Prévention des hospitalisations pour Covid-19 : le retour du remdésivir ?

Chez le sujet âgé ou le patient atteint de comorbidités telles l’obésité, le diabète ou encore la maladie cardiovasculaire, le risque d’une forme sévère de la Covid-19 apparaît élevé. C’est dans ce contexte que les hospitalisations sont les plus fréquentes et le pronostic vital volontiers engagé. Certains traitements tels les anticorps monoclonaux sont à même de freiner la progression de la maladie. Le remdesivir est un antiviral capable d’inhiber directement l’ARN polymérase de nombreux virus à ARN et, parmi eux, le SARS-CoV-2. Dans un essai de phase 3 cet antiviral, administré pendant 5 à 10 jours raccourcissait la durée de la convalescence chez les patients hospitalisés pour Covid-19. Un traitement plus précoce utilisé chez des malades ambulatoires à haut risque, alors que l’infection en est à ses débuts, peut-il améliorer le pronostic et diminuer le risque d’hospitalisation ?

C’est à cette question que répond une étude étatsunienne randomisée, menée à double insu contre placebo, dans laquelle ont été inclus 562 patients (âge moyen 50 ans ; femmes : 47,9 %) non hospitalisés, tous atteints d’une forme symptomatique de la maladie évoluant depuis une semaine. Il existait au moins un facteur de risque exposant à une évolution potentiellement défavorable : âge ≥ 60 ans, obésité ou diverses comorbidités.

Deux groupes ont été constitués par tirage au sort : (1) remdésivir (200 mg le premier jour et 100 mg les deux jours suivants) (n=279) ; (2) placebo (n=283). Le critère de jugement principal combinait les hospitalisations et les décès quelle que soit leur cause, survenus au cours d’un suivi de 28 jours. Les comorbidités les plus fréquentes étaient les suivantes : diabète (61,6 %), obésité (55,2 %) et hypertension artérielle (47,7 %).

Risque d’hospitalisation divisé par sept

Le critère de jugement principal a concerné deux patients (0,7 %) du groupe remdésivir, versus 15 (5,3 %) dans le groupe placebo, ce qui conduit à un hazard ratio de 0,13 (intervalle de confiance [IC] à 95 %, 0,03 à 0,59 ; p=0,008).

Le nombre de consultations liées à la Covid-19, au terme des 28 jours de suivi a été également moindre dans le groupe traité, soit 4/246 (1,6 %), versus 21/252 (8,3 %) dans le groupe placebo, soit un hazard ratio de 0,19 (IC 95 %, 0,07 à 0,56). La mortalité s’est avérée nulle dans les deux groupes. La fréquence des évènements indésirables a été de 42,3 % dans le groupe traité et de 46,3 % dans le groupe placebo.

Cette étude randomisée, menée à double insu contre placebo, suggère que le remdésivir est efficace dans la prévention des formes sévères de la Covid-19 chez les patients à haut risque du fait de leur âge ou de comorbidités telles obésité, diabète ou encore HTA. Cet antiviral administré précocement par voie IV dans les sept jours qui suivent le début des symptômes réduirait drastiquement le nombre des hospitalisations et des consultations. Trois jours de traitement suffiraient pour obtenir de tels résultats. L’étude a été interrompue précocement pour des raisons administratives, ce qui paraît insuffisant pour expliquer d’éventuels biais. L’effet sur la mortalité n’a pu être évalué, dans la mesure où elle a été nulle dans les deux groupes. Dans ces conditions, ce médicament pourrait être administré à des fins préventives chez les patients à haut risque d’une forme sévère de la Covid-19, ce qui mérite tout de même confirmation et actualisation pour au moins deux raisons : elle a été réalisée avant l’apparition du variant Delta, a fortiori d’Omicron et elle n’a inclus que des patients non vaccinés. Deux limites qui doivent être prises en compte face à une épidémie qui a changé de visage.

Dr Philippe Tellier

Références
Gottlieb RL et coll. : Early Remdesivir to Prevent Progression to Severe Covid-19 in Outpatients. N Eng J Med., 2022 : 386 ; 305-315. DOI: 10.1056/NEJMoa2116846.

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Vos réactions (1)

  • Décidément la science dérive

    Le 01 février 2022

    Il est vrai que quand un médicament s'est révélé peu ou pas efficace, il faut vite rechercher des indications permettant, pour le moins, d'écouler les stocks... Il en va de l'avenir de l'industrie pharmaceutique!

    Décidément, la science dérive et c'est bien dommage.

    Remplacer Remdesivir par Hydroxychloroquine dans le texte? Pourquoi pas, le sens général du papier ne change guère. Il n'y a que l'ampleur des profits qui change à l'arrivée. C'est déjà un critère important. Mais pas pour les malades.

    Dr Jean-François Michel

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