/ou fibrose. Elle serait, de même,
associée à un moindre risque de MCV et de mortalité.
Une étude, nommée SPENDUR (Surgical Procedure and Long
-Term Effectiveness in NASH Disease and Obesity Risk) a été
entreprise chez des patients porteurs d’une NASH histologiquement
prouvée, sans cirrhose afin de préciser les relations entre
chirurgie bariatrique et survenue d’effets secondaires graves
hépatiques ou CV à long terme. L’étude est rétrospective et porte
sur une cohorte de malades du Cleveland Clinic Health
System, constituée entre 2004 et 2016. Pour chacun des
participants avait été calculé un score histologique d’hépatopathie
graisseuse non alcoolique (NAFLD), prenant en compte l’intensité de
la stéatose et du ballonnement hépatocytaire, le degré
d’inflammation lobulaire et un score de fibrose, classée de F 0
(pas de fibrose) à F 4 (cirrhose). Les patients inclus dans la
cohorte étaient âgés de 18 à 80 ans, obèses avec un indice de masse
corporel ≥30 ; ils présentaient une fibrose hépatique allant de F1
à F3. Les critères d’exclusion étaient, en autres, la présence
d’une cirrhose ou d’une autre hépatopathie, une consommation
excessive d’alcool ou encore un hépatocarcinome associé. Les
patients éligibles ont été séparés en chirurgicaux (opérés par
bypass gastrique Roux-en-Y ou par sleeve gastrectomie) et en
malades non chirurgicaux (constituant le groupe contrôle). Le
paramètre essentiel analysé était l’incidence des complications
majeures hépatiques et/ou CV. Les premières étaient définies par un
critère composite associant aggravation clinique ou histologique,
développement d’un hépatocarcinome, nécessité d’une transplantation
hépatique ou décès par insuffisance hépatique. Les événements CV
retenus étaient la survenue d’une coronaropathie, d’un accident
vasculaire cérébral, d’une défaillance cardiaque ou d’une mort
cardiogénique. Les autres paramètres étudiés ont été l’évolution du
poids corporel, de l’hémoglobine A1c (chez les diabétiques), les
complications iatrogènes majeures. Plusieurs facteurs confondants
ont été pris en compte : âge en début de suivi, statut tabagique,
présence éventuelle d’un diabète de type 2, score histologique
d’activité et de fibrose.
Baisse significative du taux des complications hépatiques et cardiovasculaires avec la chirurgie bariatrique
En fin de suivi, on dénombrait 5 complications hépatiques
majeures dans le groupe chirurgical face à 40 dans le groupe
médical. En analyse pondérée à 10 ans, l’incidence cumulative de
ces complications s’établit à 2,3 % (intervalle de confiance à 95 %
IC : 0,0-4,6 %) dans le bras chirurgie vs 9,6 % (IC : 6,1-
12,0 %) dans le bras médical, soit une différence absolue de risque
à 7,3 % (IC : 3,2-11,4 %), une différence ajustée à 12,4 % (IC :
5,7–19,7 %) et un Hazard Ratio HR ajusté à 0,12 (IC : 0,02-0,63),
significatif (p à 0,01). L’incidence cumulée à 10 ans des MCV
était, pour sa part, de 8,5 % (IC :5,5–11,4 %) en cas de geste
chirurgical vs 15,7 % (IC : 11,3-19,8 %) dans le groupe
médical, d’où une différence ajustée absolue du risque de 13,9 %
(IC : 5,9-21,9 %), le HR ajusté étant à 0,30 (IC :0,12- 0,72), très
significatif (p= 0,007). A 10 ans, la réduction de l’IMC était de
22,4 % (IC :21,7-232 %) après chirurgie face à 4,6 % (IC : 3 ,9-5,4
%) dans le groupe suivi médicalement. On notait, chez les
diabétiques, une baisse significative de l’HbA1c après chirurgie
bariatrique.
Dans les 30 jours postopératoires, 62 patients (9,5 %) ont
présenté une complication majeure dont 3,5 % de sepsis, 2,2 % de
désunion gastro intestinale et 2,2 % de complications
respiratoires. Dans la première année suivant la chirurgie, 4
malades (0,6 %) sont décédés de complications chirurgicales (2 par
fistule gastro intestinale et 2 d’insuffisance respiratoire).
De cette étude observationnelle, il ressort que la chirurgie
bariatrique, comparée à une prise en charge purement médicale, est
associée à un risque significativement plus faible de survenue,
chez des patients soufrant de NASH, de complications hépatiques et
CV. Cette procédure apparaît donc comme une option thérapeutique
envisageable, d’autant, qu’à ce jour, on ne dispose d’aucun
médicament anti NASH agrée par les autorités de tutelle. La
vitamine E, la proglitazone, l’acide obéticholique, le liraglutide
ou le sémaglutide n’ont, en effet, démontré qu’un bénéfice très
modeste. Cependant, il faut signaler quelques biais possibles dans
cette étude liés à la variabilité inter observationnelle
considérable dans l’appréciation histologique de la NASH ou à un
déséquilibre de covariables entre les 2 bras. De plus, le nombre
d’effets secondaires était réduit et les intervalles de confiance
larges. Il a pu exister des erreurs de classification et, enfin,
seuls 17 % des patients chirurgicaux ont bénéficié d’une sleeve
gastrectomie, technique chirurgicale de nos jours la plus
utilisée.
Dr Pierre Margent